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Flashback November 2016: Forrest Trump

3 novembre 2020, 21:00

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Flashback November 2016: Forrest Trump

 

Il y a quatre ans, on était dans les rues de Washington, DC à interviewer des Américains surpris de la victoire de Donald Trump sur Hillary Clinton, pourtant en tête des sondages et pourtant grande gagnante du ‘popular vote’. Mais le système unique de grands électeurs a permis l’émergence d’un phénomène nouveau : Donald Trump, qui était jusqu’ici un joke dans la capitale des Etats-Unis. Et pourtant...et pourtant ! 

One day, for no particular reason, I just felt like running!” Ce n’est plus une farce. Ce n’est pas un scénario de Hollywood. Mais Donald Trump pourrait bel et bien remporter l’élection présidentielle et devenir le 45e président des États-Unis. C’est fou. C’est ainsi.

Plusieurs facteurs joueraient en sa faveur. Primo, l’impopularité grandissante d’Hillary Clinton, dont les courriels cachés révèlent «the dark side of Washington, DC politics». Trump, lui, n’est pas du Sérail et mène une campagne pour changer la donne. Deuzio, les électeurs démocrates ne vont pas aller voter avec la même rage que les électeurs républicains qui, après huit ans d’Obama, veulent placer un des leurs à la Maison-Blanche. L’électeur pro-Trump aura tout le loisir d’aller voter mardi – celui-ci étant souvent sans emploi, désorienté et désenchanté. Et déterminé à combattre pour la suprématie conservatrice.

Au cas où Trump remporte la victoire, dans deux jours, il est important de bien cerner le personnage et de relire ses phrases-choc : de véritables perles qui révèlent sa personnalité hors norme. En fouillant dans les archives web, sur les sites des journaux et des deux candidats, nous avons compilé quelques déclarations qui, pour nous, illustrent mieux l’homme que n’importe quelle autre analyse.

D’ailleurs, Trump l’aura compris : à quelques heures de l’élection, il a tout intérêt à la boucler, à se contenter de sourire, comme nous nous avons souri en sélectionnant ses envolées qui pourraient (toutes proportions gardées) vous rappeler Showkutally Soodhun, Raj Dayal ou le leader du Parti Malin…

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Les voici, donc, dans leur version originale. Sans effets spéciaux. Du Trump tout cru.

*Sur son talent. “I’m Donald Trump. I wrote the Art of the Deal. I say not in a braggadocious way – I’ve made billions and billions of dollars dealing with people all over the world, and I want to put whatever that talent is to work for this country…”

*Sur la politique. “I’m not a politician, thank goodness”.

*Sur le changement climatique. “I’m not a believer in man-made climate change – look, this planet is so massive. And when I hear Obama saying that climate change is the number-one problem, it is just madness”.

*Sur George W. Bush. “When you talk about George Bush, I mean – say what you want – the World Trade Center came down during his time”.

*Sur Bill Clinton. “Had he not met Monica Lewinsky, had he not met Paula Jones, had he not met various and sundry semi-beautiful women, he would have had a much better deal going”.

*Sur Hillary Clinton. 1) “She was the worst secretary of state in the history of our nation”. 2) “Hillary is running for a lot of reasons. One of them is because she wants to stay out of jail”. 3) “I said, ‘Be at my wedding,’ and she came to my wedding. You know why, she didn’t have a choice because I gave. I gave to the Clinton Foundation that, frankly, that foundation was supposed to do good”.

*Sur les Mexicains. “When Mexico sends its people, they’re not sending their best. They’re not sending you. They’re not sending you. They’re sending people that have lots of problems, and they’re bringing those problems with us. They’re bringing drugs. They’re bringing crime. They’re rapists. And some, I assume, are good people!”

*Sur la frontière et sur le mur. “Our Southern Border is unsecure. I am the only one that can fix it, nobody else has the guts to even talk about it (…) And for those who don’t think a wall (fence) works, why don’t they suggest taking down the fence around the White House ? Foolish people !”

*Sur le racisme. “I don’t have a racist bone in my body”.

