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Eloïc Cherry: un jeune qui a su dépasser son handicap physique

10 octobre 2020, 20:00

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Eloïc Cherry: un jeune qui a su dépasser son handicap physique

Rien n’est impossible à qui le veut. C’est avec cette affirmation en tête qu’Eloïc Cherry, né à six mois et demi – ce qui a freiné son développement physique –, a traversé les 21 dernières années. Ayant réussi ses cycles primaire et secondaire, il a démarré depuis peu des études supérieures en sociologie à l’Université de Maurice (UoM).

Malgré le fait qu’Eloïc Cherry possède un fauteuil roulant électrique et qu’il puisse se déplacer plus facilement, il est plutôt casanier. En fait, lorsqu’il n’est pas à l’université, il passe le plus clair de son temps attablé à la maison, à faire ses devoirs de cours. «Je suis introverti de nature. Et pourtant, j’étudie la sociologie», dit-il en riant. «Mé mo létid pli inportan ki tou», précise-t-il. 

Il est l’aîné des quatre enfants de Vanessa et de Jean-Marc Cherry. Ce dernier travaille à la Cargo Handling Corporation. Si, dans un premier temps, les Cherry ont vécu à Pointe-aux-Sables, ils sont ensuite venus s’installer à Roche-Bois, chez la mère de Vanessa. 

Lorsqu’elle se sait enceinte pour la première fois, Vanessa Cherry est aux anges. Elle et son mari attendent cet «heureux événement» avec impatience. Sauf que sa grossesse se passe mal, à tel point qu’elle accouche d’un garçon à six mois et demi de grossesse. Le bébé, que ses parents nomment Eloïc, passe trois mois en incubateur. À aucun moment, les Cherry ne se doutent que leur fils connaîtra des problèmes de développement. Et aucun médecin qu’ils côtoient à l’hôpital ne leur met la puce à l’oreille. Mais au fur et à mesure que les mois passent, ils notent qu’Eloïc n’arrive pas à marcher, ni à s’asseoir. 

C’est lorsque leur fils a neuf mois que ses parents comprennent qu’il accuse un retard dans son développement physique. Mais, malgré cela, les Cherry envoient leur fils à la maternelle. Il fréquente l’Emmanuelle Funny Child à la Cité Briquetterie. Ensuite, c’est à la Nicholay Government School qu’il est accepté. Mais la direction se montre peu coopérative par rapport à son cas. Pour qu’Eloïc puisse aller aux toilettes, Vanessa Cherry est obligée d’aller à l’école trois fois par jour pour l’y emmener. 

La direction de cet établissement scolaire va jusqu’à affirmer que la place d’Eloïc se trouve dans une école spécialisée. Une lettre est remise à Vanessa Cherry pour que son fils soit examiné par un psychologue du ministère de l’Éducation. Au jour dit, le psychologue s’entretient avec Vanessa Cherry puis tente de converser avec Eloïc et l’encourage à faire un dessin. Eloïc Cherry, espiègle, lui demande : «Ou lé mo désinn ou ?» raconte sa mère. 

Réalisant que le handicap du jeune garçon n’est que physique et qu’il peut très bien évoluer dans une école du mainstream, le psychologue fait une recommandation en ce sens. C’est ainsi qu’Eloïc Cherry a eu accès à l’école Emmanuel Anquetil. Un membre du personnel – Ursula Armand – a été très compréhensive. Elle a décidé de s’occuper de lui, de sorte que sa mère n’avait plus besoin de se rendre à l’école pour l’aider à faire ses besoins. 

Eloïc Cherry a complété son cycle primaire dans cette école, réussissant l’examen du Certificate of Primary Education avec trois B et un D. Résultat qui lui a ouvert les portes du collège Père Laval, où, dit-il, il a passé les plus belles années de sa scolarité, même si, au départ, il trouvait la transition compliquée, surtout en raison de l’absence de rampes pour l’aider à circuler. 

«Mo ti nouvo, tou set-up ti nouvo ek san ranp dan lékol, li pa ti fasil», raconte Eloïc. Mais même sans rampes d’accès, l’adolescent arrive à circuler dans l’école grâce à la solidarité et l’entraide de ses petits camarades. «Zot inn ed mwa pou avansé fizikman mé osi dan mo létid. Mo ti bien gaté laba, osi bien ek mo bann kamarad ki avek bann proféser ki ti bien gentils», ajoute-t-il. 

Il n’a pas eu à attendre trop longtemps car le ministre du Travail d’alors, Shakeel Mohamed, a fait installer des rampes au collège Père Laval. Cependant, il rate sa première année de Form V en raison de ses notes en mathématiques et en chimie, matières qu’il n’aime pas. Il réussit à obtenir son School Certificate à sa deuxième tentative en 2016. 2017 est une année éprouvante pour lui dans la mesure où il subit quatre interventions chirurgicales destinées à l’aider à se tenir sur ses jambes. C’est la première fois que Vanessa Cherry voit son fils rendre les armes. Il le reconnaît. 

