Publicité
Conseil municipal de Curepipe: les Rs 87 M placées à la Banyan Tree Bank auraient pu être sauvées
Par
Partager cet article
Conseil municipal de Curepipe: les Rs 87 M placées à la Banyan Tree Bank auraient pu être sauvées
On se souvient de ce placement mal inspiré de Rs 87 millions auprès de la presque défunte Banyan Tree Bank, sous administration judiciaire depuis avril. La raison pour laquelle la municipalité de Curepipe avait choisi d'y placer l’argent public en janvier 2019 intéresse certains conseillers. Mais la question qui les préoccupe le plus : pourquoi n’a-t-on pas retiré ce placement quand il est arrivé à terme en janvier, avant que la Banyan Tree Bank ne se crashe en avril 2020 ?
Cette question interpelle, d’autant plus que le conseil municipal de Curepipe avait formellement pris la décision de convertir cette somme en bons du Trésor. Retour sur les étapes de la prise de décisions qui n’auraient, selon des conseillers, rien à voir avec de la négligence mais cacheraient une entente entre certains à la municipalité et la Banyan Tree. Car on soupçonne cette dernière d’avoir été incapable de rembourser cette somme à la municipalité dès janvier 2020.
Le 31 janvier 2020, le conseil municipal décide d'investir dans des bons du Trésor la somme de
Rs 87 millions qui se trouvait chez Banyan Tree, car elle arrivant à terme le 12 février. Et cela, même si le taux d’intérêt perçu était plus bas pour les bons du Trésor (1,32 %) que chez Banyan Tree (4,45 %). Sentait-on déjà le danger ?
«The Deputy Chief Executive informed that as per Circular letter No. 6 of 2019 dated 30 May 2019, the Ministry of Finance and Economic Development recommended the investment of funds in Treasury Bills. The Council approved to reinvest the fixed deposits upon maturity in Treasury Bills», est-il indiqué dans le procès-verbal de la réunion du 31 janvier.
En tout cas, le secrétaire financier, Dev Manraj, semblait, lui, craindre les investissements à hauts revenus mais également à hauts risques. Cette décision d’investir dans des bons du Trésor est donc prise par le conseil municipal malgré la motion de Devendranath Bhurosah, un des conseillers MSM, qui était venu avec la proposition d’investir uniquement sur la base de la rentabilité.
Cependant, ce n’est que le 28 février que le conseil municipal prend acte de sa décision de réinvestir ces fonds dans des bons du Trésor. Soit 28 jours après sa première décision et 16 jours après la date d’expiration du placement chez Banyan Tree. Entre-temps, la banque a transféré la somme plus des intérêts de Rs 4 millions dans un compte courant… qui ne rapporte aucun intérêt.
Retard à l’allumage
Pourtant, dans une note explicative, la Financial Controller dira qu’elle avait, dès le 12 février 2020, adressé une lettre à Banyan Tree pour lui demander de transférer cette somme dans un compte d’épargne. Or, cette banque n’opère pas de compte d’épargne… D’ailleurs, les conseillers se demandent pourquoi la Financial Controller n’a pas demandé à Banyan Tree de transférer une bonne fois la somme à la SBM, comme décidé par le conseil le 31 janvier et le 28 février. Et pourquoi cette lettre a-t-elle été envoyée sans l’aval du conseil municipal.
La municipalité aura un autre retard à l’allumage qui devient dès lors suspect. Ce n’est que le 19 mars 2020, soit 47 jours après la première décision du conseil municipal, qu’une lettre sera adressée à la banque, lui demandant de transférer les Rs 87 millions plus les intérêts, soit un total de Rs 91 millions, à la SBM pour être investies dans des bons du Trésor. Ce n’est pas tout. Grâce au Covid-19, qui décidément a bon dos : ce même soir du 19 mars, Pravind Jugnauth annonce le début du confinement pour le lendemain.
Dans sa note explicative et dans plusieurs autres rapports, la Financial Controller dira qu’en raison du «lockdown as from 20.03.20, therefore (…) bank has not been able to transfer the sum as per instructions given». Pourtant, Pravind Jugnauth avait bien annoncé que les services essentiels continueraient à fonctionner, citant même en exemple les banques. Et, effectivement, la Banyan Tree continuait à opérer normalement.
De plus, un ordre de transfert d’une telle ampleur ne pouvait être négligé, nous dira un banquier. «Ce transfert aurait pu être exécuté en cinq minutes grâce au système ‘MACCS Transfer’, utilisé par les banques pour les transferts interbancaires locaux.»
