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Viraj Appadoo: «Le PM se laisse berner par ceux qui dirigent la MBC»

17 octobre 2020, 19:38

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Viraj Appadoo: «Le PM se laisse berner par ceux qui dirigent la MBC»

Viraj Appadoo qui a travaillé pour des sociétés financières en Europe a répondu favorablement à l’appel du gouvernement en 2015 pour que des expatriés mettent leur expérience au service du pays. De février 2018 à mars 2020, il a occupé le poste de directeur des Ressources humaines à la MBC. Une expérience amère.

Comment avez-vous atterri à la MBC en février 2018 ?

En 2015 j’ai entendu l’ancien ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo lancer un appel pour que des expatriés reviennent mettre leur expérience au service du pays. Je me suis demandé pourquoi ne pas répondre à cette invitation. Il était d’abord question que je prenne de l’emploi au Casino de Maurice, mais malheureusement je n’étais pas sur la même longueur d’onde que le Sud-Africain Kurt Peters alors le Chief Executive Officer.

Vous décidez malgré tout de retenter votre chance?

J’ai tout le temps voulu aider Maurice car j’aime ce pays. Après la parution d’un appel à candidatures pour le poste de directeur des Ressources humaines à la MBC, j’ai postulé. J’ai été appelé pour une interview le vendredi 8 décembre 2017. Je suis arrivé à Maurice le matin, j’ai passé l’entretien à 13 heures avant de reprendre l’avion le soir. J’étais vraiment épuisé. J’ai effectué une deuxième interview par Skype le 12 janvier 2018. J’ai décroché le poste que j’ai pris le 20 février 2018. Mekraj Baldowa était alors le directeur général de la MBC. Comme il était absent du pays à mon entrée en poste, c’est Anooj Ramsurrun, son assistant, qui m’a introduit aux membres du département des Ressources humaines. Néanmoins, j’ai pu discuter de mes attributions avec Mekraj Baldowa. Après un mois, j’ai décidé de me consacrer à temps plein au poste suivant un autre voyage en Angleterre où j’ai démissionné de mon ancien emploi.

Les conditions de travail étaient donc plus avantageuses à la MBC?

Pas du tout. Je recevais un tiers de ce que je touchais en Angleterre. Mais, il faut aussi tenir compte du coût de la vie des deux pays. Comme je vous ai expliqué plus haut, c’est pour l’amour de mon pays que j’ai décidé de revenir travailler à Maurice.

 Avez-vous reçu l’assurance que vous allez pouvoir exercer votre job en toute indépendance ?

Oui, c’est ce qui était convenu après ma conversation avec Mekraj Baldowa. Mais hélas, à mon retour à la MBC, Baldowa était sur le point de partir.

Quelle a été votre réaction ?

Je ne me doutais de rien. Mais pas pour longtemps. Quelque temps après, il fallait recruter pour la MBC à Rodrigues. Je m’y suis rendu avec le directeur général par intérim, Anooj Ramsurrun et l’ex-Chairman Bhijaye Ramdenee. C’est là que j’ai commencé à comprendre que je n’allais pas avoir les coudées franches en tant que directeur des Ressources humaines.

 En avez-vous fait état à vos supérieurs?

J’ai plutôt pris le temps de mieux comprendre la situation. Or, les semaines suivantes, on m’a fait comprendre que je devais me concentrer sur le côté stratégique et ne pas m’occuper des opérations. Ce qui confirme qu’on veut m’écarter.

Mais vous ne réclamez pas d’explications ?

Ecoutez. C’était difficile de parler à Anooj Ramsurrun. Quand j’en avais l’occasion, il me disait de ne pas m’inquiéter et de continuer à faire mon travail. Le Chairman d’alors me disait : «Korek sa tou pou aranze, pa gagnn traka.» Ce petit jeu s’est poursuivi. Pendant ce temps, des vacances étaient remplies sans passer par moi. Des candidatures qui ne répondaient pas aux critères que j’ai rejetées après interview étaient avalisées quelques semaines après. Un jour j’ai croisé l’un de ces candidats qui m’a lancé «to pe rekonet mwa !».

Une humiliation pour vous ?

Absolument. Je me souviens aussi de cet accrochage entre une journaliste et une autre employée en août 2018. En tant que directeur des Ressources humaines, je suis intervenu et j’ai suspendu la journaliste en attendant la fin d’une enquête. On ne pouvait tolérer un tel incident, même si une enquête allait déterminer qui était fautive. Mais quelques jours après j’ai appris que je ne pouvais pas prendre de sanction. J’ai même été appelé à fournir des explications, alors que le directeur lui-même est intervenu sur un site d’informations pour dire qu’il fallait émettre des lettres d’avertissement.

Malgré cela vous continuez l’aventure avec la MBC?

J’avais un contrat de deux ans dont un était presque passé. Sauf que les choses n’allaient pas évoluer comme je l’aurais souhaité. J’ai été appelé à m’occuper du bien-être des travailleurs. Quand j’ai réclamé des explications, on m’a répondu que le bien-être des travailleurs est essentiel pour la bonne marche de la boîte.

Il semble que vous n’aviez aucun pouvoir?

Exact. J’ai rédigé des rapports sur la retraite volontaire, sur le plan stratégique, le HR Planning et le profiling de tous les employés. Tous ces rapports ont fini dans un tiroir. J’ai été appelé à mettre de l’ordre dans le paiement des heures supplémentaires.

 Sans doute qu’il y avait des abus ?

Je reconnais qu’un employé doit avoir une allocation quand il le mérite. À la MBC, des employés qui ont droit à un certain seuil maximal pour des heures supplémentaires, prennent des congés maladie lorsqu’ils atteignent ce seuil pour que d’autres employés bénéficient de l’overtime. C’est gaspiller de l’argent public surtout que les Mauriciens financent la MBC à travers la redevance.

 Comment expliquez-vous qu’il y a souvent des tiraillements entre collègues à la MBC?

C’est simple. Le directeur général est un nominé politique. Des personnes sont recrutées pas à cause de leur compétence mais en raison de leur proximité avec des politiciens. Celles-ci seront privilégiées au détriment de celles qui y sont par mérite. Comment voulez-vous qu’il n’y ait pas de clash ? Il est impératif d’avoir une middle management entre le directeur et le personnel.

Jamais n’avez-vous pensé informer le Premier ministre qui est le ministre responsable de la MBC?

Bien sûr que j’ai avisé le bureau du Premier ministre. Mais sans aucune action.

 Ne pensez-vous pas qu’un Premier ministre ne peut pas s’ingérer dans le «day-to-day running» de la MBC?

Ne me dites pas qu’un Premier ministre n’a pas les moyens de savoir ce qui se passe à la MBC. Soit il ne veut pas savoir ou plutôt, je pense et je suis triste de cela qu’il se laisse berner par ceux qui dirigent cette boîte. Ce que je trouve très grave.

Donc vous avez décidé de plier bagage?

Non, avant la fin de mon contrat de deux ans, on m’a fait partir. Une clause de mon contrat stipule que ceci peut être renouvelable mensuellement «upon satisfactory service» mais j’étais devenu un obstacle car j’estime que je faisais mon travail avec intégrité et franchise. Ce qui me désole aussi, c’est que j’avais un mois après le non-renouvellement de mon contrat pour rembourser un prêt. Ils m’ont obligé de le faire juste à l’arrêt de mon contrat.

Un mauvais souvenir ?

Je suis plutôt triste. Mais j’aime toujours mon pays et si j’ai la chance de redresser la MBC ou de travailler pour une autre institution, je suis prêt à le faire.