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Comment Simla Kistnen peut gagner ou perdre sa «Private Prosecution»
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Comment Simla Kistnen peut gagner ou perdre sa «Private Prosecution»
«Enn swadizan anplwa fiktif,» a commenté aujourd’hui Yogida Sawmynaden au sujet de ce volet du scandale le concernant. Le ministre a donc bien l’intention de se défendre en cour le 29 décembre quand la Private Prosecution logée par Simla Kistnen sera appelée.
Yogida Sawmynaden sera ainsi le 3e ministre cette année à se retrouver dans le box des accusés dans une «private prosecution». Si Sudheer Maudhoo et Kavy Ramano ont traversé l’orage dans l’affaire «Wakashio», du moins pour le moment, grâce à la «discontinuation» prononcée par le DPP, pour l’actuel ministre du Commerce, c’est maintenant que tout commence. Voici les tenants et les aboutissants de cette affaire qui nous garantit une fin d’année pleine de suspense.
Le contexte: des faits simples
L’affaire n’est absolument pas liée au meurtre soupçonné de Soopramanien Kistnen et l’enquête judiciaire en cours sur ce décès. Les faits, contrairement à ceux de l’enquête judiciaire, sont simples. Dans le registre de la Mauritius Revenue Authority et celui du fonds national de pension, Simla Kistnen était la Constituency Clerk de Yogida Sawmynaden depuis janvier 2020. Or, dans son affidavit déposé hier, la veuve de Soopramanien Kistnen jure qu’elle n’a jamais travaillé pour le ministre et qu’elle n’a jamais été payée ; alors que Yogida Sawmynaden percevait, de son côté, Rs 15 000 ajoutées à son salaire ; somme qu’il était supposé remettre à Simla Kistnen.
L’acte d’accusation : un contre-pied
L’acte d’accusation choisi et l’affidavit en annexe démontrent clairement la stratégie des avocats de Simla Kistnen. Ils n’accusent pas Yogida Sawmynaden de «vol» ou de «détournement de fonds publics» et ils dissocient leur private prosecution de l’enquête de l’ICAC. En fait, ils prennent à contre-pied toute analyse qui avait été faite jusqu’ici sur le sujet. Simla Kistnen poursuit Yogida Sawmynaden pour abus de pouvoir par un officier public. Ce délit est régi par l’article 77 du Code pénal qui stipule : «Lorsqu’un fonctionnaire public, un agent, ou un préposé du gouvernement, aura ordonné ou fait quelque acte arbitraire et attentatoire, soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou de plusieurs individus, soit à la Constitution de Maurice, et qu’il n’aura pas justifié qu’il a agi par ordre de son supérieur, pour des objets du ressort de celui-ci, il sera condamné.»
En somme, Simla Kistnen affirme que, puisque Yogida Sawmynaden a prétendu qu’elle travaillait comme sa Constituency Clerk, elle n’a pu avoir droit aux Rs 5 100 du Self-Employed Assistance Scheme. Ce soutien financier de l’État réservé à ceux qui n’ont pas de revenus garantis, c’est ce qu’elle appelle ses «droits civiques» qu’elle n’a pas pu exercer, vu que Yogida Sawmynaden a abusé de sa position en la faisant passer pour son Constituency Clerk.
En choisissant cet acte d’accusation, Simla Kistnen et ses avocats mettent aussi toutes les chances de leur côté pour éviter que l’affaire ne s’écroule par absence de locus standi. Ce principe légal se traduit par la question : «En quoi le délit allégué vous porte-t-il préjudice ?» Simla Kistnen a ainsi déjà répondu. Une infraction à l’article 77 du Code pénal entraîne une peine d’emprisonnement d’un an maximum et une amende de Rs 3 000.
La défense de Sawmynaden : «innocent until proven guilty».
Au vu de l’affidavit de son accusatrice, le ministre du Commerce doit absolument prouver qu’il procédait bien au paiement de Simla Kistnen et qu’elle exerçait bien comme son Constituency Clerk. Mais, en droit, tout peut se jouer dans les détails de la formulation de la loi. Ainsi, l’autre stratégie que peut privilégier Sawmynaden, c’est de reconnaître qu’il n’a ni recruté, ni payé Simla Kistnen mais que ce n’est pas cette action qui l’a empêchée de toucher le Self-Employed Assistance Scheme. Ses avocats peuvent aussi tenter de dissocier cette aide financière du principe de «droit civique», tel que décrit l’article 77 du Code pénal.
En revanche, Yogida Sawmynaden ne pourra pas arguer qu’il n’est pas un «agent du gouvernement». Dans l’affaire des propos racistes de Showkutally Soodhun, le magistrat a déjà statué sur cette question que posait la défense : un ministre est bien un agent du gouvernement. Enfin, malgré tout ce que vous auriez pu lire sur cette affaire, malgré toutes les preuves qu’apporterait Simla Kistnen, tout accusé est innocent jusqu’à ce qu’il soit jugé coupable et aucun procès n’est joué d’avance.
La posture du DPP
Comme dans la private prosecution de Bruneau Laurette contre les ministres Maudhoo et Ramano, le DPP – après que Yogida Sawmynaden aura plaidé non coupable – devra signifier sa position. Il peut, à partir du 29 décembre, demander quelques jours pour étudier les preuves et réclamer un renvoi. À partir de là, il lui faudra choisir entre trois options : (i) prendre le relais des poursuites dans cette affaire ; (ii) laisser le soin aux avocats de poursuivre leur private prosecution ; ou (iii) prononcer un arrêt des procédures. S’il opte pour le scénario (iii), le DPP devra tout de même expliquer pourquoi il met un terme au procès. La jurisprudence (l’affaire Mohit v Bérenger) dit que, si le DPP décide de ne pas poursuivre un individu, il peut être sommé de s’expliquer.
Les enquêtes parallèles
Le délit stipulé dans l’acte d’accusation n’est ni régi par la PoCA ni par la FIAMLA(NdlR, lois liées à la corruption et le blanchiment d’argent). La position de l’ICAC dans la tournure actuelle de la private prosecution ne sera donc pas sollicitée. L’ICAC peut aussi poursuivre son enquête selon les délits de la PoCA sans que Yogida Sawmynaden ne soit victime d’un dédoublement des accusations (duplication of charges). Ce principe légal vise à empêcher qu’un individu ne soit jugé deux fois pour le même délit. Mais puisque l’abus de pouvoir pour lequel Simla Kistnen incrimine Yogida Sawmynaden n’a rien à voir avec la PoCA, rien n’empêche qu’éventuellement l’ICAC traîne elle aussi le ministre en justice.
Quant à l’enquête judiciaire en cours au tribunal de Moka, elle ne se retrouve absolument pas lésée (prejudiced) par la private prosecution. La magistrate de Moka doit, dans ce cas, simplement statuer s’il y a foul play ou pas dans la mort de Soopramanien Kistnen et elle n’est pas appelée à émettre un quelconque jugement sur l’affaire de l’emploi fictif allégué de Simla Kistnen.
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