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Troisième naufrage au large de Poudre-d’Or un mois d’août…

3 septembre 2020, 11:09

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Troisième naufrage au large de Poudre-d’Or un mois d’août…

Coup du sort affligeant pour le remorqueur Sir Gaëtan Duval, à 19 h 30 lundi 31 août. Cette embarcation de la Mauritius Ports Authority (MPA), qui avait aidé au remorquage de l’Angel 1 naufragé au large de Poudre-d’Or le 8 août 2011, a sombré à son tour quasiment au même endroit où le vraquier panaméen, qui transportait une cargaison de 32 000 tonnes de riz, s’était échoué. Ce n’est pas tout. Dans la nuit du 17 au 18 août 1744, le Saint-Géran, navire de la Compagnie des Indes orientales, avait, lui, sombré dans les mêmes parages au large du village de Poudre-d’Or. Seuls huit des 186 personnes à bord avaient survécu à ce naufrage qui a d’ailleurs inspiré Bernardin de Saint-Pierre pour son célèbre roman Paul et Virginie. 

Il était donc environ 8 heures en ce lundi fatidique, dernier jour du mois d’août 2020, quand huit employés de la MPA qui comptent 20 ans de service au moins, embarquent sur le remorqueur Sir Gaëtan, construit il y a 27 ans. Cap sur Pointe-d’Esny où ils ont pour mission le remorquage de la barge L’Ami Constant qui appartient à Taylor Smith. La barge était en stand-by depuis quasiment un mois dans le Sud-Est après le naufrage du MV Wakashio. Le Sir Gaëtan est arrivé à Pointe-d’Esny vers 16 heures. Une heure plus tard, la barge était attachée au remorqueur, qui reprenait aussitôt la traversée pour rentrer au port.

Toutefois, quelque deux heures plus tard, tout le monde allait être pris de court. Vers19 h 30, le capitaine Louis Gervais Barbeau, Port Master, reçoit un appel de détresse d’un responsable à bord du remorqueur. «La mer était démontée. La barge est entrée en collision avec le Sir Gaëtan. Ils étaient à hauteur de Poste-Lafayette quand ils se sont retrouvés en difficulté. Le skipper à qui j’ai parlé m’a informé d’un trou de la taille d’un ballon de foot dans la coque. L’équipage a tout fait pour empêcher que le bateau ne prenne l’eau. Mais en vain», a confié le capitaine Barbeau à l’express, dans la nuit de lundi à mardi à Roches-Noires. 

La mer démontée avec des vagues de plus de 3,5 mètres n’aurait pas arrangé les choses. L’eau a vite pénétré la boîte d’électricité de l’embarcation provoquant une panne de courant. Les membres d’équipage ont eu juste le temps d’enfiler leur gilet de sauvetage avant de se jeter ou d’être projetés dans cette mer déchaînée. Il n’a pas fallu longtemps avant que le remorqueur ne sombre. Entre-temps, l’alerte est donnée. Le Sir Edouard, un autre tireur de la MPA construit, lui, en 2016 et ancré au port, est dépêché sur le site. Vers 21 heures, des volontaires de Roches-Noires et Poudre-d’Or ainsi que des éléments de la National Coast Guard (NCG), de l’Helicopter Squadron, de l’Emergency Response Service et de la force régulière se mobilisent pour des recherches dans le lagon. Des riverains comme Patrick Karia, propriétaire du bateau Le Grand Bleu, n’hésitent pas une seule seconde à mettre leurs embarcations à la disposition des autorités pour les opérations en vue de sauver des vies. L’hélicoptère Dhruv et Le Dornier sont également déployés. 

Le va-et-vient des patrouilles met vite la puce à l’oreille d’autres villageois, comme Rani Mohabeer ou Navin Peeroo qui sortent pour s’enquérir des mouvements au débarcadère de Poudre-d’Or, d’habitude paisible à pareille heure. Entre-temps, le commissaire de police, Khemraj Servansing, le commandant Manu de la NCG, le capitaine Barbeau, Shekur Suntah et Ramalingum Maistry de la direction de la MPA, le Senior Advisor du Premier ministre, Ken Arian, et le président de la Cargo Handling Corporation Ltd, Sanjeeven Permall, présents à la jetée de Roches-Noires, font le pied de grue. Ils ont tous le visage fermé. La première lueur d’espoir interviendra peu après 01 h 30. Le commandant de la NCG fait savoir qu’un premier rescapé, Clifford Montagne-Longue, a été sorti de l’eau par l’Helicopter Squadron et conduit à l’hôpital du Nord. Celui-ci est d’ailleurs le seul à avoir pu rentrer chez lui dans la nuit. À 02 h 30, Antonio L’Aiguille, un deuxième marin et le moins âgé du groupe, 50 ans, est secouru par des volontaires et la NCG. 

À 03 h 05, un troisième membre d’équipage, Alain Eleonor, 56 ans, est repéré par l’Helicopter Squadron avant d’être sorti de l’eau et transporté à l’hôpital. Toutefois, cette tendance optimiste allait être rudement contrée vers 03 h 20, en ce mardi hivernal. Une première victime est annoncée. Il s’agit de Sylvain Addison, skipper de 62 ans. Le propriétaire du Grand Bleu l’a repêché à 400 mètres de la passe du St-Géran à bâbord. «Il était gelé. Il n’avait plus de gilet. J’ai préféré appeler la NCG et les attendre pour le sortir de l’eau», témoigne Patrick Karia, que nous avons rencontré vers 06 h 30 hier, au débarcadère de Poudre-d’Or. À 03 h 54, peu après le chant du coq, l’hélicoptère Dhruv, le seul à Maurice à pouvoir voler de nuit, se pose sur le terrain de foot de Poudre-d’Or. Il se ravitaille avant de reprendre sa ronde pour rechercher les trois membres de l’équipage toujours portés manquants. Patrick Karia, aidé d’un autre habitant de la localité, a également sorti le quatrième rescapé, Kwong-Fa Yan Sun Fong, plus connu comme Jim, vers 04 h 20 mardi. Au grand soulagement de sa famille originaire de Baie-du-Tombeau, après plus de cinq heures d’attente et d’angoisse. 

«On l’a retrouvé complètement affaibli au nord-est de l’île d’Ambre, côté GrandePointe. On lui a dit de ne pas paniquer et qu’on est venu le sauver», se remémore Patrick Karia, le visage encore marqué par les événements. À l’hôpital SSRN, où le quatrième rescapé a également été conduit, l’on retiendra parmi ses premières paroles à peine audibles : «Pli difisil se kan sa vag-la pran mwa ek zet mwa. Mwabitie priy St-Antoine. Mo dir Mersi Bondie.» 

Entre-temps, dans le couloir du même hôpital, Michel Plassan et d’autres membres de la famille de Lind- say Plassan, 62 ans, marin alors toujours porté manquant, font le va-et-vient, en quête d’une lueur d’espoir sur leur proche même si les chances de le retrouver en vie s’amenuisaient. Dans l’après-midi, le corps du marin a été repêché…