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Simla Kistnen: «Depuis la mort de mon mari, le ministre Sawmynaden ne m’a ni rendu visite ni téléphoné»

6 décembre 2020, 12:00

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Simla Kistnen: «Depuis la mort de mon mari, le ministre Sawmynaden ne m’a ni rendu visite ni téléphoné»

Les circonstances entourant la mort de Soopramanien Kistnen, plus connu comme Kaya, sont si troublantes que le bureau du Directeur des poursuites publiques a décidé d’initier une enquête judiciaire, qui a débuté vendredi. Lors d’un entretien qu’elle nous a accordé jeudi, sa veuve Simla Kistnen revient sur les derniers instants de cet agent politique du Mouvement socialiste militant proche du ministre du Commerce Yogida Sawmynaden, et dont le corps a été retrouvé partiellement calciné dans un champ de cannes à Telfair, Moka, le 18 octobre.

Que s’est-il passé exactement entre le 16 et 18 octobre ? 
Kaya  est parti le vendredi 16 octobre vers 6 heures du matin nous disant qu’il allait travailler. Comme il n’était pas encore rentré à 22 heures, je l’ai appelé sur son portable – dont le numéro est le 5 750 5281 – que lui avait offert Yogida Sawmynaden. Le cellulaire était éteint. J’ai aussi appelé son deuxième portable portant le numéro 5 827 6858 qu’il utilisait peu et qui restait toujours dans son sac. Mais celui-là aussi était éteint. 

Bien que Kaya rentrait parfois tard, il n’éteignait jamais ses portables. J’étais inquiète mais je n’ai pas voulu alerter la police craignant de mettre Kaya dans l’embarras s’il ne lui était rien arrivé. 

Qu’avez-vous donc fait ? 
Je me suis mise au lit mais le lendemain matin, j’ai été surprise de ne pas le voir de retour. J’ai tout de suite appelé son ami et compagnon de travail, S., qui m’a dit que lui-même essayait en vain d’entrer en contact avec Kaya et qu’il l’avait vu la veille entre 10 heures et 12 h 30 le matin. 

Kaya lui a dit qu’il allait ensuite à Rose-Hill. J’ai aussi appelé son autre ami, V., qui m’a dit qu’il était bien en compagnie de Kaya le matin du vendredi entre 7 heures et 10 heures à St-Pierre pour manger un morceau. Et qu’ils se sont quittés à St-Pierre. Quant à R. qui est venu prendre Kaya le matin à 6 heures, il m’a dit qu’il avait juste déposé Kaya chez V. à 7 heures. 

Koomadha Sawmynaden (le frère du ministre du Commerce avec qui ce dernier a coupé les ponts depuis 15 ans) est aussi entré en contact avec vous ? 
Oui, ce samedi-là vers 20 heures. Il m’a dit qu’il ne pouvait entrer en communication avec Kaya. Mon mari devait lui remettre une somme d’argent qu’il lui devait. Il m’a dit que Kaya lui a fait part qu’il allait rencontrer un certain Ravi qu’il avait déjà rencontré la veille, c’est-à-dire jeudi, et qui conduisait un 4 X 4. Koomadha m’a aussi dit que Kaya a été vu dans les environs du siège de l’Independent Commission against Corruption ce vendredi-là

Ces rencontres et rendez-vous manqués ne vous ont pas paru suspects ? 
Un peu oui, mais j’ai quand même attendu dimanche avant d’aller à la police. Mais encore une fois, je me suis dit qu’il était préférable que j’attende jusqu’à lundi. 

Que s’est-il passé entre-temps ? 
Le dimanche soir, N., le frère de S., m’a appelée pour me demander si Kaya portait une certaine bague. Et que l’on a retrouvé un corps dans le champ de cannes près de chez lui à Telfair. Je me suis immédiatement rendue chez N. et S. et arrivé là-bas, la police de Moka m’a appelée pour me dire de venir au poste. Et c’est là-bas qu’une policière m’a confirmé que l’on a retrouvé un corps partiellement brûlé à Telfair et qu’il faudrait l’identifier. C’est ce qu’a fait mon neveu. 

Au départ, la police a affirmé qu’il n’y avait pas de "foul play" pour ensuite dire qu’il s’agirait d’un suicide. En êtes-vous convaincue ? 
Je n’y ai pas porté attention sur le coup car j’étais sous le choc de la perte de mon mari. 

Est-ce aussi pour cette raison que vous avez choisi d’incinérer le corps ? 
À la morgue, quand le policier m’a demandé, tout naturellement, «ki pou fer ek lekor la? Pou brile ou pou entere?», j’ai répondu machinalement sans réfléchir que l’on procédera à l’incinération selon le vœu exprimé par Kaya de son vivant. Personne, ni la police ni les médecins, ne m’ont expliqué que l’on pouvait ou devait conserver le corps à la morgue ou l’enterrer. 

Kaya était-il amer de la façon dont il était traité par le ministre ? 
Oui, dernièrement il m’a souvent dit que «zot finn tro servi mwa, mo pa pe kapav. Mo pou al dire tou seki mo kone». 

Parlez-nous de cet emploi comme "Constituency Clerk" du ministre Sawmynaden ou encore de celui à la MBC. 
Kaya avait pris ma carte d’identité et en a fait une copie en me disant qu’il la remettrait à Yogida Sawmynaden pour que j’obtienne un emploi à la MBC. Cependant, je n’ai jamais eu d’emploi ni à la MBC, ni ailleurs. 

Pendant le confinement, quand j’ai voulu bénéficier du Self-Employed Assistance Scheme, j’ai appris que j’étais déjà employée comme Constituency Clerk de Yogida Sawmynaden. Pourtant, je n’ai jamais touché un seul sou. 

Vous avez dit que depuis la mort de votre mari, Yogida Sawmynaden ne vous a jamais contactée. Quel est votre sentiment à ce propos ? 
C’est tout simplement étrange. Il ne m’a ni rendu visite, ni passé un simple coup de fil, alors qu’il appelait Kaya presque tous les jours. Il faut savoir que Kaya n’était pas seulement son agent politique mais aussi son ami de longue date remontant à l’époque où Yogida Sawmynaden était lui aussi «contracteur» comme mon défunt mari. 

Vous pensez toujours qu’il a été assassiné ? 
Oui, je pense qu’il a été assassiné et j’espère que la vérité éclatera grâce à l’enquête judiciaire.