«En 21 banané, sé sel moman kot mo’nn dékourazé parski apré sa bann opérasion-la, mo’nn bizin res six mwa alité ek bien ki mo dokter ti pé fer de son mieux, li pa ti kapav ogmant mo bann doz kalman alor ki mo ti pé gagn boukou douler. La, pou prémié fwa dan mo lavi, mo’nn pansé : kifer mwa ? Mo’nn fatigé ar sa.» Comme sa tante vit en Espagne, c’est dans ce pays qu’il se rend pour trois mois pour effectuer sa rééducation. 

En 2018, ça va mieux pour Eloïc qui est de retour au pays et les interventions chirurgicales ont amélioré son état car il peut, pour la première fois de sa vie, se déplacer à la maison à l’aide d’un déambulateur. C’est aussi l’année où il entame sa première année de Form VI qu’il réussit et l’année suivante, il obtient son Higher School Certificate avec un excellent résultat en français et en General Paper. «Bann lang mo domenn dé prédileksion. Mé mo ti pé atann mieux an sosiolozi ek Travel and tourism mé bon, mo’nn rési malgré tou», dit-il, en remerciant son enseignant de leçons particulières en General Paper, Michael Pompeya. «Mo bizin rémersié osi bann ansénian kolez Père Laval kinn bien ed mwa.» 

Eloïc ne pouvait concevoir son avenir sans faire des études supérieures. Si, au départ, il voulait étudier le droit, en regardant les informations et en tendant l’oreille autour de lui, il a estimé qu’il y avait certains avocats qui exerçaient ce métier, surtout pour se faire de l’argent. «Mwa, mo’nn anvi fer le bien otour dé mwa ek ed lézot.» Si bien que depuis le 28 septembre, il a commencé des études de sociologie à l’UoM afin d’obtenir un Bachelor in science en la matière. C’est l’État qui paie ses déplacements quotidiens en taxi. «O débi, mo ti pé gagn per al liniversité parski ti enn landrwa nouvo mé mo’nn abitié apré. Mo bizin dir ki dwayin dé fakilté dé Sciences sociales, proféser Arnaud Carpooran, li tré gentil.» 

Il ajoute qu’à l’UoM, «mo kouma enn prins. Ler mo pankor rant liniversité, bann kamarad sonn mwa pou koné kot mo été. Tou dimounn gentil». Bizarrement, le seul endroit où il a du mal à soutenir le regard des autres, c’est à l’hôpital SSRN. «Dr Ramtohul bien gentil mé ler ou al lopital, personel-la dévizaz ou. Non, li pa enn régar dé kiryozité. Sé enn régar ki montré ki zot pa aksepté ou diférans.» Comment réagit-il face à cette incompréhension vis-à-vis de la diversité et de l’inclusion ? «Mo res trankil. Mo pran li sinp. Mo pa lé konplik mo lavi lor sa bann zafer-la. Mo’nn grandi. Avan, kit fwa mo ti pou dir enn zafer. Zordi non. Li maléré ki lopital pa enn landrwa akéyan, saléré. Mé akoz mo lasanté, mo oblizé al laba tou lé trwa mwa.» 

Eloïc va tout faire pour obtenir sa licence et embrayer avec une maîtrise car son rêve est de se perfectionner pour travailler dans l’univers des organisations non gouvernementales oeuvrant en faveur de l’allègement de la pauvreté. «Mo ti a kontan aport mo kontribision dan sa konba-la.» 

Il recommande à tous ceux qui vivent un découragement de se relever, de ne jamais baisser les bras. «Zamé pa dékourazé. Nanié pa inposib. Ou bizin krwar an ou ek forsé é lerla Bondié pou ed ou. Mé ou bizin fer prémié pa la avan. Nanié pa aki. Ler ou krwar ek ou forsé, lerla ou pou rési», dit ce jeune très fier de vivre à Roche-Bois. Il trouve d’ailleurs dommage que l’on colle des étiquettes déplaisantes à cette localité, située à la périphérie de la capitale. «Dimounn bizin aret éna préjugés lor Roche-Bois. Sé enn bon rézion. Wi, li éna so bann problem, parmi ladrog, mé partou éna sa problem-la dan Maurice ek pa zis dan Roche-Bois. Excepté ki isi, li pli vizib. Fodé aret met mové tit ar Roche-Bois. Tro bokou stéréotip mété lor nou. Dimounn an déor bizin aret mal ziz kominoté Roche-Bois…»