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Daniel Raymond:«Encore cinq ans pour atteindre l’objectif de réduction du nombre d’accidents»
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Daniel Raymond:«Encore cinq ans pour atteindre l’objectif de réduction du nombre d’accidents»
Après avoir occupé le poste de conseiller en sécurité routière, Daniel Raymond s’apprête à regagner l’île sœur. Avant son départ, le Réunionnais a bien voulu répondre, par mél, à nos questions, tout en évitant de répondre à celles ayant trait au non-renouvellement de son contrat ou les mois de travail avec le nouveau ministre du Transport, Alan Ganoo.
Votre contrat en tant que Road Safety Coordinator n’a pas été renouvelé. Vos commentaires.
Je n’ai aucun commentaire particulier à faire sur la décision du non-renouvellement, d’autant que le motif ne m’a pas été communiqué. Sollicité en 2015 pour apporter des conseils sur la politique à mettre en œuvre à Maurice pour faire baisser le niveau de l’insécurité routière, je me suis acquitté de cette mission avec diligence pendant ces cinq ans avec, chaque année, une validation des recommandations par le ministère des Infrastructures publiques et le cabinet du Premier ministre.
Quel(s) accomplissement(s) réalisé(s) en tant que Road Safety Coordinator vous rend(ent) fier ? Et pourquoi ?
Paradoxalement, c’est la création des motoécoles, malgré et surtout à cause de tout le débat souvent malhonnête autour du sujet. Rappelons que la moitié ou presque des accidents graves à Maurice impliquent les usagers de deux roues. Vous me direz pourquoi être fier d’une réforme qui, a priori, semble avoir échoué. La réponse est à la fois simple et compliquée.
La réforme est logique et nécessaire. Même si les usagers concernés et parfois le public ne veulent pas voir cette vérité simple : il n’y a pas d’autres moyens. Et j’attends toujours une preuve contraire à la formation, pour mettre fin à ce carnage. Les compétences absolument nécessaires pour piloter un deux roues ne s’acquièrent pas dans la répression ou la communication.
Ensuite, la difficulté est dans le défi que pose ce projet pour parvenir à une vraie réforme du système : comment accepter que dans le silence de la loi, c’est-à-dire la non-application des dispositions de la Road Traffic Act (RTA) sur la durée des «applications» pour learner, on soit arrivé à un système considéré comme légal dans lequel plus de 200 000 personnes circulent sans permis de conduire ? Ce, alors que la RTA fixe une obligation de licence pour conduire un véhicule terrestre.
Y a-t-il des projets que vous regrettez n’avoir pas pu enclencher ou mener à bon port ? Savez-vous s’ils seront poursuivis après votre départ ?
Deux piliers de la stratégie au moins continuent de poser problème. Primo, la réforme des auto-écoles. Le pays a besoin d’une réforme complète du système actuel qui est défaillant à la fois sur les programmes de formation, inexistants tant pour les élèves que pour les instructeurs et les examinateurs, que sur les outils et les méthodes. Beaucoup de propositions ont été élaborées mais aucune application à la fin.
La formation peut apporter des bénéfices considérables pour réduire le nombre des accidents, en donnant aux usagers les connaissances qui leur manquent pour bien comprendre le fonctionnement du système de circulation et les compétences pour éviter les situations d’accident et y faire face. Secundo, des routes plus sûres.
Je regrette de n’avoir pas pu convaincre les services responsables sur la nécessité d’agir rapidement sur la mise à niveau de la sécurité du réseau routier. Cela suppose un changement de paradigme, une autre manière de concevoir l’espace routier, notamment ses fonctions.
Construire un nouveau modèle passe aussi par des évolutions dans les techniques utilisées et donc le besoin d’acquérir de nouvelles compétences. Il existe un trop grand écart entre les besoins et le niveau des ressources disponibles. Au final, ce qui pose question encore aujourd’hui, c’est parfois l’incompréhension sur la méthode, parce qu’il y a une faible culture sur la sécurité routière.
