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Compensation salariale - Quantum de Rs 375: le coup populiste de Padayachy
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Compensation salariale - Quantum de Rs 375: le coup populiste de Padayachy
Si les employés affichent la satisfaction après l’annonce mercredi du quantum de la compensation salariale de Rs 375, les économistes et autres observateurs restent eux dubitatifs. Ils s’interrogent sur la démarche de l’offre du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, à un moment où la conjoncture économique, avec une contraction de plus de 14 % du PIB en 2020 plaide pour la prudence et la responsabilité du gouvernement.
En fait, leur étonnement est d’autant plus grand et s’explique par le fait que lors du même exercice l’année dernière, le ministère des Finances n’avait accordé qu’une compensation de Rs 300 dans un contexte économique normal sans les effets de la pandémie. «Il n’y a aucune rationalité économique dans la démarche du ministre Padayachy. Il impose un surcoût sur les entreprises avec la compensation salariale et vient en même temps les accompagner pour financer cette nouvelle charge», souligne l’économiste Eric Ng. Une opinion que partage Rajeev Hasnah, haut cadre du secteur privé et spécialiste économique. Il s’étonne du «quantum de cette compensation et du mécanisme mis en place pour la financer dans le privé alors même qu’il n’existe aucune visibilité de l’économie en 2021».
Ce qui amène Eric Ng et d’autres observateurs à dénoncer ce coup populiste de Padayachy. Il serait irresponsable de la part du gouvernement, disent-ils, d’hypothéquer l’avenir économique du pays, conscient du fait qu’il aura, soit à utiliser une partie la manne de Rs 60 milliards, soit à emprunter pour financer cette compensation dont le ministre des Finances n’a pas chiffré le montant. «A fortiori, le gouvernement aurait pu invoquer le cas de force majeure pour justifier sa décision de ne pas compenser les employés cette année», affirme un ex-directeur d’une institution-clé du privé, qui a voulu garder l’anonymat.
Pour le moment, le secteur privé n’a pas encore précisé sa proposition, à savoir si les entreprises pourront soutenir cette nouvelle charge sociale. «Nous avons fait des recommandations à la réunion tripartite en insistant que le secteur privé ne peut économiquement soutenir une augmentation salariale. La proposition gouvernementale d’une compensation salariale de Rs 375 représente une charge additionnelle d’environ Rs 2 milliards pour les entreprises. Cette compensation, qui cumule à d’autres coûts, arrive à un moment où les entreprises locales sont dans une situation très critique, causée par l’impact du Covid-19», explique le CEO de Business Mauritius, Kevin Ramkaloan, qui salue dans la foulée les mesures d’accompagnement pour les PME, l’exportation et le tourisme. Il rappelle que d’autres secteurs sont aussi très fragilisés et que Business Mauritius finalise, avec les autorités, des solutions de soutien pour aussi aider les industries ICT/BPO, construction, commerce et cannier, entre autres.
Booster la croissance
Concrètement, le gouvernement propose une compensation de Rs 375 pour les salariés percevant jusqu’à Rs 50 000 par mois à compter du 1er janvier 2021. Ce qui augmentera le revenu mensuel garanti aux employés de Rs 10 200 à 10 575. Quelque 440 500 employés, à savoir 93 800 du secteur public et 346 700 du privé, en bénéficieront. «Pourquoi le ministre a étendu cette augmentation jusqu’à Rs 50 000 et n’a pas adopté un barème gradué, comme c’était le cas auparavant. Ce faisant, plus de 95 % de la main-d’oeuvre du pays est concernée. Dans une période de crise, voire de récession, il faut parer au plus pressé», expliquent les spécialistes.
En proposant un tel niveau de compensation, Renganaden Padayachy a voulu, dit-il, renforcer le pouvoir d’achat des salariés en les incitant à consommer pour doper ainsi l’activité économique, voire booster par ricochet la croissance. Une théorie qui lui est chère avec la différence que le pays est aujourd’hui plongé dans une crise. «On donne aux employés un pouvoir d’achat éphémère car le pire est à venir avec un chômage en masse si les entreprises confrontées à des charges sociales financièrement insoutenables décident de mettre la clé sous le paillasson», soutient Eric Ng. Il prévient qu’avec une reprise de l’inflation qui pourrait dépasser les 3 % l’année prochaine, le pays pourrait se retrouver dans une spirale chômage-inflation, soit une stagflation.
