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Angus Road: le destin de Pravind Jugnauth passe par le DPP
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Angus Road: le destin de Pravind Jugnauth passe par le DPP
À première vue, ce communiqué qui cite «des enquêtes concernant les allégations de corruption et de blanchiment d’argent» peut paraître technique et confus. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que, des cinq enquêtes que l’ICAC a ouvertes sur les achats immobiliers de Pravind Jugnauth, deux sont déjà au stade d’enquêtes plus approfondies («further investigation»).
Le communiqué de Navin Beekarry hier cite aussi l’article de la loi ayant trait à further investigation. L’article 47 de la PoCA stipule que dès qu’une enquête entre dans la phase d’une further investigation, le directeur général de l’ICAC doit lui-même superviser la suite de l’enquête. Pas de quoi rassurer ceux qui pensent que l’ICAC est à la solde du Premier ministre, mais les deux derniers paragraphes de ce même article sont sans équivoque : le directeur général de l’ICAC doit soumettre au DPP un dossier complet avec toutes les dépositions, documents et preuves.
Cinq enquêtes «live»
C’est au DPP que revient le dernier mot. À la lumière du dossier, il peut décider d’entamer des poursuites, stopper l’enquête, ou donner des directives à l’ICAC pour qu’elle réoriente son enquête. L’enquête approfondie suit l’étape de l’enquête préliminaire du directeur des enquêtes. À la lumière de son rapport, la commission décide de procéder à une enquête approfondie ou d’arrêter l’enquête.
Il suffit maintenant de placer les enquêtes sur Pravind Jugnauth dans cette perspective. Il y en a cinq. Deux d’entre elles, commencées respectivement en mars 2011 et octobre 2013 ont été stoppées à l’étape de l’enquête préliminaire.
Mais deux autres enquêtes (commencées en mars 2013 et août 2020) ont déjà atteint la phase d’enquête approfondie.
Pire : l’enquête ouverte après la déposition de Bruneau Laurette qui a remis des copies des reçus cash à l’ICAC est, selon le communiqué émis hier, liée aux deux enquêtes qui ont été stoppées. Voilà pourquoi, dans certains milieux, on estime que ce communiqué vient affirmer qu’il y a cinq enquêtes «LIVE» sur le Premier ministre. Ce qui est sûr c’est que le Premier ministre fait l’objet de trois enquêtes de l’ICAC, dont deux ont atteint le stade d’enquête approfondie.
Ce que ce communiqué explique aussi, c’est que Pravind Jugnauth se retrouve de plus en plus en position conflictuelle. Les deux enquêtes approfondies en cours sont supervisées personnellement par le directeur général de l’ICAC. Or, c’est le Premier ministre qui décide du renouvellement ou pas de son contrat.
Bien que l’ICAC ait insisté hier qu’elle «opère en toute indépendance», la position de Pravind Jugnauth en juin 2021 quand le contrat de Navin Beekarry arrivera à terme et que si d’ici là, le statu quo perdure dans les enquêtes, sera des plus compliquées. Renouveler le contrat de Beekarry ou le virer sera dans les deux sens perçu comme une action où Pravind Jugnauth jouit d’un intérêt personnel.
Angus Road : un mois après le «atann ! mo pé rasanblé tou bann éléman ki bizin» du PM
Exactement un mois aujourd’hui depuis que le Premier ministre a commenté pour la première fois en public l’affaire Angus Road. Souvenez-vous. C’était le 27 octobre lors d’une visite sur le site du barrage de Rivière-des-Anguilles. À une question de la presse sur cette polémique qui l’implique personnellement, Pravind Jugnauth demande «d’attendre».
«Nek atann zot pou gété. Zot nek fer tout sort kalité alégasion. Rakont tout sort kalité fosté. Dir ninport kwa (…) Mé atann ! Atann ! Mo pé fer tou pou rasanblé tou bann éléman ki bizin, é le moman venu, dimounn pou trouvé», avait affirmé le chef du gouvernement. Un mois et trois Private Notice Questions au Parlement plus tard (une quatrième n’a pas été répondue car elle a été modifiée par le speaker avant que le leader de l’opposition ne soit expulsé de la chambre plus tard pour refus de poser la version amendée), Pravind Jugnauth continue de rassembler «ban éléman ki bizin». Entre-temps, le Directeur des poursuites publiques a répliqué n’avoir jamais reçu à son bureau le rapport de l’ICAC faisant état de l’arrêt des enquêtes dans l’affaire Angus Road. La commission anticorruption a elle aussi enfin réagi, devançant dans la foulée le Premier ministre sur l’affaire en émettant, hier, un communiqué «dans l’intérêt public».
Pour sa part, le Premier ministre n’a de cesse de ressortir le même refrain tenu à Rivière-des-Anguilles à chaque fois qu’il en a l’occasion. Comme lors du Divali & Rishi Nirvaan Diwas du Mauritius Arya Ravi Ved Pracharini Sabha, à Triolet, le 8 novembre. Pravind Jugnauth avait affirmé : «Éna lézot bann fosté ki pé véikilé a mon égar. Mo’nn dir ek mo pé rédir li zordi. Nek atann ou pou trouvé kan bann vérité pou sorti parski mwa si mo fer kitsoz kot mo bizin répros mwa, mo pou vinn dir mwa. Mo koné ki manier bann dimounn ki pa pé kapav atak mwa dan enn fason pé fer tou sort kalité konplo. Mo dir i konpri l’express, mo dir pasians ou pou trouvé.»
Les délits potentiels en un coup d’œil
L’Angus Road Saga a tellement alimenté les journaux ces derniers temps qu’on peut facilement se prendre la tête à essayer de comprendre l’affaire et de se perdre dans les allégations contre Pravind Jugnauth. Voici une petite liste qui pourrait bien être au final, non-exhaustive :
1. BLANCHIMENT/ CORRUPTION/FAUX. Faire payer un terrain valant Rs 20 millions par un tiers (Loganaden Govinden) et jurer devant notaire que c’est lui et son épouse qui ont payé.
2. FIAMLA. Pour une autre portion de terrain acheté, procéder à des paiements en cash au-dessus de la limite autorisée.
3. SOUS-ÉVALUATION. Enregistrer l’achat de ces terrains après et 7 et 8 ans sans tenir compte de l’appréciation du bien et ainsi payer moins de taxe.
4. COMPLOT. Rencontrer en catimini un témoin-clé pour tenter d’orienter sa déposition et ainsi désorienter l’enquête.
5. CONFLIT D’INTÉRÊTS. Paiement pour un terrain auprès de Bel Air Sugar Estate alors qu’il était ministre de l’Agriculture.
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