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Échouement du «Wakashio» à Pointe-d’Esny: la menace de marée noire bien réelle
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Échouement du «Wakashio» à Pointe-d’Esny: la menace de marée noire bien réelle
200 tonnes de diesel et 3 800 tonnes d’huile lourde se trouvent sur le vraquier échoué au large de Pointe-d’Esny dans la soirée de samedi. Selon des sources proches du dossier, il s’avère que la salle des moteurs a commencé à prendre l’eau. Du coup, le risque que le fioul se déverse se précise. Quant aux raisons de cet échouement, elles restent toujours obscures, d’autant que l’équipage a disparu…
«Ce stock de carburant qui sert à propulser le navire représenterait une vraie menace pour nos lagons. Il faut donner la priorité au pompage du fioul, sinon on risque un désastre écologique sans précédent», s’inquiète un riverain habitué de la mer. Pour notre interlocuteur, même si les autorités mauriciennes affirment que la coque du navire n’est pas endommagée, le principe de précaution voudrait que des experts s’en rendent comptent de visu. Et, s’il y a dommages, que l’eau qui a pénétré dans le navire ne soit pas évacuée dans le lagon, surtout si elle a été polluée par le carburant.
Cet habitant de Pointe-d’Esny, qui connaît tous les coins et recoins de l’endroit pour y avoir régulièrement effectué des plongées, assure aussi que le navire ne s’est pas échoué sur un banc de sable mais bien sur le récif corallien. Il suggère d’installer des bouées absorbantes autour du navire et, dans trois ou quatre jours, un autre type de bouée pour empêcher tout hydrocarbure qui s’échapperait, de se répandre. Car c’est le temps que prennent les hydrocarbures pour se transformer en boules presque solidifiées.
Pour cet amoureux de la mer, l’endroit où a eu lieu le naufrage recèle les plus grandes réserves de faune et de flore du pays, avec 30 kilomètres de lagon. «Les touristes amateurs de plongée viennent souvent visiter ces lieux très sensibles, alors que le parc marin de Blue Bay se meurt.» Il se désole de voir comment procèdent les garde-côtes.
«Pourquoi n’installent-ils pas de bouées flottantes une bonne fois pour toutes ? Je les ai vus au contraire barricader le parc marin de Blue- Bay alors que le courant ne va pas dans cette direction.» L’amateurisme de ces officiers a outré certains riverains, surtout qu’ils refusent toute aide de la part de ceux qui connaissent bien ce lagon.
On craint quand même une rupture des cuves, au moins certaines d’entre elles si le navire chavire. «Ces 3800 tonnes d’huile lourde se trouvent dans différents compartiments, comme dans un camion-citerne, pour éviter que le stock ne déséquilibre le navire lors du tangage et du roulis.» C’est pourquoi il est pour la prise de mesures de précaution en «pompant le mazout vers un tanker ou tout au moins vers les cuves qui se situent vers la proue donc plus haut relativement à la position du navire». Lors d’un atelier de travail sur le changement climatique à Port-Louis, hier, Kavy Ramano, ministre de l’Environnement, a annoncé que les autorités réunionnaises sont disposées à aider Maurice afin de contenir le déversement, si déversement il y a.
Quid du sauvetage du vraquier ? «Nous n’avons pas de remorqueur assez puissant pour sortir ce gros navire de 100 000 tonnes de là. Il en faut un d’une capacité d’au moins 10 000 chevaux.» En effet, une source de la National Coast Guard (NCG) confirme que les remorqueurs ne sont pas assez puissants pour un vraquier de 300 mètres. «L’armateur doit faire appel à d’autres remorqueurs de la région pour le déséchouage. Cette étape est en cours.»
