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Sanjeev Teeluckdharry: «Pravind Jugnauth n’a aucune raison de croire que j’ai une dent contre lui»
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Sanjeev Teeluckdharry: «Pravind Jugnauth n’a aucune raison de croire que j’ai une dent contre lui»
Vous étiez sur tous les fronts en 2020. Quelle mouche vous a piqué ?
J’ai commencé l’année 2020 en travaillant le 1er janvier. J’avais présenté une motion de remise en liberté conditionnelle pour un client ce jour-là. Selon un dicton, quand vous travaillez un 1er janvier, vous travaillerez toute l’année. Je crois que c’est vrai. En effet, 2020 a été très chargée. Souvenez-vous, je suis monté au créneau pour ceux qui avaient été arrêtés durant le confinement pour breach of ICTA. À partir de là, tout est allé crescendo. Certaines personnes avaient été arrêtées avant le lever du jour sans qu’elles n’aient eu le temps de se changer. J’ai hérité d’une série de cas où «lapolis ti pé fer dominer ar ti dimounn» pendant le confinement. Il a fallu discuter avec le chef juge d’alors (NdlR, Eddy Balancy) pour contourner la fermeture de la Bail and Remand Court.
(On l’interrompt). Par la suite il y a eu Laurette, puis Kistnen. Sur Facebook, des internautes font ressortir que vous faisiez aussi partie du MSM et que vous avez été épinglé par la commission d’enquête sur la drogue. Comment vit-on avec ça ?
Écoutez, quand on est au pouvoir, on est aimé ou détesté. C’est aussi le cas quand on n’y est pas. Quand j’ai quitté la politique, je l’ai fait de manière définitive et je ne réponds à aucun leader politique. Je ne suis redevable envers ou answerable à personne. Je suis retourné à mon métier d’avocat. Et sur le rapport Lam Shang Leen, on me reproche d’avoir rencontré mes clients. Mais c’est tout à fait normal puisque nous discutions de remise de peine suivant le jugement Dookee vs State. Attendons la décision sur ma judicial review et nous en débattrons.
La politique fut-elle une bonne expérience ou nourrissez-vous des regrets ?
Bonne ou mauvaise, ce fut une expérience tout court. Aujourd’hui, je sais comment fonctionne un gouvernement, l’Assemblée nationale…
Vous avez aussi appris et compris le fonctionnement du MSM ?
Oui. J’ai appris comment fonctionne mon ex-parti politique, comment on s’organise pour les élections, etc.
Quand vous êtes épinglés par la commission d’enquête Lam Shang Leen en 2018, vous démissionnez comme «Deputy Speaker», vous restez comme «backbencher». Au final, votre nom ne figure pas sur la liste des candidats en 2019. Sur quelle note avez-vous pris vos distances du MSM ?
Honnêtement, je ne voulais pas seulement démissionner comme Deputy Speaker. Je voulais démissionner de l’Assemblée nationale et tout simplement tourner la page. Mais mes mandants n’ont pas voulu que je le fasse. Ils m’ont rappelé que mon engagement était quinquennal. Et je suis resté.
Comment étaient vos relations avec Pravind Jugnauth ?
Les relations furent toujours très cordiales que ce soit avec SAJ ou avec Pravind Jugnauth. Le jour où je m’apprêtais à démissionner comme Deputy Speaker, je les ai rencontrés tous les deux au Prime Minister’s Office pendant de longues heures.
Je ne crois pas que Pravind Jugnauth voudra vous rencontrer pendant de longues heures aujourd’hui. Il ne doit pas vous tenir en estime…
Je ne suis pas amer, et je n’ai aucune rancune envers mes amis d’hier. Pas de haine.
Votre engagement aux côtés des Laurette et Kistnen et autres peut être perçu autrement, non ?
Non. Pravind Jugnauth n’a aucune raison de croire – et je ne crois pas que cela soit le cas – que j’ai une dent contre lui. Je ne recherche pas la vengeance. Je suis simplement retourné vers ce que je sais faire le mieux : le métier d’avocat.
