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Shopping: Quand les achats alimentaires dopent la consommation de fin d’année
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Shopping: Quand les achats alimentaires dopent la consommation de fin d’année
Il fallait s’y attendre. Il n’y aura pas de frénésie de consommation en cette fin d’année. C’est la prudence qui dicte désormais les comportements d’achat des ménages, craignant des lendemains difficiles et subissant déjà les effets économiques du Covid-19. Alors qu’un récent sondage de Kantar indique que plus de la moitié de la population envisage de dépenser moins pour leur shopping.
«Il est clair que les ménages font de plus en plus attention, on peut parler d’achat responsable dans un contexte très particulier. La baisse des revenus pour nombre d’entre eux les oblige à revoir leur mode de consommation», explique Pierre-Yves Martin, directeur général de Somags, détenteur des enseignes Jumbo et Jumbo Express, qui passeront d’ailleurs sous Carrefour en juin 2021 suivant le changement d’actionnariat au sein de Vindémia, filiale de Casino dans l’océan Indien.
Il note que les Mauriciens adorent les sorties dans les centres commerciaux qui sont associées à des moments de détente et de loisirs. «C’est un fait qu’en fin d’année, ces sorties sont de plus en plus privilégiées à voir la fréquentation dans les centres commerciaux ces derniers jours. Les repas pris dans les food courts, plutôt que dans un restaurant, représentent une option économique pour les ménages.»
Si les shopping malls, les supermarchés ou encore les supérettes rivalisent d’imagination pour séduire les consommateurs à coups de promotions et d’offres allé-chantes – et ce, pour rattraper les périodes maigres de l’année marquée par une consommation en berne suivant le confinement du pays et l’arrêt momentané des activités économiques –, rien ne présage qu’au final les ventes vont exploser. Raison avancée par les spécialistes : la baisse des revenus et la prudence. D’ailleurs, si l’on s’en tient aux principales conclusions de l’étude réalisée par Kantar du 10 au 30 octobre sur un échantillon national de 500 personnes de plus de 18 ans, plus de 50% de la population ont un budget shopping de fin d’année de moins de Rs 5 000, hors alimentation et boissons. (voir hors-texte plus loin).
Ignace Lam, Chief Executive Officer (CEO) d’Intermart, opérant huit magasins à travers le pays et qui s’apprête à en ouvrir un neuvième à Beau-Plan l’année prochaine, note que le segment alimentaire, représentant plus de 70 % des ventes de fin d’année, n’a pas trop été affecté. Si ce n’est l’effet de la dépréciation de la roupie, près de 20 % depuis le confinement et la hausse du cours du fret, deux facteurs susceptibles de plomber le chiffre d’affaires des centres commerciaux.
«Les commerçants réalisent durant le mois de décembre entre 40 % et 80 % de leur chiffre d’affaires, voire le double. Et ce, comparé à la moyenne d’un mois normal», précise le propriétaire d’Intermart. Ajoutant que sur la base des premières tendances, il estime que son chiffre d’affaires durant cette période sera comparable à celui de l’année dernière. Le DG de Somags soutient dans la même foulée que cette année est atypique car il y a eu des pics de ventes liés au «panic buying» dans le sillage du confinement. Estimant que le chiffre d’affaires de décembre représentera +/- 15 % des ventes totales de l’année.
D’autres opérateurs dans la grande distribution trouvent qu’il est trop tôt pour anticiper la performance de ventes. Pascal Tsin, CEO d’Udis Ltée, holding familiale détenant l’enseigne Super U, remarque qu’il n’y a pas encore cette ruée des consommateurs vers les rayons des grandes surfaces pour le traditionnel shopping de fin d’année. «Comme les années précédentes, ils vont attendre la veille de Noël pour faire plaisir aux enfants et à leurs proches. Cette année, la conjoncture économique invite à la prudence», souligne le patron de la chaîne de magasins Super U, qui vient d’ouvrir un nouvel hypermarché à Cap Tamarin.
Certes, la concurrence est rude entre les différentes enseignes, même si, selon Ignace Lam, celle-ci a toujours existé car les types de produits proposés sont presque identiques partout. Pascal Tsin mise sur un ensemble de services allant de grands espaces de parking aux services d’accueil en passant par le confort d’achat et l’ambiance conviviale pour marquer sa différence. À Jumbo, Pierre-Yves Martin souligne que l’équipe commerciale a pour mission de poster les nouvelles offres sur les réseaux sociaux et autres supports de communication pour plus de visibilité.