Du côté des autorités, une rencontre officielle a eu lieu hier, à 13 heures, réunissant le National Oil Spill Spill Contingency Committee, le National Disaster Risk Reduction and Management Centre et le département du Shipping. C’est ce dernier qui s’occupera du sauvetage du Wakashio. «Une compagnie étrangère sera contactée par l’assureur du navire. Ces firmes spécialisées sont basées partout dans le monde, la plus proche étant en Afrique du Sud», nous explique un haut cadre du gouvernement. Une équipe de professionnels peut être dépêchée promptement par avion, pour constater sur place les dégâts et établir un plan de travail. «Ils peuvent déjà commencer le travail de sauvetage et surtout de sécurisation pour empêcher toute fuite d’huile lourde, avec les moyens qu’on a, en attendant qu’un remorqueur vienne déplacer le navire.»
Or, lors de la conférence de presse du commissaire de police, dimanche, Khemraj Servansing avait affirmé que le Director of Shipping, Alain Donat, avait déjà contacté l’armateur du vraquier, soit Okiyo Maritime Corporation, pour l’opération de salvage qui sera assurée par une compagnie spécialisée.
Si rien n’a été finalisé encore, l’armateur devrait faire appel à Nippon Salvage Co. Ltd, au Japon, et la société va recruter une entreprise hollandaise, SMIT Salvage, comme sous-traitant pour mettre en place un Salvage Assessment Plan. Une fois l’accord signé, la salvage operation pourra être enclenchée.
On nous fait comprendre aussi que le ministère de l’Environnement suivra de près les travaux pour s’assurer qu’aucune substance polluante et dangereuse ne soit jetée en mer. «On prévoit même l’assistance de notre hélicoptère car il sera difficile d’accéder à l’épave.»
Des interrogations se poursuivent sur les raisons qui ont mené à l’échouement du Wakashio. Est-ce réellement un accident ? Surtout après la déclaration de l’assistant surintendant de police, Reddy Luchmoodoo, de la NCG, hier. Selon ce dernier, le capitaine du navire n’a répondu aux appels des gardes–côtes qu’après que le vraquier s’est échoué sur les récifs.
L’habitant de Pointe-d’Esny trouve également bizarre ce naufrage et l’absence d’appels de la part du capitaine alors qu’il se dirigeait directement sur la barrière corallienne. Sans compter la disparition de l’équipage. L’origine de ce naufrage est toujours inconnue.
L’écosystème du sud en danger
Un vraquier japonais battant pavillon panaméen de 300 mètres s’est échoué sur le récif, à Pointe-d’Esny, dans la soirée de samedi. À son bord, 3 800 tonnes d’huile lourde qui menace tout l’écosystème marin dans la baie de Mahébourg, au cas elle se déverse dans le lagon, provoquant une marée noire. Du parc marin de Blue-Bay jusqu’à l’île-aux-Aigrettes en passant par les zones humides de Pointe-d’Esny, le risque s’accentue à chaque seconde.
Le Blue Bay Marine Park
Superficie : 353 hectares
– Situé à 5 mètres de la plage de Blue-Bay
– 38 espèces de coraux représentant 28 genres et 15 familles. – Un habitat pour environ 72 espèces de poissons et la tortue verte en voie de disparition.
– Mangrove, prairies marines et macro-algues contribuent à la stabilité globale du milieu marin. Un lieu de nourrissage pour les espèces marines juvéniles. (Source : RAMSAR)
Île-aux-Aigrettes
Superficie : 27 hectares
– Située à environ 850 mètres au large de la côte sud-est de l’île.
– L’île est constituée de calcaire corallien.
– En 1965, l’île est déclarée réserve naturelle.
– Elle abrite des espèces endémiques. (Source : Mauritian Widlfie Foundation)
Le Pointe d’Esny Wetland
Superficie : 22 hectares
– Une zone humide caractérisée par une forêt de mangrove subtropicale contenant des vasières et une ceinture sous-mangrove de plantes côtières pantropi-cales. – Un habitat pour certaines plantes menacées et aux papillons indigènes Phalanta phalantha et Eurema floricola ceres.
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