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Dans la presse du…23 septembre 1970: victoire éclatante de Dev Virahsawmy à Pamplemousses-Triolet
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Dans la presse du…23 septembre 1970: victoire éclatante de Dev Virahsawmy à Pamplemousses-Triolet
«Le MMM vient de prouver que le communalisme est mort !» jubila Dev Virahsawmy. En ce 22 septembre 1970, la victoire du candidat du Mouvement militant mauricien (MMM) à l’élection partielle à Pamplemousses-Triolet fut proclamée. L’express du mercredi 23 septembre 1970 annonça d’emblée que le MMM remportait la première élection qu’il a disputée.
Le scrutin eut lieu le 21 septembre 1970 dans une région considérée comme un bastion traditionnel du Parti travailliste. Alors que Dev Virahsawmy représentait le MMM, Boodram Nundlall était le candidat des partis du gouvernement de coalition. Le premier obtint 8 464 voix contre 3 103 voix au second sur 11 847 votes valables exprimés. Un peu plus de 12 000 (81,2 %) personnes sur les 14 936 inscrites eurent voté.
Lors de son discours de circonstance, le candidat élu analysait son succès. «C’est une nouvelle vie qui commence. Une lutte du peuple contre ses exploiteurs et qui doit continuer avec l’avènement du socialisme», déclara-t-il sous les acclamations de ses partisans. «Nous pouvons désormais regarder nos enfants avec espoir. Nous savons aujourd’hui que ce n’est plus l’argent qui fait une élection.»
À côté de Dev Virahsawmy se trouvait Boodram Nundlall, «que les agents travaillistes avaient abandonné très tôt et qui se montra digne dans la défaite», décrivit le journaliste de l’express. Le candidat malheureux prit la parole. Il articula son message autour de la nécessité de respecter le verdict de l’électorat. C’est la voix du peuple, fit-il comprendre. Il ne manqua pas de féliciter son adversaire. «Personnellement nou péna narien», insista-t-il.
Du reste, c’est dès 10 h 30, soit après deux heures et demie de dépouillement, que Boodram Nundlall concédait sa défaite. «Le MMM a une avance qu’il est impossible de rattraper», observait alors le candidat.
Se confiant à l’express, Boodram Nundlall expliquait sa déroute électorale : «Je crois que nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour faire notre campagne. Il est vrai que le peuple était mécontent de la politique du gouvernement. Le Parti travailliste a choisi un candidat à la dernière minute. Ce n’était pas suffisant pour expliquer à l’électorat l’action gouvernementale.» Pourtant, le candidat ne put s’empêcher de faire part de son étonnement devant les résultats. «Mais moi je m’attendais à une victoire. Je suis surpris et déçu», lâcha-t-il.
Des partisans du MMM étaient rassemblés à l’intérieur de la cour de l’école de Pamplemousses, gardée par les soldats de la SMF. Malgré la présence de ces derniers ainsi que des chiens policiers, une ambiance de détente et de fête régnait. Un agent vint se jeter dans les bras de Dev Virahsawmy. «Dev, na pa blié bann maléré», s’écria-t-il, ému.
Parmi les partisans, l’absence de Paul Bérenger se faisait sentir. Effectivement, le secrétaire général du MMM avait été arrêté le dimanche précédent. «Larg Bérenger», criait la foule. En fait, vers midi, peu après que les résultats furent connus, Paul Bérenger fut relâché par la police. Mais la plainte provisoire déposée contre lui (possession d’arme offensive) tenait toujours. Le journal expliqua que les autorités devaient estimer que Paul Bérenger en liberté pouvait avoir une heureuse influence sur ses partisans les plus excités, les processions et meetings étant interdits.
Les sympathisants du MMM n’hésitèrent pas, en effet, à faire éclater leur joie. À Rose-Hill, vers midi, environ 200 personnes se promenaient à la rue Royale tout sourire. Vers 13 h 30, cette fois à Port-Louis, un attroupement se créa devant la résidence du Premier ministre, mais il fut dispersé par la police. Quelques instants auparavant, des manifestants avaient tenté de s’attaquer à un véhicule de la police et s’étaient éparpillés suivant un jet de gaz lacrymogène.
Tout l’après-midi, des partisans du MMM se promenèrent joyeusement. Vers 16 h 15, 2 000 personnes portèrent en triomphe Dev Virahsawmy et le président du MMM, Heeralall Bhugaloo. Après s’être séparée du candidat élu, la foule se massa, une fois de plus, devant la résidence de sir Seewoosagur Ramgoolam et cria : «Élections générales !» Elle fut dispersée au gaz lacrymogène.
Le parti du coeur anima une conférence de presse peu après la proclamation des résultats. «On disait que le MMM n’était qu’un groupe de jeunes sophistiqués des villes, soutint Heeralall Bhugaloo. Nous avons prouvé le contraire. C’est clair aujourd’hui que nous sommes un mouvement national.»
Comme Dev Virahsawmy plus tôt durant son discours de remerciement, Heeralall Bhugaloo affirma que la victoire du MMM signa la fin du communalisme. «Cette élection est venue démolir les quelques ruines du communalisme, du castéisme. Notre jeunesse peut être fière de son histoire», lança le président des Mauves.
Pour sa part, Dev Virahsawmy fut interrogé sur l’action qu’il pourrait entreprendre seul à l’Assemblée législative. «Un seul député à l’assemblée n’a pas beaucoup de pouvoirs. Il ne pourra pas provoquer des changements profonds», reconnut le vainqueur. «Mais il pourra tout au moins dénoncer les abus. Il sera le porte-parole du peuple qui souffre. Il devra démontrer l’incompétence du gouvernement qui souffre. Car en s’alliant avec les possédants, il ne peut plus oeuvrer contre leurs intérêts», fit remarquer l’adepte du socialisme.
Dev Virahsawmy ajouta que la victoire du MMM signifia aussi un vote de blâme contre le gouvernement, «contre la coalition, contre les lois dictatoriales, l’absence de plan». Pour lui, le gouvernement devrait démissionner. Et d’énumérer ses souhaits : «Il faut lever l’état d’urgence, l’interdiction sur les meetings, et donner plus de facilités aux travailleurs de se grouper dans les syndicats de leur choix.»
L’express fit ressortir à Dev Virahsawmy que Triolet comptait beaucoup de chômeurs et lui demanda si en votant MMM ils avaient peut-être voté l’espoir de trouver du travail. Le candidat élu répliqua : «Ils n’ont pas voté l’espoir de trouver du travail. Ils savent que dans un proche avenir nous ne pouvons faire grand-chose pour eux. La plus grande aide sera, je crois, de les préparer, de les mobiliser vers un avenir socialiste, je répète, un avenir socialiste à visage humain.»
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