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Trishna Balgobin: «L’orgueil ne mène à rien, sinon à la situation dans laquelle Pravind Jugnauth se trouve aujourd’hui»

9 septembre 2020, 18:30

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Trishna Balgobin: «L’orgueil ne mène à rien, sinon à la situation dans laquelle Pravind Jugnauth se trouve aujourd’hui»

Il a été, pour certains, le cheveu sur la soupe du 29 août, quand il est apparu aux côtés de Bruneau Laurette, en soirée, pour la conférence de presse bilan de la marche pacifique. Dans cet entretien, Trishna Balgobin, s’excuse pour sa tonalité ce soir-là et jure par tous les saints qu’il n’a aucune ambition politique. L’homme avouerait presque qu’il n’y est pour rien dans la mobilisation monstre de Port-Louis. Est-il vraiment si sympathique ?

Vous étiez un visage quasi inconnu avant la conférence de presse de Bruneau Laurette au soir du 29 août. D’où tombez-vous ? 
Je suis un citoyen comme un autre et j’ai été choqué comme toute la population mauricienne par les images du déversement d’huile dans le lagon du Sud-Est. J’y suis allé, je me suis sali les mains pour aider au nettoyage. J’y ai passé la nuit. 

Vous ? On ne vous a pas vu. On ne vous croit pas. 
Je ne suis pas du genre à publier ces photos sur Facebook. Et je ne l’ai pas fait pour que vous croyiez que je l’ai fait. Je l’ai fait un point c’est tout. 

Cela n’explique pas votre présence aux côtés de Bruneau Laurette. Vous le connaissez depuis longtemps ? 
Oui. Nous avons organisé quelques événements ensemble. 

Mais on ne vous a jamais vu ni entendu dans l’organisation du 29 août. N’êtes-vous pas un peu un arriviste ? 
Il faudra que vous posiez la question à Bruneau. Si je n’y étais pour rien, je ne crois pas que je me serai retrouvé sur l’estrade et à la conférence de presse. Mais cela dit, sérieusement, qui suis-je ? Cela importe-t-il tant que ça ? Bruneau l’a dit. Son équipe et lui ne sont que des citoyens patriotes. Je ne sais pas comment vous le dire à vous et à ceux qui ne cessent de m’appeler depuis samedi : je n’ai absolument aucune ambition politique. Je ne suis qu’un citoyen engagé. Je veux juste aider les jeunes à changer le pays et le façonner à la façon dont ils le souhaitent. C’est justement en aidant ki monn paret dan film samdi. 

Et quel a été votre rôle dans l’organisation ? 
J’ai travaillé dans le back-office. Et ce n’est pas la première fois que je le fais. J’ai collaboré avec beaucoup de politiciens et de partis politiques dans le passé. Je suis un organisateur. Je gère la communication et je distribue les rôles. J’ai été critiqué pour avoir dit cela, mais c’est vrai, je suis un political marketer, domaine dans lequel je détiens une maîtrise. Mais encore une fois, je ne vois pas pourquoi vous insistez sur mon rôle. C’était un travail d’équipe. 

Vous parlez des «famous four» de la conférence de presse j’imagine ? Mais concédez-vous qu’il se peut aussi qu’une bonne partie, sinon la majorité de la foule, n’ait pas répondu à l’appel de Bruneau Laurette et de cette fameuse équipe, mais qu’elle était présente parce que tout simplement ‘zot inn plin’ ? 
Mais c’est tant mieux ! C’est cela le but. Que le peuple se mobilise. La mobilisation de samedi est trop grande pour qu’on en prenne le crédit. C’était énorme et inimaginable. Rien que de repenser à cette foule, cela me donne des frissons. J’espère que vos lecteurs me jugeront sur ce que je dis aujourd’hui. Je n’ai nullement l’intention de prendre le crédit pour quelque chose d’aussi énorme. 

