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Anil Bachoo:«Je suis travailliste et je reste Labour»

16 janvier 2021, 20:48

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Anil Bachoo:«Je suis travailliste et je reste Labour»

Le retrait de la pétition électorale d’Anil Bachoo a ouvert la porte aux spéculations les plus folles. Certains racontent qu’il serait en conflit avec le leadership du Parti travailliste (PTr) et qu’il est sur le point de se joindre au MSM, dont il a fait partie dans le passé. Dans cette interview, il balaie d’un revers de main cette rumeur. Lui qui parle rarement a aussi profité de l’occasion pour commenter l’actualité affirmant par ailleurs qu’il est tout à fait favorable à une alliance PTr-MMM-PMSD.

Vous qui avez toujours refusé de parler à la presse, pourquoi le faire maintenant ?

Oui, ce n’est pas dans mes habitudes de parler aux journalistes sauf dans quelques rares cas encore moins d’accorder des interviews. Je suis toujours discret et quand je parle, je sais sur quoi tout en faisant attention avant de dire quoi que ce soit. J’ai décidé de vous parler à cœur ouvert maintenant. 

Sans doute parce que vous êtes un homme acculé aujourd’hui ?

C’est parce qu’il y a trop de mensonges qui sont racontés sur moi. Dès que j’ai pris la décision de retirer ma pétition électorale, voilà que des gens, dont des politiciens, racontent que je me prépare à faire le saut au MSM. De plus, les trois élus (NdlR : du n°9, à savoir Sudheer Maudhoo, Deepak Balgobin et Vikash Nuckcheddy) sont venus raconter des histoires sur moi, mettant même en doute ma sincérité pour la spiritualité.

 Dans un premier temps, vous avez dit que votre retrait fait partie d’une stratégie. Avez-vous abandonné cette lutte pour ne pas embarrasser les élus du n°9 et en même temps préparer votre départ du PTr ?

C’est en partie vrai. Merci de me donner l’occasion d’apporter des éclaircissements à ma démarche. Après que la Cour suprême a rejeté 19 des 34 points de ma pétition, j’avais l’intention de faire appel au Privy Council. Toutefois mes hommes de loi de même que d’autres avocats m’ont conseillé de ne pas aller de l’avant avec cette démarche, car cela prendra trop de temps. Avec ma pétition qui a été affaiblie et surtout que d’autres plus solides arrivent prochainement, j’ai préféré retirer ma plainte. Comme elle ne reposait que sur le recount avec un écart de plus de 2 000 voix entre le troisième élu et moi, il n’y avait pratiquement aucune chance que les résultats changent.

 Avez-vous informé le leader du PTr de votre démarche ?

Absolument. Tout comme je l’ai fait quand j’ai décidé d’entrer cette plainte, j’en ai fait de même dès que j’ai décidé de la retirer. Il était tout à fait d’accord.

 Donc vous confirmez que ce retrait n’a rien à faire avec une quelconque stratégie politique et que vous demeurez bien au sein du PTr ?

Oui. Je suis un travailliste et je demeure un labour. D’ailleurs, cet après-midi (NdlR : l’interview a été réalisée vendredi) j’assisterai au bureau politique du parti.

 Est-ce parce que dans le passé vous avez souvent changé de parti politique que des Mauriciens ont des doutes sur votre dernier «move» ?

Je suis d’accord que j’ai changé de bords politiques, allant jusqu’à créer un parti, le Mouvement travailliste démocrate. Mais la configuration politique change souvent et les alliances sont faites et défaites. Qui n’a pas été en alliance du moins pour ces quatre grands partis politiques ? C’est ainsi que sont faits les jeux politiques.

 Revenons à cette pétition. Les trois élus du n°9 soutiennent que vous êtes mauvais perdant et que même si vous saviez que vous avez bel et bien perdu cette élection, vous avez voulu rester en action avec cette pétition ?

C’est bien triste ce qu’ils racontent. Je ne veux pas descendre à leur niveau. Je vais reprendre un mot que l’un d’entre eux a récemment utilisé. Ils sont des insignifiants. Mais ce qui m’a blessé le plus c’est quand ils ont attaqué la sincérité de ma spiritualité. Je les laisse réfléchir à ce qu’ils ont dit, en particulier l’un d’entre eux.