J’ignore si des progrès seront, ou pas, accomplis dans ces domaines dans les mois ou années qui viennent. Mais je souhaite une bonne compréhension des enjeux, à défaut de quoi l’insécurité routière continuera de produire encore longtemps les conséquences néfastes que nous connaissons tous
Dans un entretien accordé à l’express en août 2015, vous disiez qu’«il faut que le Mauricien accepte de changer». Cinq ans plus tard, quel est votre constat par rapport aux habitudes des Mauriciens sur la route ?
On constate une tendance réelle vers une amélioration des résultats, même si on peut toujours souhaiter mieux. Ce qui est certain, c’est que la stabilisation des chiffres n’aurait pu être atteinte sans une prise de conscience des usagers, sans un changement des comportements. Je note une vraie autocritique dans les commentaires lors des émissions de radio.
J’ai dit et je répète ici, le comportement est une somme de savoirs (les connaissances théoriques), de savoir-faire (les compétences) et savoir-être (attitudes comme le respect, la courtoisie). Les deux premières catégories de savoirs ont un lien direct avec la qualité de l’éducation et de la formation, qui est encore trop faible à Maurice. Et cela explique largement les mauvais comportements. Cependant, cela n’excuse pas des traits de caractère encore trop présents : le non-respect systématique de la loi (vitesse, portable au volant, non-port de la ceinture à l’arrière, non-respect des voies de circulation), le non-respect des usagers fragiles et l’absence de courtoisie.
Que répondez-vous aux critiques selon lesquelles vous n’auriez pas pu réduire le nombre d’accidents par 50 % ?
Le rapport de la Banque mondial indique même qu’aucun pays n’a obtenu des résultats positifs en matière de lutte contre l’insécurité routière sans avoir fixé un objectif au préalable. Celui-ci est associé à une stratégie et un plan d’actions est mesurable et a du sens pour toutes les parties concernées, y compris les usagers de la route. Tous sont directement, à un degré ou un autre, garants de cet objectif et aussi chaque usager.
L’alcool et la vitesse sont à l’origine de plus de sept accidents graves sur dix. Uniquement sur ces deux seuls facteurs, un changement radical des comportements ferait passer le bilan de 145 tués à moins de 50 en un an. Dans ces conditions, je vois mal comment on pourrait considérer l’objectif comme irréaliste. Puis, personne n’a jamais dit que les choses allaient changer en une année. Et en 2020, il manque encore cinq ans sur la durée fixée pour atteindre l’objectif.
Dans les colonnes de l’express en juin 2016, vous disiez que «nous sommes en train de créer les conditions d’un permis à points». Où en sommes-nous avec ce projet ?
Vous donnez trop d’importance à cette question du permis à points qui revient parfois comme un serpent de mer. C’est juste dans l’esprit de beaucoup un mécanisme comptable. Donc, si on reste sur cette perception, le nouveau système mis en place par le gouvernement avant mon arrivée (stricter penalty) et le coefficient de réduction et de majoration validé par tout un panel d’officiers du secteur public et des représentants issus du secteur privé; ces deux mécanismes suffisent à remplacer largement le regretté permis à points. Mais la population regretterait-elle vraiment le permis à points s’il avait été appliqué complètement, c’est-à-dire avec un dispositif plus automatique et immédiat de suspension du permis, des stages de réhabilitation obligatoires, des bilans médicaux systématiques. Je ne suis pas sûr.
De retour à La Réunion, que ferez-vous sur le plan professionnel ?
Pas de commentaire. Toutefois, je voudrais remercier tous ceux qui m’ont aidé à réaliser mon travail durant ces cinq ans.
Avez-vous conduit sur nos routes, finalement ?
À la base, je n’aime pas conduire. J’ai obtenu mon permis en 1977. Mais je ne conduis pas ici car comment acheter une voiture sous crédit payable sur trois ans alors que mon contrat ne dure qu’un an, sujet à un renouvellement suivant la décision du gouvernement ? D’ailleurs, cela me prenait moins d’un quart d’heure à pied pour me rendre sur mon lieu de travail. Sans compter que votre système demeure très dangereux et je ne voulais pas courir ce risque.
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