Cette humilité dont vous faites preuve aujourd’hui contraste étonnamment avec votre arrogance de samedi soir. Vous avez tutoyé le Premier ministre et son épouse. Vous avez dit : «Mo pran mo responsabilité, Pravind pran pou twa.» Les commentaires des internautes vous ont transformé, on dirait ? 
J’ai vu les commentaires. Ce que personne n’a compris c’est que les propos que j’ai tenus ce jour-là, sont l’expression d’une oppression dont j’ai été victime. J’avais aidé le MSM dans le passé, et quand on s’est séparé, ils m’ont littéralement fait passer sous un rouleau compresseur. J’avais le National Security Service à mes trousses. Ils ont fait en sorte que l’entreprise de mon père soit placée en receivership deux jours après le décès de sa soeur, soit ma tante. Prakash Maunthrooa était aux funérailles samedi, et lundi, je reçois le document concernant la mise sous administration. Si mon discours de samedi a choqué et déçu certains, je m’en excuse. L’orgueil ne mène à rien, sinon à la situation dans laquelle Pravind Jugnauth se trouve aujourd’hui. Mais moi, contrairement à lui, je n’ai rien à gagner du peuple. Je ne suis pas politicien. Je ne suis qu’un jeune qui est aux côtés de Bruneau Laurette. Et si demain n’importe qui de notre équipe a commis une faute, on va se le dire en toute franchise. Samedi, je me suis peut-être laissé emporter par l’émotion. 

Vous étiez donc proche du MSM ? 
La famille Balgobin est traditionnellement travailliste et active au no 8. Je me suis rapproché du MSM en 2009 quand le PTr et mon ami Suren Dayal ont soutenu Pravind Jugnauth lors de l’élection partielle. L’histoire retiendra que c’est grâce au soutien de Navin Ramgoolam et de Suren Dayal que Pravind Jugnauth a pu se faire élire et qu’il est, par ricochet, aujourd’hui Premier ministre de ce pays. À partir de l’élection de Pravind Jugnauth à cette partielle, j’ai gravi les échelons. Sans être officiellement membre du parti, j’ai soutenu le MSM. J’ai organisé des activités au no 8 en côtoyant les politiciens. Voilà comment je me suis rapproché de Pravind Jugnauth. 

De là à dire que vous avez joué un grand rôle dans la victoire du MSM en 2014, c’est une exagération non ? 
Je laisse le soin à Pravind Jugnauth de répondre à cette question. Et s’il avoue et reconnaît ma contribution, demandez-lui si je n’ai pas récolté un rouleau compresseur. 

Donc c’est vrai que vous avez une ‘axe to grind’ avec les Jugnauth ? 
Non. Je n’ai aucune haine. J’aurais pu dire la même chose de vous. Est-ce parce qu’il a envoyé des policiers chez vous et Nad Sivaramen que vous faites votre travail de contre-pouvoir ? Je suis sûr que la réponse est non. Vous le faites pour le pays non ? C’est pareil. 

Si la pression populaire exprimée le 29 août – et qui sera sans doute encore plus forte le 12 septembre – pousse le gouvernement MSM à démissionner, ça vous convient que l’ennemi de votre ennemi, en l’occurrence Navin Ramgoolam, prenne le pouvoir ? 
D’abord je n’ai pas d’ennemis. Je pense que les trois partis d’opposition devraient passer par un rebranding. Cela dit, la mobilisation du 29 août, c’est l’expression d’un peuple qui sait qu’il est à un tournant. Je n’ai pas mon mot à dire. C’est le peuple qui décide. 

Un “rebranding” ? Mais c’est un changement de fond que demande le peuple. Une autre proposition politique, une constance dans les idées, des femmes et des hommes intègres. Ce que n’incarne ni le PTr, ni le MMM, ni le PMSD. 
C’est le peuple qui décide. Mais je suis d’avis que nous avons besoin du soutien de tout un chacun pour que ce gouvernement quitte le pouvoir. Je ne dirai pas que nous n’avons plus besoin d’eux. Mais j’ai vu qu’ils n’ont pas encore décidé de participer – ou pas – à la marche du 12 septembre. (ndlr: l’iterview a été réalisée le jeudi 3 septembre. Entre-temps, les leaders ont annoncé qu’ils n’y seraient pas mais qu’ils encourageaient leurs partisans à participer). Avec ou sans eux, ce sera encore un énorme succès. Mon analyse vaut ce qu’elle vaut, mais si les partis d’opposition ne se réinventent pas, ils mourront comme et avec le MSM. 

Ce 12 septembre justement, ce n’est pas Bruneau Laurette et «son équipe» qui l’ont organisé. Vous concédez que c’est Kolektif Konversation Solider qui a arrêté cette date ? 
Bien sûr. Je viens de vous dire qu’il faut brasser large. Que l’organisateur s’appelle Laurette ou Subron, est-ce que cela importe ? Nous donnerons tout notre soutien pour que le peuple puisse encore une fois s’exprimer samedi prochain.