Sans doute vous faites référence à Sudheer Maudhoo. Il a été votre conseiller quand vous étiez ministre et on dit même que vous êtes partenaires d’affaires. Comment cette bonne entente, cette grande amitié ont-elles volé en éclats aujourd’hui ?

Je sais que des agents du MSM répandent cette rumeur. Ce parti est au pouvoir et il a tous les moyens de vérifier des informations. En tout cas ce n’est pas vrai. Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, il était mon attaché de presse dans un premier temps et il a été ensuite à la Mauritius Shipping, une société tombant sous mon ministère. Oui nous étions de bons amis. Ensuite, il a décidé de se joindre au MSM et d’être candidat contre moi. Il est un homme libre et a cette liberté de faire son choix. Il est aujourd’hui ministre, tant mieux pour lui. Je préfère ne pas faire d’autres commentaires.

Politicien d’expérience que vous êtes, vous aviez cette ambition de devenir leader du PTr après un éventuel départ de Navin Ramgoolam. Est-ce toujours le cas?

Ecoutez, je suis un des anciens du PTr. Je me suis joint à ce parti en 1978 au temps où sir Seewoosagur Ramgoolam était le leader. J’ai eu l’occasion d’être le plus jeune secrétaire général du parti en 1985. C’est vrai que je suis resté loin de ce parti pendant de longues années et j’ai avancé les raisons plus haut. Je suis bien au sein de ce parti. Navin Ramgoolam a été nommé leader par l’exécutif du parti. Je le respecte comme leader et je n’ai pas cette ambition que vous évoquez.

Donc pour vous, il n’y a aucun problème à ce que Navin Ramgoolam demeure le leader du parti et se présente encore une fois comme candidat au poste de Premier ministre ?

Effectivement, cela ne me pose aucun problème.

Que pensez-vous d’une éventuelle alliance PTr-MMM –PMSD ?

Nous ne sommes pas encore en alliance. Il est question d’un regroupement. Les discussions vont bon train entre les leaders. Attendons voir ce qu’il ressortira de ces discussions.

Êtes-vous en faveur d’une telle alliance ? Oui. Vous savez pourquoi ?

C’est en raison de ce gouvernement «dominer», de cette bande d’incompétents au pouvoir. Ils pratiquent le népotisme et si vous n’êtes pas du même bord politique qu’eux, votre enfant n’aura pas de travail au sein de la fonction publique. La fraude et la corruption n’ont jamais atteint une telle proportion.

«Aucun problème à ce que Navin Ramgoolam se présente encore une fois comme candidat au poste de premier ministre.»
 

 Mais ne me dites pas que quand le PTr était au pouvoir, il n’y avait pas tout cela ?

Le MSM est au pouvoir depuis six ans. Il a tenté de mener des enquêtes et qu’est-ce qui en est ressorti jusqu’ici ? Je maintiens qu’il y a beaucoup d’incompétents au sein de ce gouvernement. La manière dont les contrats ont été alloués durant la pandémie en dit long sur la manière de fonctionner de ce gouvernement. Et cette affaire Kistnen…

 Nous reviendrons sur cette affaire plus tard. Vous avez eu l’occasion de travailler avec trois Premiers ministres, sir Anerood Jugnauth, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Avec lequel des trois étiez-vous le plus à l’aise ?

Navin Ramgoolam…

 Sans doute parce que vous êtes encore au PTr ?

Non peut-être parce que j’ai travaillé plus longtemps avec lui. Je n’ai jamais eu de problème avec Paul Bérenger et en toute franchise, il n’y avait aucun problème avec sir Anerood Jugnauth non plus. Vous savez, j’ai occupé pendant plusieurs années le ministère des Infrastructures publiques et aussi la National Development Unit. Il y avait beaucoup de projets et il fallait souvent discuter avec le Premier ministre. Navin Ramgoolam m’écoutait régulièrement et portait une attention spéciale surtout aux gros projets nationaux. J’avais également cette liberté de travailler. Comme tous les autres ministres, je pense. 

Plusieurs ministres ont affirmé qu’il était difficile d’avoir un rendez-vous avec Navin Ramgoolam…

Dans mon cas, non. Bien sûr je ne cherchais des rendez-vous que quand il le fallait. Pas pour des peccadilles.