Du côté de Winner’s, le Chief Operating Officer, Aldo Létimier, avance que pour se démarquer, l’enseigne mise sur sa proximité et propose des produits frais (voir Questions à… ci-dessous).
Mode de consommation
Au niveau d’Ascencia, propriétaire de sept centres commerciaux, nommément Bagatelle Mall, Phoenix Mall, Riche-Terre Mall, Bo’Valon Mall, So’flo, Kendra et Les Allées, Haidar Soogund, Asset Manager, constate que cette année, malgré un marché difficile lié aux incertitudes de la crise sanitaire, les centres commerciaux ont su faire preuve de résilience notamment grâce à leurs initiatives de Safe-Shopping et au plan d’accompagnement proposé à leurs locataires. Résultat: le taux de consommation a enregistré une baisse de seulement 4 % pour la période de juillet à septembre 2020 comparativement à la même période en 2019; alors qu’une baisse de plus de 30% est attendue sur le taux de consommation au niveau national pour le troisième trimestre de l’année.
«C’est une très bonne performance de nos centres, compte tenu du contexte global dans lequel nous évoluons. Nous avons constaté un changement dans le mode de consommation de nos visiteurs qui privilégient des produits de première nécessité. Ainsi, les supermarchés et les magasins proposant des produits de sport, de la santé, de la beauté et des appareils ménagers se distinguent. Nous avons par ailleurs enregistré une performance notable dans la catégorie Fashion avec des marques locales et internationales qui sont achetées par nos consommateurs», fait ressortir Haidar Soogund. Estimant, en outre, qu’Ascencia a constaté une frénésie d’achat parmi ses visiteurs lors du Black Friday, quand plus de 100 000 personnes ont été accueillies. «Nous sommes convaincus que cette tendance se maintiendra en cette fin d’année, qui permettra de renforcer le chiffre d’affaires de nos locataires et la bonne performance de nos centres.» Certes, qui dit consommation de fin d’année dit également circulation d’argent dans le public. Celle de décembre est estimée à Rs 40 milliards par les économistes de la Banque de Maurice. Pour le mois de décembre, il faut additionner entre Rs 2 milliards et Rs 3 milliards, avec notamment le boni de fin d’année. Sauf que cette année, avec la crise économique, les économistes se demandent si les dépenses liées à la consommation mobiliseront une telle masse monétaire.
Et quid du Wages Assistance Scheme du gouvernement pour doper le pouvoir d’achat des travailleurs et les inciter à consommer ? Le patron de Somags et celui d’Intermart sont convaincus que ce plan va certainement alléger le fardeau des ménages et leur permettre d’assurer l’essentiel de leurs besoins de consommation. Une démarche certes positive en cette période de contraction économique où le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, tente actuellement de relancer la croissance par le biais de la consommation. «Notre PIB (estimé à Rs 436,5 milliards en 2020-21) est tiré à 75 % par la consommation. Ce qui n’est pas sain économiquement car une crise affectant le pouvoir d’achat des consommateurs, comme celle que nous connaissons actuellement, serait néfaste pour l’équilibre économique du pays. Il faut viser un PIB à base élargie, dopé par les exportations, les investissements et la consommation. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», analyse l’économiste Rajeev Hasnah. Toujours est-il que les commerçants, les opérateurs des grandes surfaces et les propriétaires des centres commerciaux multiplieront leurs offensives dans les jours à venir malgré la posture prudente d’une frange importante de la population. Car à la clé, il y a un chiffre d’affaires de plus de Rs 29 milliards en jeu pour la grande distribution… Qui dit mieux ?