(On l’interrompt) Mais mettez-vous à sa place. Quelqu’un qui lui était fidèle est en train de défendre ceux qui veulent sa peau…
Ça peut paraître contradictoire, je vous l’accorde. Mais cette question avait déjà été posée à l’époque où j’étais député. En 2016, j’étais backbencher. Qui était l’avocat d’Ish Sookun (NdlR, un employé de La Sentinelle), qui avait été accusé à tort d’être un terroriste ? C’était moi. Juste après, sir Anerood, alors Premier ministre, mes autres colistiers au no 5 et moi-même étions à table à l’hôtel Le Grand Bleu, à Trou-Aux-Biches, quand ils ont commencé à me reprocher le fait qu’Ish Sookun soit mon client, alors que j’étais un député du gouvernement. Je leur ai répondu que mon travail d’avocat n’est nullement lié à ma position de député. Je leur ai dit que j’ai prêté serment pour défendre mes clients to the best of my abilities même si ce client est dans une posture d’opposant au gouvernement, à un ministre, ou autre. Sir Anerood Jugnauth a immédiatement agréé. Le même débat est revenu sur le tapis quand les associations qui militent pour le bien-être des chiens errants m’avaient approché. J’avais entré une affaire contre le ministère de l’Agro-industrie et nous avions obtenu une injonction. Je livrais une bataille juridique contre Mahen Seeruttun, le ministre d’alors. À un moment, la situation était devenue très conflictuelle. On m’a même demandé d’enlever une question parlementaire sur le sujet.
Mais aujourd’hui, Pravind Jugnauth a toutes les raisons de croire que vous avez une dent contre lui, pas vrai ?
Non. Au contraire. J’ai rencontré son père récemment pour Divali à l’hôtel Maritim. SAJ et moi avons eu une conversation très cordiale. Ce que vous devez comprendre, c’est que je peux avoir une approche clinique envers mon métier d’avocat sans vouloir détruire qui que ce soit politiquement. Je suis un passionné du judiciaire. Je me sens bien quand je m’y mets à fond. S’il y a des dommages collatéraux, je ne suis pas responsable, et ce n’est pas mon objectif.
Prenons deux grosses précédentes affaires : Mujeeb Mir (NdlR, un homme d’affaires indien torturé et assassiné par des voleurs et Sanjeev Teeluckdharry obtient devant le Privy Council un allègement de peine pour un condamné) et l’affaire Michaela Harte (une touriste irlandaise est tuée dans un hôtel, la police mène une enquête bâclée, et Sanjeev Teeluckdharry obtient l’acquittement d’un accusé). There were no political gains in these cases. Still I was passionnate. Aujourd’hui, c’est la même chose dans les affaires Laurette et Kistnen.
Venons-en justement aux affaires Kistnen, puisqu’il y en a deux : l’enquête judiciaire et la «Private Prosecution». Vous êtes satisfaits de la tournure des événements ?
Notre objectif, c’est d’obtenir la vérité et la justice. Et je pense que oui, nous sommes en très bonne voie.
Mais si Kistnen a été tué, on ne sait pas qui l’a tué…
Oui, et il faudra être rigoureux pour le savoir. Voilà pourquoi nous avons demandé à la cour de demander à Mauritius Telecom de produire tous les relevés téléphoniques du défunt. Et croyez-moi, j’ai vu des dizaines de relevés durant ma carrière. Dans les affaires de drogue, on en voit tout le temps. Celui qui a été produit en cour dans l’affaire Kistnen est complètement ridicule. Et aujourd’hui, il n’y a plus aucune raison pour vous d’utiliser le conditionnel, ou le mot «si» dans votre question. Kistnen a bien été tué. Le chef du CCID vient de le dire publiquement. En même temps, cette déclaration me fait sourire car Jangi est wise after the event alors que sa même police avait conclu au suicide.
Que pensez-vous de la stratégie de Me Gulbul dans la «Private Prosecution» ? (NdlR, il a présenté et perdu une motion visant à éviter le box des accusés à son client Yogida Sawmynaden)
Je ne comprends pas mon confrère. Tous sont égaux devant la loi et c’est un principe incontesté et incontestable en droit. Ce même Yogida Sawmynaden avait écopé d’un «ou koné ki mwa» de Nandanee Soornack. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est lui qui est en train de dire à la cour «ou koné ki mwa». On se retrouve dans le box des accusés pour des affaires aussi bénignes qu’une contravention. Ce n’est pas une honte. Cela peut m’arriver à moi. Tous égaux devant la justice et devant la mort. Le décorum de la cour c’est que chacun y a sa place : les témoins, les accusés, les avocats, le juge ou le magistrat, le public.
Yogida Sawmynadena été hué, injurié par le public. Ça aussi c’est le décorum ?
Écoutez, tout le monde a suivi les travaux de l’enquête judiciaire et on a compris que la police allait essayer de nous faire avaler cette couleuvre qu’est le ‘suicide’ de Soopramanien Kistnen. On est un plein cœur d’un feuilleton politico-financier avec une tangente criminelle. Et je pense que c’est cette colère-là qui s’est exprimée.
Attendez, il n’y a rien qui lie Sawmynaden, accusé dans l’affaire de l’emploi fictif de Mme Kistnen, au décès de Kistnen…
Pour l’instant! Let’s see how the investigation unfolds…
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