Or, l’excuse du Covid-19 et du confinement est passée comme une lettre à la poste au conseil municipal. Ni le maire, Hans Marguerite, ni l’opposition ni les autres conseillers n’y ont rien trouvé à redire. Sauf un membre de la majorité.
Car il y a bien eu une question au conseil en mai 2020 venant d’une conseillère du ML, et adjointe-maire à l’époque, Sweety Gokool, qui voulait des détails sur cette affaire. Mais c’était sans compter l’intervention abrupte du même Devendranath Bhurosah, décidément aussi autoritaire que notre speaker, qui lui coupe la parole, en déclarant qu’elle n’a pas le droit de poser cette question. Car, selon la formule consacrée, une enquête est en cours. Tout comme pour l’affaire Angus Road. Il semble bien que les auditeurs du ministère des Finances et ceux du ministère des Collectivités locales aient mis leur nez dans cette affaire. Mais en toute discrétion. La Financial Intelligence Unit enquêterait aussi.
Pourquoi a-t-on pris tout ce temps pour demander à la Banyan Tree de transférer la somme vers la State Bank ? La Banyan Tree n’était elle pas en mesure dès janvier 2020 de rembourser la municipalité ? Si oui, la municipalité aurait-elle participé, activement ou passivement, à un délit d’initié mais en sens inverse ? C’est-à-dire, aurait-elle été complice de la Banyan Tree pour que cette dernière ne rembourse pas avant qu’elle ne soit placée sous administration judiciaire ?
Le résultat est que la municipalité serait en grande difficulté financière. Au moins 100 paiements à effectuer aux contracteurs sont gelés. En attendant que les administrateurs de la Banyan Tree lui trouvent un repreneur, le maire se ronge les ongles pour ses Rs 87 millions. Comme tous les clients de cette banque d’ailleurs. Et, au conseil, on se rejette mutuellement la responsabilité dans cette affaire.
Pourquoi avoir choisi cette banque en 2019 ?
<p>En janvier 2019, le conseil municipal de Curepipe décide de faire fructifier Rs 87 millions qu’elle détenait dans un compte d’épargne à la <em>State Bank</em> de Curepipe. Qui a recommandé de placer Rs 87 millions à <em>Banyan Tree Bank</em> en janvier 2019 ? Y a-t-il eu pression pour que ce soit fait dans cette institution qui présentait déjà des signes de défaillance ? </p>
<p>Les banques les plus généreuses proposaient en moyenne 3 %, alors que <em>Banyan Tree</em> offrait 4,45 %. Ce taux défiant toute concurrence n’a-t-il pas paru suspect ? Pourtant, dans son bilan, <em>Banyan Tree</em> affichait déjà des pertes de Rs 40 millions et de Rs 72 millions en 2017 et 2018 respectivement… Le savait-on à la mairie ? Toutes ces questions que nous voulions adresser à Hans Margueritte sont restées sans réponses. Après avoir écouté, le 9 novembre, la première partie de nos questions, il a raccroché en promettant de revenir vers nous. Ce qu’il n’a pas fait en dépit de nos diverses relances.</p>
MY MAYOR IS RICH
<p>À la lecture de son dernier bilan de santé, la municipalité ne manque pas de sous. En plus de ces Rs 87 millions et des intérêts de Rs 4 millions égarées, elle dispose de Rs 182,5 millions supplémentaires placées dans des bons du Trésor, dont Rs 7,5 millions pour cinq ans. Le gel de ces Rs 87 millions ne pose-t-il pas de problème de cash-flow à la mairie ? Réponse du maire, qui relativise le problème, à un de nos confrères («Le Mauricien»), le 26 août : «L’indisponibilité de cet argent n’affecte en aucun cas les grands projets en cours dans la ville de Curepipe, à savoir la rénovation de l’hôtel de ville ou encore les travaux municipaux dans le cadre du projet Metro Express.» </p>
<p>Pour quelle raison la municipalité dispose-t-elle d'une telle énorme somme inactive ? N’a-t-elle pas de projets urgents comme le Forum ? Il nous expliquait (voir «l’express» du 19 octobre 2020) que la municipalité dispose toujours de moyens pour la construction du Forum alors que Nathalie Gopee nous avait déclaré qu’il n’y avait plus de fonds pour ce projet. Avec le budget de reconstruction de l’hôtel de ville qui explose, l’optimisme financier du maire de Curepipe laisse pantois. </p>
<p>En tout cas, il semble bien qu’à la place de la réparation de routes et de la construction de terrains de foot, un autre business fleurit : celui du placement financier. La municipalité de Curepipe est-elle devenue un vulgaire fonds de retraite américain à la quête de bons rendements ?</p>
Publicité
Les plus récents