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Covid-19: pour les SDF, le malheur frappe deux fois plus fort
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Covid-19: pour les SDF, le malheur frappe deux fois plus fort
Vous les avez sûrement déjà vus ou aperçus. Ces quatre mousquetaires, qui ont «élu domicile» sur le pavé, en face de la cathédrale Saint Louis, à Port-Louis. Cela fait des années qu’ils n’ont pas de domicile fixe. Mais ils sont riches de leur amitié. C’est elle d’ailleurs qui les aide à tenir le coup n en cette période encore plus dure, dans le sillage du Covid-19. Jean-Noël, 42 ans, Rudy, 33 ans, Yovano, 27 ans, et Juliano, 21 ans, sont des inséparables. Ils ne sont pas liés par le sang, mais par le sort. Ils se protègent et veillent les uns sur les autres, comme des membres d’une famille, soudés, solidaires, dans les bons et surtout les pires moments de la vie. Et si elle n’a pas été facile jusqu’ici, leur situatoin s'est détérioréee depuis l’apparition du Covid-19.
Chacun a son histoire, mais tous font face à la même situation précaire. Ils n’ont pas de toit, errent dans les rues, à la merci d’un quotidien sans lendemain. En ce jeudi, on peut les voir. ces quatre compères assis sur un vieux matelas, transformé en canapé, avec des morceaux de carton faisant office de rideaux, histoire d’avoir un semblant d’intimité. Les passants ne font guère attention à eux, car tout le monde est pressé et vaque à ses propres occupations.
Déjà, il faut savoir qu’il y a un cinquième ‘pote’, membre de ce «groupe» pas comme les autres, il est âgé d’une soixantaine d’années. Un homme qui squatte la rue depuis longtemps, à cet endroit et qui les a pris sous son aile. «Il a voulu nous éloigner des mauvaises fréquentations. Linn dir nou dan plas dormi-dormi partou, vinn ress ek li la. Nous l’avons alors suivi», souligne Jean-Noël. Nous ne le rencontrerons pas, le sexagénaire étant allé chercher quelque chose à se mettre sous la dent à ce moment-là. «Li pann al tro lwin la li. Li bizin dan bann ti simé parla mem.» C’est que depuis l’apparition du Covid-19, la générosité des gens n’est plus la même qu’avant…
Juliano est le plus jeune de la bande et le moins timide aussi. Il n’est pas triste, il a ses raisons, dit-il, qui l’ont poussé à dormir chaque jour à la belle étoile. Selon ses dires, il n’a pas de proches vers qui se tourner, il ne connaît même pas ses parents biologiques. «Je n’ai aucun souvenir d’eux.Rien. Même pas une image en tête. De ce que je me souviens par contre, c’est de mon enfance dans un shelter. Lavi ti vraimem difisil. Pa finn aprann. Kan finn gagn 18 ans, finn met deor, lerla monn fini dan lari.» Il se laissera par la suite tenter par des amis et empruntera une mauvaise pente. Juliano ne réussit pas à se spécialiser dans un secteur et peine, aujourd’hui encore, à trouver un travail. «Si seulement quelqu’un pouvait me tendre la main et m’offrir un travail comme gardien, par exemple, pour redémarrer à zéro.» L’école n’ayant pas été son fort non plus, le jeune homme de 21 ans n’a pas de certificat.
Un emploi, c’est aussi ce qui ferait le bonheur de Jean-Noël. Mais c’est encore plus difficile d’en trouver par le temps qui coure. Celui-ci étant plus âgé que Yovano et Juliano, il incarne, selon les dires de ces derniers, le rôle de père. Il est aussi à la rue beaucoup plus longtemps que les autres. Son passé semble douloureux et Jean-Noël ne souhaite pas s’étendre sur le sujet. «Non non pena fami. Pena personn. Mo finn gagn enta problem.»
Depuis il a préféré s’éloigner de tous et poursuivre sa route seul. Auparavant, il dormait au jardin de la Compagnie. Mais il a très vite commencé à s’attirer des ennuis avec les habitués des lieux et la police. Il prend alors sous son aile les deux jeunes hommes et ils décident de s’installer près de l’église. «Li kuman dir enn papa pou nou.Li guet nou, li donn bon konsey. Si nou pé fer kitsoz pa bon,nou gagn nou zouré tou», confie Juliano, non sans tendresse.
Rudy est également considéré comme un papa au sein de cette «famille». Il a longtemps «vécu» sous un kiosque, aux alentours du Champ-de-Mars, mais a été chassé par les forces de l’ordre à maintes reprises. «Lapolis sak fwa vinn galoup deryer ou. Ou pena enn trankilité !» Il n’attend aucune aide de qui que ce soit mais espère décrocher un travail décent par lequel il pourrait subvenir à ses besoins. Idem pour Yovano qui a été abandonné par ses parents. À 27 ans, il explique qu’il n’a jamais pu compter sur les siens pour quoi que ce soit. Il se débrouille tant bien que mal pour sortir la tête hors de l’eau. Désormais, il est aussi à la recherche d’un emploi. «Jamais personne ne s’est soucié de moi. Au moins, aujourd’hui, avec mes compagnons, j’ai l’impression d’avoir trouvé une famille.»
Ensemble, ils ont mis leurs affaires dans un coin, toujours sur le trottoir. Toutes les choses qu’ils ont pu amasser au fil du temps, des vêtements usés, entre autres. Pour ne pas tout perdre en cas de mauvais temps, présence d’un anticyclone oblige, ils les ont recouvertes de carton et de morceaux de toile. «Nous ne laissons jamais nos affaires sans surveillance. Si nou bizin al rod enn ti zafer, enn resté pou veyé.»
Depuis l’arrivée du coronavirus, du confinement, les choses sont encore plus dures. Heureusement, chaque soir, un groupe de bons Samaritains, touchés par leur histoire et leur situation, leur offre à manger. Des fois il s’agit du propriétaire d’un snack, parfois même ce sont des policiers de la capitale qui leur viennent en aide. Et ils font contre mauvaise fortune bon cœur. «Si nou gagn enn take away manzé, saken manz dé bousé, nou partaz tou. Nou solider, nou uni dan nou konba. Mem kan nou pé dormi aswar, nou vey lor sakenn.»
Le soir, d’ailleurs, ils dorment en face sous la varangue d’un commerce, mais ne sont pas toujours à l’abri des averses, mais que faire, ils n’ont pas le choix. Pour faire leur toilette ou prendre un bain, ils doivent se rendre à la gare du Nord. Les quatre frères ont aussi fait une promesse, celle de toujours garder contact, au cas où ils parviendraient à s’en sortir un jour. Car si la Covid a encore augmenté leurs malheurs, elle a également renforcé cette amitié qui transcende les épreuves.
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