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L’UE veut mettre fin au «chaos» des services numériques

15 décembre 2020, 21:57

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L’UE veut mettre fin au «chaos» des services numériques

 

Une liste d’obligations et d’interdictions assortie de sanctions dissuasives en cas de non respect: l’UE a présenté mardi son plan pour tenter de mettre fin aux dérives des géants du numérique accusés d’abuser de leur pouvoir.

La nouvelle législation va «remettre de l’ordre dans le chaos», a affirmé mardi la vice-présidente de la Commission en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager.

Le projet représente un changement complet de philosophie. Après des années à courir en vain après les infractions de Google, Facebook ou Amazon dans les procédures interminables du droit européen de la concurrence, Bruxelles veut agir en amont, avant que des infractions soient constatées.

«Tout le monde est bienvenu en Europe. Mais notre responsabilité est de décider des règles pour protéger ce qui est important pour nous», a déclaré le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, lors d’une conférence de presse commune avec Mme Vestager.

Télétravail et visioconférences, achats sur internet, cours en ligne... La pandémie de coronavirus a accru la place du numérique dans la vie quotidienne des Européens.

Mais ces services engendrent des dérives : discours de haine diffusés à grande échelle, manipulation de l’information, mort du petit commerce, limitation de la concurrence...

L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises.

Premier volet: le Règlement sur les services numériques («Digital Services Act», DSA) doit responsabiliser l’ensemble des intermédiaires, mais davantage encore les plus grandes plateformes qui devront disposer des moyens pour modérer les contenus qu’elles accueillent et coopérer avec les autorités.

Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d’aujourd’hui n’étaient encore que de jeunes pousses ou n’existaient pas.

Deuxième volet: le Règlement sur les marchés numériques («Digital Markets Act», DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit «systémiques», une dizaine d’entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq «Gafam» (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

D’après les critères fournis par l’exécutif européen, seront également ciblés le réseau social américain Snapchat, le groupe néerlandais Booking (réservation d’hôtels), les chinois Alibaba (vente à distance) et Bytedance (maison mère du réseau social TikTok), ainsi que le coréen Samsung (téléphonie mobile).

Ces entreprises dépassent les seuils de nombre d’utilisateurs, de chiffre d’affaires ou de valorisation boursière fixés par Bruxelles.

 Facebook tacle Apple 

Ils se verront imposer des règles portant sur la transparence de leurs algorithmes et l’utilisation des données privées, au coeur de leur modèle économique. Ils devront notifier à la Commission tout projet d’acquisition de firme en Europe.

Ces champions sont parfois accusés d’imposer leur loi aux concurrents quand ils ne les ont pas tout bonnement anéantis.

Ils devront «changer significativement leur façon de procéder», a affirmé M. Breton, estimant que l’espace numérique doit profiter à toutes les entreprises, même les plus petites.

A ces règles sont accolées des sanctions. Elles iront jusqu’à 10% du chiffre d’affaires pour de graves infractions à la concurrence, et dans les cas extrêmes, pourront déboucher sur un démantèlement : l’obligation de céder des activités en Europe.

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6% du chiffre d’affaires. Une interdiction de poursuivre son activité en Europe pourra être imposée «en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens».

Ce projet sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les Etats membres. Il intervient alors qu’aux Etats-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d’avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

«Nous pensons que le Digital Services Act et le Digital Markets Act sont sur la bonne voie pour aider à préserver ce qui est bon sur Internet», a réagi un porte-parole de Facebook à Bruxelles, tout en taclant Apple, en affirmant que ce fabricant d’ordinateurs et téléphones portables «utilise (son) pouvoir pour nuire aux développeurs et aux consommateurs, ainsi qu’aux grandes plateformes comme Facebook».

Google s’est déclaré «inquiet» d’une législation qui viserait «une poignée d’entreprises» et rendrait «plus difficile le développement de nouveaux produits afin de soutenir les PME en Europe», dans un communiqué.

La Computer and Communications Industry Association (CCIA) qui représente de nombreuses grandes entreprises du secteur s’est montrée plus mesurée. «Nous espérons que la législation finale ciblera les comportements problématiques plutôt que la taille des entreprises», a-t-elle déclaré dans un communiqué.

«C’est une avancée audacieuse et courageuse», s’est réjouie auprès de l’AFP Sarah Andrew, directrice juridique à Avaaz, mouvement citoyen de lutte contre la désinformation, estimant que la législation devrait remédier «à un déséquilibre des pouvoirs (...) en nous redonnant la véritable liberté d’information que l’internet promettait à une époque».

L’Alliance contre la contrefaçon, un groupement de grandes marques, a quant à elle estimé que la proposition «n’était pas à la hauteur pour protéger réellement les consommateurs» et défendre la propriété intellectuelle.