Qu’est-ce qu’un intellectuel ? Une grande gueule ? Quelqu’un qui élève sa voix grâce au «statut» qu’il détient, que la société lui donne, et qui peut se permettre ce que d’autres ne peuvent pas, ou n’osent pas, à savoir défendre des positions au niveau social, politique, économique, scientifique ? On a l’habitude de dire et de lire que l’intellectuel est une spécialité francofrançaise, ce qui n’est pas faux. Nombreux ont été les écrivains, philosophes ou différents universitaires à prendre la parole, et surtout devenir une sorte «d’Académicien » de la prise de parole, grâce au statut social qu’on leur a conféré. Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Albert Camus, Michel Foucault, Pierre Bourdieu et beaucoup d’autres défendaient des positions politiques qui venaient de ce que l’on appelle «la gauche» (extrême ou moins extrême gauche, si l’on peut dire). Mais il y a eu des «intellectuels» qui ne défendaient pas cette posture politique, comme Raymond Aron ou Jean-François Revel, pour ne citer qu’eux. L’intellectuel a donc une sorte de rôle dans la société, et souvent ses prises de parole touchent un peu tout. Aujourd’hui, ce qui a un peu pris le relais, c’est l’intellectuel médiatique (Onfray, Luc Ferry, Comte-Sponville, etc.), qui deviennent des sortes de caricatures d’euxmêmes, sans doute dû au jeu médiatique très souvent réducteur qu’ils jouent (et parfois, surjouent).

Mais il est en partie faux de dire que l’intellectuel reste une spécificité francofrançaise, car les positions prises par Albert Einstein durant les dernières années de sa vie pour une société pacifiste ; celles de Rabindranath Tagore ou de Satyajit Ray en Inde, pour ne citer qu’eux ; l’historien britannique Eric Hobsbawm, mort il y a huit ans ; le linguiste américain Noam Chomsky, toujours vivant : tout cela nous amène à dire que les intellectuels existent dans beaucoup de pays. Ces exemples, qui cachent une assez grande forêt, où toutes formes de prise de position existent dans de très nombreuses sociétés par des universitaires, écrivains, scientifiques, philosophes, cela nous montre que la vie intellectuelle (au sens de prise de position) est très riche dans le monde et n’a pas du tout disparu. S’il est un exemple récent dans notre pays de prise de position de la part d’un écrivain qui montre une certaine vitalité du travail et du rôle d’un intellectuel, c’est bien la lettre écrite par Carl de Souza. Et il y a beaucoup d’autres intellectuels à Maurice, des connus et des moins connus, qui prennent, à leur manière, position autour d’une question ou d’un débat, concernant une décision politique ou un problème de société. Beaucoup d’intellectuels, donc, n’en déplaisent à pas mal d’hommes politiques qui les taxent de semi ou faux intellectuels.