*Sur les ‘African Americans’. “I have a great relationship with African Americans, as you possibly have heard. I just have great respect for them. And they like me”.

*Sur les musulmans. “I have friends that are Muslim. They’re great people, amazing people. And most Muslims – like most everything – I mean, these are fabulous people. But we certainly do have a problem. I mean, it wasn’t people from Sweden that blew up the World Trade Center, Jake”.

*Sur les débats télévisés. “It was the largest broadcast in the history of CNN. Think of it. With all the wars, this was number one. I wonder how many people would have been watching if I wasn’t there. Three?”

Maintenant vous comprenez mieux pourquoi Hillary est surnommée «the lesser evil of the two!»

***

 

Les résultats, en ce maussade mois de novembre 2016, ont surpris les Washingtoniens, qui votent massivement pour les démocrates. Dans les bars, personne ne voulait le croire, certains pleuraient, comme si les Etats-Unis entamaient une longue période de deuil, avec un Donald à sa tête. Le cauchemar est devenu réalité....

Le discours d’unité nationale du 45e président des États-Unis était conventionnel, mesuré, approprié, hier. Cela change du personnage outrancier. Mais dans la forme, cela ne change pas vraiment. Tous les présidents, sans distinction, disent cela au soir de leur victoire. L’euphorie et le positif primant sur le reste, le politiquement correct revient au galop, par la force des choses. Le destin suit son cours, en bifurquant à droite.

Huit ans après la communion autour de Barack Obama, Donald Trump a vidé Washington DC de sa magie. Son discours paternel sonne faux et marque un certain retour en arrière, au temps jadis. Le melting pot qui a produit des Obama ici et des Sadiq Khan là-bas se refroidit, le feu sacré de l’intégration sociale s’éteignant, contre toute attente, à la faveur d’une idéologie populiste, protectionniste.

Trump ne peut pas dire vrai sur l’unité – car toute sa campagne, toute sa vie a été bâtie sur la division, la xénophobie et la lutte contre l’immigration.

Il n’a pas publié ses fiches d’impôts et aujourd’hui il est plébiscité. Ce qui lui donne tout le loisir de désormais matérialiser ses promesses ultranationalistes – si tant que les Républicains, qui gardent leur majorité au Sénat et à la Chambre, ne s’entre-déchirent pas entre eux. La mainmise des conservateurs est quasi totale. Trump, sans expérience politique aucune, a un boulevard devant lui s’il arrive à réinventer le Grand Old Party. À 70 ans, pourra-t-il changer la donne au sein de son parti et partant impacter sur les USA ?

La sourde colère qui a érigé hier Donald Trump en héros est brutale, sans équivoque. Le réveil, ce matin, à Washington DC, l’est tout aussi. La gueule de bois dure plus longtemps que d’habitude. Avant, malgré la menace populiste, on avait toujours le choix des urnes devant nous. Celles-ci ayant parlé d’une voix audible et claire, nous n’en avons plus. Du moins pas avant quatre ans de trumpisation des esprits. Entretemps, nous devons faire avec, en espérant qu’on s’est trompé sur le personnage central de cette triste reality show.

Et l’on se demande, désormais, jusqu’où notre monde va s’enfoncer, se replier, s’emmurer – comme une autruche, lourde, incapable de prendre de la hauteur, qui ne voit pas que les jeunes générations héritent, sans le vouloir, d’une dérive vers l’extrême-droite, une dérive qui n’encourage pas le métissage propre aux pays comme les États-Unis et Maurice. Une autre civilisation basée sur l’obscurantisme se met en place. Des années de repli sont devant nous. «À mort les idéaux de liberté.»

Après le Brexit là-bas, l’élection de Trump ici, place aux Le Pen en France ? Cela confirmera, s’il le fallait encore, que notre monde est malade, vraiment malade. Et la démocratie n’y peut plus rien... et l’économie, mondialisée, ne pourra que ralentir avec les murs et les frontières qu’on érige...

Nad SIVARAMEN 
(de Washington, DC)

Textes écrits en novembre 2016