Publicité
Affaire Kistnen: Impressions de séance
Par
Partager cet article
Affaire Kistnen: Impressions de séance
Les micros et les hauts parleurs de la salle du tribunal sont comme les caméras de la Safe City : ils ont coûté cher, mais ils ne marchent pas. Un policier me dit : « Ine metté ziss pou fer zoli sa ». La foule qui se presse à l’intérieur a beau tendre l’oreille elle n’entend rien. Elle assiste aux débats comme on assiste à une séance de film muet. Elle se contente de regarder la nuque, le dos du ministre Yogida Sawmynaden qui, pour la circonstance avait mis un beau costume gris. Assis au premier rang, il ne s’est pas retourné une seule fois pour croiser le regard du public ou celui de la veuve de Soopramanien Kistnen, ne serait-ce que furtivement, assise juste derrière lui. Elle serre son petit mouchoir et regarde l’air un peu perdu la valse des avocats, les manches qui virevoltent. Quelqu’une lui parle à l’oreille. Une amie sans doute. De temps en temps quand un semblant de silence se fait on entend la voix calme, mais déterminée, de la magistrate Bibi Zeenat Cassamally.
Coup de théâtre. L’avocat du ministre estime que son client ne doit pas se mettre dans le box des accusés. Il le veut « en dehors du boite » comme dirait l’autre. La magistrate se retire pour préparer son ruling. Dans la salle, les conversations vont bon train. Sur le dossier en plywood du siège devant moi, il y a un peu de tout. Des pensées gravées sans doute avec des clés de voiture. « All men are equal, but some are more equal than others ». Pas mal non plus : «La loi est barbare». Tiens cet autre : «Humain li fou pas mal» ; et ce dernier, sans doute un fan de Pink Floyd. Au feutre noir : «Shine on you crazy diamond».
J’observe la veuve de Soopramanien Kistnen. Elle a l’air de respirer lourdement. Un mari brulé vif dans un champ de cannes, comment fait-on pour vivre avec ça tous les jours, pour oublier une telle violence ? Mais ça, ce sont des chagrins silencieux, peut-être même muets. Les plus redoutables.
La magistrate Bibi Zeenat Cassamally a rendu son ruling. Le ministre devra impérativement être dans le box des accusés le 7 janvier prochain. Lui, tourne toujours le dos au public.
On imagine qu’il doit peut-être se dire : «Le plus dur reste à faire». Sortir dans la rue, regagner sa limousine. En temps normal, une partie de plaisir. Les VIPSU en courbettes, le chauffeur qui ouvre la portière et puis ce soupir de plaisir. Ah, se jeter sur le cuir de vachette du siège moelleux de sa Mercedes portant ses initiales : YS. Vous imaginez le bonheur ?
Mais ce midi, ce n’est pas tout à fait ça.
Un millier de citoyens visiblement en colère crie, vocifère, vitupère, éructe, lance des jurons avec appétit. Le ministre, entouré de plusieurs hommes de la sécurité, se retrouve à détaler comme un lapin à qui on aurait proposé une touffe de brèdes martin. Sur le bitume chaud, tandis que la Mercedes déchire le coaltar, la foule ne semble pas décidée à se disperser. Elle n’a pas fini de crier sa colère. Elle va rentrer à la maison avec. Et le volcan continuera de bouillonner.
Pendant ce temps, à un jet de pierre du tribunal, un ancien commissaire de police est arrêté et traité comme son voleur de letchis.
Ça m’a donné du baume au cœur. Pour le petit voleur de letchis qui devett p touffer ar rye.
Publicité
Les plus récents