Étude Kantar : 58% des mauriciens envisagent de moins dépenser
<p>L’étude de Kantar note que la baisse ou la prudence des consommateurs mauriciens quant aux dépenses pour le shopping de fin d’année sera de mise. Toutefois, cette prudence <em>«ne touchera pas tout le monde de la même façon, mais en priorité les ménages les moins aisés»</em>. Il va sans dire que selon les résultats de cette enquête, la solidarité de Noël aura un sens particulier cette année. On relèvera aussi que parmi les Mauriciens appartenant aux catégories socio-économiques plus basses, qui représentent environ 50% des ménages mauriciens, 64% des sondés déclarent qu’ils dépenseront moins. En revanche, les jeunes de moins de 25 ans sont moins nombreux à envisager cette baisse de dépenses pour le shopping de fin d’année.</p>
Aldo Létimier: «Nous ne pouvons certainement pas parler de frénésie de consommation à ce jour»
À l’approche des fêtes de fin d’année, il y a traditionnellement une compétition féroce, certains diront une guerre même, entre les centres commerciaux pour doper les ventes. Vu la conjoncture économique actuelle, avec les conséquences économiques du Covid-19, estimez-vous qu’il y a toujours cette frénésie chez les ménages pour consommer ?
Nous ne pouvons certainement pas parler de frénésie a proprement dit à ce jour. Cependant, quelques éléments sur le comportement montrent que le client est bien plus vigilant par rapport à ses dépenses car son pouvoir d’achat a été impacté ; que le facteur plaisir semble avoir été relégué au second plan ; qu’une baisse dans la consommation en général est notée ; et qu’enfin, il y a un changement de comportement chez le consommateur, notamment par une diminution dans le nombre de visites en magasin.
Cependant, il est aussi vrai que nous voyons un vrai besoin pour les Mauriciens de dépenser pour tout ce qui peut contribuer au bonheur de la famille en général et moins pour les besoins individuels ou considérés comme du superflu notamment sur la catégorie parfumerie, les produits de beauté, certains produits ménagers, etc.
Comment analysez-vous la situation actuellement ? Constatez-vous que les consommateurs adoptent aujourd’hui une posture prudence en cette période festive face aux craintes des lendemains difficiles ?
Comme mentionné plus haut, l’impact du Covid-19 semble avoir rappelé l’importance des moments en famille et du partage. Cependant, la prudence est de mise en raison de la crainte d’une perte d’emploi pour beaucoup de gens dans divers secteurs de l’économie.
Comment attirer les clients fidèles à une enseigne tout en sachant qu’ils ont un budget serré ?
Winner’s est une enseigne 100 % mauricienne, très connue pour sa proximité, son Customer Service et ses offres dans la catégorie du frais (le poulet à la coupe, la boulangerie, les fruits et légumes frais).
À ce jour et encore plus post-Covid-19, nous nous assurons d’offrir à notre fidèle clientèle des prix très concurrentiels pour qu’ils puissent continuer à subvenir à leurs besoins. Nous venons de clôturer notre Bel Bel Loterie où nous avons offert plus de 16 prix et notamment 12 mois de courses pour le premier gagnant car nous comprenons les épreuves de nos clients ainsi que leurs priorités. Nous comptons capitaliser sur le principe «Winner’s gives back» pour apporter du bonheur et récompenser la fidélité de notre clientèle. Winner’s offre également à ses clients un excellent programme de fidélité avec la carte wiiv : un point est égal à une roupie !
Il est aussi important de noter que malgré la situation, Winner’s a investi dans la rénovation complète du magasin de Rivière-du-Rempart et compte répliquer ce modèle sur d’autres magasins dans les mois à venir. Nous croyons fortement dans le rehaussement de l’expérience client en magasin.
Généralement, les commerçants réalisent un tiers de leur chiffre d’affaires avec les ventes de fin d’année. Pensez-vous pouvoir réaliser cet objectif ? Comment analysez-vous votre performance commerciale au vu des tendances actuelles ?
Le chiffre d’un tiers est malheureusement très loin du compte. Le marché du détail à son origine est extrêmement compétitif avec des marges très fines. Aujourd’hui il faut compter une majoration d’approximativement 40% sur un mois normal pendant la période des fêtes. Même si les clients sont plus prudents en ce début de période festive, nous nous attendons à une augmentation conséquente dans les jours à venir.
Estimez-vous que la décision gouvernementale d’étendre le Wages Assistance Scheme aura une incidence sur le pouvoir d’achat des consommateurs ?
Même si cela donne un sas de respiration à ceux que ce programme soutient, le plus grand challenge va rester de pouvoir reloger ceux qui ont ou auront perdu leurs emplois. Ce qui est sûr, c’est que tous les acteurs de l’économie souhaitent ardemment une relance économique pour le bien de tous.
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