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Scandale de la centrale St-Louis : voici ceux qui détiennent la clef du mystère
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Scandale de la centrale St-Louis : voici ceux qui détiennent la clef du mystère
«I am not aware», a répondu plusieurs fois, le Premier ministre, aux questions du leader de l’opposition le jeudi 11 juin, sur ce que la presse a surnommé le St-Louisgate. Si le Premier ministre ne sait rien, qui peut bien le savoir ? Voici quelques pistes.
L’affaire sur le papier est toute simple. Burmeister and Wain Scandinavian Contractor (BWSC), une firme danoise, a obtenu un contrat de Rs 4,3 milliards pour augmenter la capacité de production de la centrale de St-Louis. Cette même firme a avoué par la suite avoir donné des pots-de-vin à des officiels mauriciens, via des tiers, pour obtenir le contrat. Ce que confirme une enquête de la Banque africaine de développement, qui finance le projet.
Or, le Premier ministre, en répondant plusieurs fois «I am not aware» aux questions du leader de l’opposition jeudi, démontre qu’il n’est au courant de rien. Voilà pourquoi nous vous proposons – et à Pravind Jugnauth également – une liste de personnes susceptibles de l’aider dans son enquête. Ces personnes citées ont été liées de près ou de loin au projet.
Ivan Collendavelloo
Ministre de l’Énergie depuis décembre 2014, il connaît ce dossier du bout des doigts. Pour preuve, le 3 octobre 2017, lorsqu’il procède à l’inauguration des nouvelles turbines de la station de St-Louis, il déclare fièrement: «Na péna enn sou kinn dépansé an plis ek bann kontrakter finn respékté deadline», tout en tenant des propos élogieux envers Seety Naidoo, le chairman du Central Electricity Board (CEB), qui a été révoqué samedi 13 juin, avec tout le conseil d’administration. Logiquement, celui qui s'assoit juste à la gauche du Premier ministre, à l’Assemblée nationale, devrait être au courant de tout.
Seety Naidoo
Chairman du CEB de 2015 à 2019 – ayant temporairement démissionné pour se porter candidat sous les couleurs du ML (parti fondé et dirigé par Ivan Collendavelloo) aux élections de 2019 – puis de 2019 à hier, c’est lui qui marche fièrement aux côtés d’Ivan Collendavelloo lors de l’inauguration des nouvelles turbines de St-Louis, et c’est lui qui se fait féliciter par le ministre pour la réalisation du projet. C’est Radhakrishna Chellapermal, Deputy Financial Secretary, qui présidera dorénavant le board.
Christelle Sohun
Elle fait partie du cercle proche du duo Naidoo-Collendavelloo et elle est souvent assise sur l’estrade lors des réunions politiques du ML. Après les élections de 2014, elle est nommée membre de l’Independent Review Panel, organisme chargé d’arbitrer les contestations autour des contrats publics alloués. D’ailleurs elle signe bien, en avril 2016, le rejet de la demande des soumissionnaires malheureux qui pensaient mériter le contrat à la place de BWSC. Christelle Sohun était jusqu’à très récemment haut-commissaire de Maurice en Australie.
Rajcoomar Bikoo
Cet ingénieur de formation siège sur le board du CEB en tant que représentant du ministère de l’Énergie où il exerce comme directeur général des Services publics. Il est l’oreille et les yeux du ministre sur le conseil d’administration du CEB. Il y siégeait non seulement lors de l’attribution du contrat mais également l’année dernière quand BWSC a envoyé une communication officielle au CEB pour l’informer de son enquête interne qui a démontré la distribution des pots-de-vin. Officiellement, Rajcoomar Bikoo doit tout rapporter à Nirmala Nababsing, qui était à l’époque Senior Chief Executive au ministère de l’Énergie. Rajcoomar Bikoo devait remplacer Shamshir Mukoon, suspendu vendredi du poste de directeur par intérim. Mais vu qu’il siégeait aussi sur le board révoqué, il ne peut être l'Officer in charge…
Nirmala Nababsing
Senior Chief Executive Officer au ministère de l’Énergie à l’époque de l’allocation du contrat à BWSC, elle doit recevoir les rapports de Rajcoomar Bikoo qui siège sur le board du CEB. Quand elle part à la retraite mi-2018, Ivan Collendavelloo ne veut pas la perdre et la nomme Senior Advisor au ministère de l’Énergie, preuve qu’elle jouit de la confiance du ministre.
Sadhna Appanah
Elle était la représentante du ministère des Finances sur le conseil d’administration du CEB quand le contrat avait été alloué à BWSC. Elle devait ainsi tout rapporter au secrétaire financier et son ministre qui n’était nul autre, à l’époque, que Pravind Jugnauth lui-même.
Harryduth Chummun
Proche du comité régional du ML à la circonscription numéro 20 (ex-circonscription d’Anil Gayan lui-même ex-membre du ML), il a été nommé sur le conseil d’administration du CEB après les élections de 2014.
