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Sir Gaëtan: Une partie de la coque était complètement pourrie avant le naufrage
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Sir Gaëtan: Une partie de la coque était complètement pourrie avant le naufrage
«L’express» est en présence d’un rapport sur l’état du remorqueur Sir Gaëtan, rédigé le 1er juillet 2020, soit deux mois avant que le bateau ne fasse naufrage au large de Poudre-d’Or. Au-delà des multiples réparations ou encore des parties pourries dans la coque notées à cette époque, l’auteur du rapport n’est autre que le Marine Surveyor nommé comme assesseur sur la Court of Investigation sur le Wakashio. La position de Johnny Lam Kai Leung aux côtés de l’ex-juge Abdurrafeek Hamuth est peut-être compromise.
«Le Sir Gaëtan pouvait-il être déployé sur le site du naufrage du Wakashio pour l’extirper des récifs ?» Cette question hypothétique de la Court of Investigation, qui a, entre autres, pour mission de déterminer «the cause, scale and extent of the damage caused by the MV Wakashio» ou encore «the response of the relevant authorities», pourrait bien poser des problèmes. Il s’avère que l’homme, qui a signé et soumis un survey report du Sir Gaëtan, n’est autre que Johnny Lam Kai Leung, un des deux assesseurs de la Court of Investigation aux côtés de l’ex-juge Abdurafeek Hamuth.
Le remorqueur, qui a fait naufrage sur le chemin du retour du site de l’échouement du Wakashio le 31 août, tuant trois membres d’équipage et causant la disparition de son capitaine, est étroitement lié au naufrage du navire japonais qui s’était, lui échoué sur les récifs de Pointe-d’Esny le 25 juillet. Ainsi, à chaque fois qu’il sera question du Sir Gaëtan devant la cour présidée par le juge Abdurafeek Hamuth, Johnny Lam Kai Leung risque de se retrouver en position conflictuelle. Lors de son ultime voyage, le Sir Gaëtan remorquait, de Pointe-d’Esny à Port-Louis, une barge de la compagnie Taylor Smith qui a percuté le remorqueur causant un trou dans sa coque, provoquant ainsi ce tragique naufrage.
Si ce rapport peut, dans la forme, poser problème sur la composition même de cette Court of Investigation, le fond est tout aussi alarmant et ce sera, sans conteste un des documents phares de l’autre Court of Investigation, celle instituée pour faire la lumière sur le naufrage du Sir Gaëtan lui-même. Le document de 30 pages, qui porte le sceau de Bureau Veritas, relate dans des termes très techniques, tout ce qui était en bon ou mauvais état sur le remorqueur. Le Marine Surveyor décline ainsi toutes les réparations effectuées sur la coque. Découpage et remplacement par ci, renouvellement par là, la liste est très longue. En commentant ces réparations, Johnny Lam Kai Leung écrit presque toujours «satisfactory» à côté. Mais l’interprétation de la source qui nous a remis le document est différente. «C’est comme une voiture que vous ne cessez de réparer», explique-t-elle.
Et puis il y avait au 1er juillet toute une liste de réparations à faire. Toujours sous le chapitre «hull and hull equipment», soit la coque, le surveyor a écrit «corrosion and wastage of ship side between frames F31/F32 – F37/38. To crop and replace by insert». Nous avons demandé à un spécialiste de nous expliquer ce que cela voulait dire. Il explique que «Les ‘frames’ ce sont ces structures latérales en forme de ‘U’ qui vont de bâbord à tribord – le squelette du bateau – sur lesquelles la coque est fixée. Le ‘Frame 1’ c’est la première à l’avant du bateau. Selon le document que vous me montrez, la coque entre les ‘frames’ 31 et 38 était pourrie. Aussi simple que cela.»
Est-ce la zone précise de l’impact de la barge L’Ami Constant sur la coque du Sir Gaëtan ? Personne n’a été en mesure d’infirmer ou de confirmer cette hypothèse pour le moment. Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’il y avait toute une série de réparations à faire sur le Sir Gaëtan. «Emergency air compressor not functional», écrit Johnny Lam Kai Leung à la page 14. «Alarm monitoring system faulty», ajoute-t-il un paragraphe plus bas. «Main engine fuel leakage alarm not functional», écrit-il aussi. Autre remarque : «Communication between bridge and steering faulty.»
Ces réparations avaient-elles été faites avant la sortie jusqu’à Pointe-d’Esny ? Nous avons voulu poser la question à la Mauritius Ports Authority, hier. Joint au téléphone, Ramalingum Maistry, le président, explique que c’est au directeur général, Shekar Suntah, de répondre à cette question. Ce dernier n’a pas répondu à nos appels et textos. Autre question que nous voulions poser : la source qui nous a remis ce rapport allègue que le Sir Gaëtan n’avait pas de «seaworthiness certificate» depuis 2008. Il faudra visiblement attendre avant d’obtenir ces réponses.
Nous avons aussi discuté avec la secrétaire de Johnny Lam Kai Leung pour qu’on l’interroge sur sa potentielle position conflictuelle sur la Court of Investigation où il siège comme assesseur. Il ne nous a jamais rappelé…
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