Quoi qu’il en soit, Rengananaden Padayachy a déjà donné le ton : sa gestion économique passera obligatoirement par des mesures populistes, quitte à faire filer le déficit budgétaire qui, selon le Fonds monétaire international, se situera à 11,7 % du PIB en 2021. Et ce, contrairement à ses affirmations et… ses projections budgétaires.
La rescousse du privé
Suivant l’annonce de la compensation salariale, le gouvernement a décidé de :
- fournir une aide financière aux PME équivalant à la compensation salariale mensuelle de Rs 375 payable à quelque 90 000 employés pour la période de janvier à juin 2021 ;
- augmenter le montant de l’allocation mensuelle du Wage Assistance Scheme aux entreprises du tourisme du montant payable au titre de la compensation salariale à compter de janvier 2021. Il passera donc de Rs 25 000 à Rs 25 375 ;
- augmenter le montant de l’allocation mensuelle du Self-Employed Assistance Scheme au secteur du tourisme de la moitié de la compensation salariale à compter de janvier 2021 (Rs 5 100 à Rs 5 287.50) ; et
- fournir un soutien financier aux entreprises orientées vers l’exportation pour couvrir une partie du coût de la compensation salariale des employés mauriciens.
Une annonce accueillie avec des pincettes
<p><strong>Reaaz Mohammad.</strong><br />
L’effet de l’annonce s’étant estompé, les Mauriciens commencent à penser à la compensation – Rs 375 – qui sera ajoutée à leur salaire de base à partir de janvier 2021. Beaucoup de questions restent posées et des réponses qui n’arrivent pas. C’est le cas de Reaaz Mohammad, ingénieur en informatique, qui trouve la somme proposée nullement suffisante. <em>«C’est une vraie honte et un déshonneur. Beau parleur dans son discours du Budget mais post-budget, nous avons été témoins de la hausse des prix de la plupart des produits essentiels»</em>, s’exclame le jeune homme. Il va plus loin dans ses statistiques. <em>«Je ne comprends pas comment avec un taux d’inflation fort et les méfaits du Covid-19, le ministre des Finances n’a pas fait preuve de plus de compassion pour ceux au bas de l’échelle, même s’il considère qu’une personne touchant Rs 50 000 n’est pas éligible à la compensation.» </em>S’appuyant sur les remarques de la Banque mondiale qui considère le pays comme une économie à revenu élevé, il pousse la réflexion.<em> «Avec la CSG, celui qui gagne plus de Rs 50 000 paie 3 %, sans oublier le PAYE (15 %) et la NSF (1 %). C’est une discrimination. Mais je ne ferai pas plus de commentaires car l’affaire est en cour.»</em></p>
<p><strong>Diana Colleemalay.</strong><br />
<em>«Certaines entreprises ne voudront plus embaucher et le risque de licenciement pèse encore plus»</em>, constate Diana Colleemalay. Cette étudiante, qui travaille de temps en temps dans la pharmacie de ses parents, suit de près l’actualité.<em> «Je comprends que les employés veulent une augmentation, mais ils devront accepter de travailler un peu plus aussi. Les efforts doivent venir des deux côtés.» </em>Toutefois, elle espère que le gouvernement aidera aussi les entreprises dans cette démarche. <em>«Cette compensation risque d’avoir un gros impact sur le marché du travail.»</em></p>
<p><strong>Raj Appadu.</strong><br />
L’impact sur le secteur du travail est également dans les pensées de Raj Appadu. Pour le président du Front commun des commerçants, le plus important est de sauver l’emploi. <em>«Nous ne disons pas que nous ne pourrons payer cette compensation, mais cela va être difficile. Surtout que nous sommes dans une impasse où le gouvernement ne relance pas l’économie. Nous ne savons pas ce que 2021 nous réserve.»</em> Il appelle l’État à arrêter de jongler avec l’argent public.</p>
<p><strong>Miselaine Duval.</strong><br />
Son secteur est aussi en pointillé. Mais Miselaine Duval compte respecter la loi. <em>«La situation est très dure et grave pour la culture. Personne n’ira contre la loi. Mais avec le Covid-19, on ne sait pas de quoi sera fait l’avenir. On va naviguer et on verra»</em>, soutient la fondatrice de la troupe Komiko.</p>
<p><strong>Stéphane Maurymoothoo.</strong><br />
Et pour Stéphane Maurymoothoo, cette somme est négligeable. <em>«La vie est devenue chère. Tout a augmenté, les articles de base et même les produits que nous utilisons dans la construction.»</em></p>
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