Gérard Hébrard
General Manager du CEB quand le contrat a été alloué; il a souvent été vu tout sourire aux côtés d’Ivan Collendavelloo lors des site-visits.
Shamshir Mukoon
L’Acting General Manager est la véritable clé de l’énigme. C’est lui qui, en février 2019, reçoit les communications de BWSC selon lesquelles celle-ci a mené une enquête et suspendu cinq de ses employés pour «bribery». La question centrale c’est celle-ci : a-t-il informé le board et ceux dont les noms sont cités plus haut ? Selon Pravind Jugnauth, Seety Naidoo a dit à Ivan Collendavelloo que Shamshir Mukoon n’a pas informé le board. «Mais attention je ne tiens pas cela de Seety Naidoo. Il ne me l’a pas dit personnellement.» Naidoo a été le premier à sauter, suspendu vendredi.
Ally Damree
Ce spécialiste de la finance est un proche du PMSD et avait été nommé sur le board du CEB qu’il a quitté après que le contrat a été octroyé à BWSC mais avant que celle-ci n’informe le CEB des maldonnes.
Claude Wong So
Dans tous les bons coups du pouvoir, cet ingénieur nommé à la présidence d’Airports of Rodrigues et directeur de la défunte State Land Development Company, était membre du board du CEB à l’époque de l’allocation du contrat.
PadCo
La firme répond aux pistes données par le leader de l’opposition dans sa description du «tiers» qui aurait joué les intermédiaires pour le paiement des pots-de-vin : «un sous-contracteur qui a obtenu 30 arpents de Pas géométriques à Les Salines Pilot, à Tamarin».
La direction de PadCo concède volontiers avoir été un des sous-contracteurs du projet mais dément toute maldonne. «Le leader de l’opposition fait des allusions erronées et inappropriées. Il mélange tout et c’est rempli de méchancetés. Sachez qu’il y avait une douzaine d’autres sous-contracteurs sur ce projet.»
Réunion du nouveau conseil d’administration lundi 15 juin
<p>Le nouveau <em>board </em>du CEB a donc été constitué, ce dimanche 14 juin. Y siègent : Toolsyraj Benydin, candidat battu du Muvman Liberater aux dernières élections, Ken Arian, conseiller au PMO, Rachna Ramsrurn et Javed Suhootoorah, du ministère des Finances, Madhoochandra Lobind de la Central Water Authority et Dhanandjay Kawol, du ministère de l’Engergie. S'ajouteront un représentant de l'Association des ingénieurs et deux de l'Electricity Advisory Committee. Sous la présidence de Radhakrishna Chellapermal, il doit tenir sa première réunion, demain, lundi 15 juin, pour décider du choix d’un nouvel <em>Officer in Charge,</em> après l’éviction de Shamshir Mukoon.</p>
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<p><strong>Pravind Jugnauth : «Je ne couvrirai personne» </strong></p>
<p>Le Premier ministre a commenté le St-Louisgate vendredi 12 juin, lors <a href="https://www.lexpress.mu/article/378799/centrale-saint-louis-je-ne-peux-pas-repondre-pour-board-ceb-dit-pm">d’une conférence de presse au PMO</a>. Après s’être plaint du fait que le leader de l’opposition ne lui ait pas partagé ces informations qu’il dit détenir sur le scandale, Pravind Jugnauth a encore une fois plaidé l’ignorance. Alors qu’il est établi que le directeur général par intérim du Central Electricity Board (CEB) était en contact avec la firme BWSC depuis l’année dernière au sujet de l’enquête sur cette affaire de corruption, Pravind Jugnauth a affirmé hier que ni lui, ni Ivan Collendavelloo n’était au courant.</p>
<p><em>«Mo pa ti okouran ditou ki ti éna enn lanket ni ki rézilta sa inn doné»,</em> a réitéré Pravind Jugnauth. Dans la foulée, il a affirmé que son adjoint, qui est aussi le ministre de tutelle du CEB, n’était pas au courant de ces échanges. Ivan Collendavelloo l’a appris le jour où la Banque africaine de développement (BAD) a publié son communiqué sur son site. <em>«Maintenant, moi, je ne peux pas répondre pour le board»,</em> a poursuivi le chef du gouvernement.</p>
<p>Pravind Jugnauth a rappelé que la commission anti-corruption s’est saisie de l’affaire, et c’est la seule instance habilité à demander des détails à la BAD. <em>«Le ministère des Finances a voulu avoir les détails, mais la BAD a fait savoir qu’elle ne communiquera qu’à une instance habilitée à enquêter.»</em> C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une commission d’enquête ou un Select Committee ne pourra pas faire grand-chose.</p>
<p>Dans la foulée, le Premier ministre a fait savoir que pour l’heure, les seuls éléments d’informations dont disposent les autorités sont celles diffusées dans le communiqué de la BAD. <em>«Nous n’avons ni les noms ni les détails.» </em></p>
<p>Pravind Jugnauth a conclu en disant : <em>«Soyez rassurés d’une chose : en face d’éventuelles preuves, je ne couvrirai personne. Absolument personne.»</em></p>
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