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Covid-19: naviguer à vue face aux incertitudes de 2021
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Covid-19: naviguer à vue face aux incertitudes de 2021
Invitée surprise de cette année, la pandémie a grandement changé la donne économique. Si certains événements sont liés directement aux conséquences du Covid-19, comme la fermeture des frontières et la création de la Mauritius Investment Corporation, d’autres, à l’instar de la CSG et du «Wakashio», y sont étrangers. Il ne faudra pas pour autant s’attendre à des lendemains meilleurs en 2021.
Incontestablement, l’éclatement du Covid-19 aura marqué 2020 avec des conséquences économiques et sanitaires qui vont perdurer au-delà de l’année prochaine. Sans aucun doute, personne allant de l’épidémiologiste à l’économiste en passant par le sociologue n’a encore cerné exactement les dégâts physiques, psychiques ou encore moraux de ce virus sur la population à l’échelle planétaire. À Maurice, la pandémie a entraîné l’écroulement de l’économie, causant une contraction du PIB de plus de 14 % après 40 ans. C’est visiblement le fait économique marquant de 2020. Tous les experts s’accordent à dire, à commencer par les institutions comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), qu’il faudra attendre 2022 pour que le pays retrouve le niveau de croissance pré-Covid. D’ailleurs, malgré l’optimisme du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, tablant sur une croissance de 9 % l’année prochaine, il doit savoir, plus que d’autres, que ce taux est le résultat d’un rebond technique d’une croissance négative de 14 % en 2020.
Comme il doit aussi se rendre à l’évidence que son gouvernement traînera un déficit budgétaire de 11,4 % à l’issue de l’année fiscale de 2021. Et ce après le désaveu du FMI de considérer la manne financière de Rs 60 milliards de la Banque de Maurice comme un revenu de l’État pour équilibrer son premier exercice budgétaire en tant que Grand argentier.
Entre-temps, le deuxième gouvernement de Pravind Jugnauth a dû introduire le Wage Assistance Scheme et demandé à la Banque de Maurice de repousser jusqu’au juin 2021 le moratoire accordé aux banques commerciales pour permettre aux entreprises et aux individus de rembourser leurs prêts. Une démarche visant à empêcher que le pays s’enlise dans une crise sociale avec à la clé des licenciements massifs au début de l’année prochaine suivant des dépôts des bilans de plusieurs sociétés. Le ministre Padayachy qui avait prévu déjà en avril dernier un chiffre de 100 000 chômeurs en 2020 a ré visé à la baisse son chiffre à 50 000 pour l’année 2019-2020, soit 8,3 % de la population active. Mais les spécialistes croient dur comme fer qu’il fait sciemment du damage control pour une psychose nationale.
Dans la foulée, la Banque de Maurice a déjà incorporé une filiale, la Mauritius Investment Corporation (MIC) avec un fonds de Rs 80 milliards en dollars, puisé de ses réserves internationales, pour financer les entreprises systémiques opérant principalement dans le tourisme, le textile et la construction. Une décision décriée par les experts quant à l’opacité entourant ses transactions ainsi que les conditions assorties particulièrement avan tageuses aux bénéficiaires, notamment le long délai de remboursement, près de neuf ans, et les risques qu’ils soient éventuellement insolvables. À ce jour, deux groupes hôteliers, Lux Resorts et Sun Resorts, y ont bénéficié de fonds et un troisième, NMH Ltd est sur la liste.
La fragilité financière du secteur hôtelier s’explique par la fermeture des frontières du pays depuis le 19 mars, résultant de l’interdiction aux touristes de fouler le sol mauricien. Ce qui du coup a mis à genoux le secteur hôtelier, condamné à faire appel aux financements de l’État. Après une ouverture partielle le 1er octobre, les pressions des hôteliers, que les autorités ont qualifiées de lobby, sont particulièrement intenses et poussent vers une ouverture totale. Une exigence à laquelle le Premier ministre, Pravind Jugnauth, s’est opposé jusqu’ici en brandissant la menace sanitaire. Cependant, même si la pandémie a fait réduire comme une peau de chagrin l’ambition de cette industrie, celle-ci était déjà sous perfusion bien avant la crise avec une contraction des arrivées touristiques de 1,1 % en 2019. Du reste, les professionnels s’attendent à retrouver les recettes d’avant crise pas avant 2023.
D’autres problématiques
Certes, l’année 2020 aura été marquée par d’autres événements qui ne découlent pas directement de la crise économique. À l’instar de l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne ainsi que l’échouement du Wakashio à Pointe-d’Esny le 26 juillet et sa gestion hasardeuse par le gouvernement face à la marée noire qui a visiblement fait tache d’huile dans l’économie bleue et impacté, qu’on le veuille ou non, l’industrie touristique. Même si une récente étude de Synthèse-Indian Ocean Research et Date Analytics Centre réalisée du 1er au 23 septembre derniers a indiqué que 74 % des individus estiment que le naufrage du Wakashio n’aura aucun impact sur la volonté des touristes à venir à Maurice.
C’est le cas aussi de la mise en administration volontaire de la compagnie nationale aérienne le 22 avril dernier. «The writing was on the wall», se disaient à l’époque les spécialistes financiers et ceux de l’aviation, nullement choqués, après, par la tournure des événements. Bien que l’effet économique de la pandémie, avec les restrictions imposées aux voyages, ait certes contribué à fragiliser la situation financière d’Air Mauritius, c’est davantage la mauvaise gestion financière couplée à un endettement massif qui a contribué à son krach après 52 ans de présence dans nos ciels. Air Mauritius, qu’on disait en survival mode depuis un certain temps, était visiblement dans le rouge. Avec le watershed meeting, qui réunira tous les créanciers, en juin 2021, MK se retrouvera en situation d’inactivité pendant au moins 14 mois.
On relèvera, selon le tandem Sattar Hajee Abdoula–Arvind Gokhool, que la mise en place de différentes mesures a permis à MK d’économiser plus de Rs 2 milliards de frais fixes pour la période allant du 22 avril au 30 octobre 2020. Parallèlement, en vue de la réunion de la dernière chance, les diverses discussions et négociations étaient déjà entamées avec ses principaux partenaires, à savoir les compagnies de leasing, les institutions financières, les actionnaires et les représentants syndicaux, et le plan de redressement était fin prêt à être présenté en décembre. Il faudra attendre six mois encore pour décider du sort de MK. Entre-temps, de nouvelles conditions de travail ont été imposées aux différentes catégories d’employés.
Cerise sur le gâteau, c’est la Contribution sociale généralisée (CSG) qui empoisonne les relations gouvernement/ secteur privé. Face à l’intransigeance du ministre des Finances d’assouplir ce nouveau régime, Business Mauritius a dû faire appel à la Cour suprême qui a tranché dans un ordre intérimaire en coupant la poire en deux. Les actuaires comme les employeurs sont convaincus que la CSG n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle charge sociale imposée aux entreprises pour récolter une partie de fonds visant à financer sa promesse électorale de 2020 pour porter la pension de retraite à Rs 13 500 à ceux atteignant 65 ans en 2023.
Après une année de Pravind Jugnauth bis, des questions les unes plus pertinentes que les autres se posent sur sa gouvernance alors même qu’une partie non négligeable de la population s’interroge sur la capacité de son équipe à bien gérer la crise et les nombreux défis auxquels elle est appelée à faire face. Sans compter la confiance dont le gouvernement issu du 7 novembre 2019 jouit toujours.
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