 Vous dites que vous avez bien travaillé sous le «prime ministership» de Bérenger. Celui-ci vous a pourtant qualifié d’«intellectuellement limité». Lui avez-vous pardonné ?

Il faut savoir dans quel contexte il a utilisé ce mot. Non je n’ai aucun problème avec lui. Nous étions en alliance en 2014 et tout laisse croire que nous le serons encore une fois prochainement.

 Sir Anerood Jugnauth a été très virulent à votre égard en 2014, parlant des valises d’argent qui étaient en votre possession. Que lui répondez-vous ?

Absolument. Il a été très virulent. Mais excusez-moi, étant un homme de principe, je ne vais pas m’attaquer à lui par respect pour son âge. D’autant qu’il ne fait plus partie de la politique active. Dieu et une poignée de témoins savent à quel point ils m’ont sollicité pour leur donner un coup de main. Mais passons.

 En août 2019, vous êtes candidat du PTr pour une élection partielle dans la circonscription Piton-Rivière-du-Rempart. Le jour du Nomination Day, il y a une vague rouge qui déferle et même des partisans du MSM concédaient déjà la défaite. Mais trois mois plus tard, vous êtes candidat dans votre fief à Flacq-Bon-Accueil et vous subissez une lourde défaite. Comment expliquez cette débâcle ?

C’est dû à une campagne mensongère, le pouvoir de l’argent, la manipulation de l’opinion publique à travers la MBC, des pressions exercées sur des agents du PTr pour ne pas travailler et le bribe électoral. À la veille du Nomination Day, il y avait des recrutements au sein des corps parapublics. Malgré cette défaite, je reste dans le cœur de mes mandants et je les remercie pour leur fidélité pendant plus de 40 ans.

 N’est-ce pas cette histoire de «katori» de Ramgoolam qui vous a coûté la victoire ?

Je ne crois pas. Comme je vous ai dit, il y avait cette manipulation de la MBC avec le concours de certains groupes socioreligieux qui ont voulu détourner l’attention des électeurs avec cette histoire. Je ne crois pas que cela a mordu, car le PTr a fait élire des députés à la campagne.

Parlons de l’actualité du moment. Que pensez-vous de l’affaire Kistnen ?

Voilà une affaire qui fait découvrir davantage le vrai visage de certains au sein de ce gouvernement et même de certaines institutions. Un meurtre maquillé en suicide. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le patron du CCID, Heman Jangi. Je ne veux accuser personne, laissons les enquêtes suivre leur cours. Je ne ferai pas comme ces élus du n° 9 qui ont dit que c’est une affaire montée de toutes pièces par l’opposition. Je les invite à aller faire une déposition contre l’opposition. Je ferai encore moins comme Pravind Jugnauth qui a dit qu’il a mené son enquête et qu’il sait que son ministre est innocent.

 On ne peut conclure cette interview sans évoquer l’autoroute Terre-Rouge- Verdun, un projet qui vous a valu pas mal de critiques. Votre responsabilité est très engagée dans cette affaire ?

Avant de répondre à cette question permettez-moi de vous signaler qu’il y a de grands projets initiés sous mon règne comme ministre. Les by-pass à Goodlands, Triolet, Schoenfeld, Flacq, St-Pierre, les trois voies entre Phoenix et Port-Louis et la double voie vers Grand-Baie pour ne citer que ceux-là. Il y avait un programme de décongestion routière qui était prêt et le projet de Phoenix y était inclus. Pour ce qui est de la route Terre-Rouge-Verdun, c’est sans doute un projet qui avait nécessité une grande expertise. Lors de leur enquête, ils ont suspendu deux excellents ingénieurs, alors que le vrai coupable, soit le consultant, n’a pas été inquiété. Savez-vous combien de temps et combien cela leur a coûté ? Pour la Ring Road, c’est le contractuel qui a été appelé à encourir les frais de réparation sur environ 200 mètres seulement. Mais le gouvernement n’a donné aucune suite à ce projet. Mais ils restent silencieux sur le projet de Decaen. Je n’accuserai pas Bodha. Il n’est pas un expert, mais qu’un ministre. Pour une route de moins de 200 mètres, il y a eu tant de gaspillage. 

Regrettez-vous que le projet de Métro léger n’ait pu voir le jour alors que vous étiez ministre ?

Tout était prêt pour ce projet. Ils ont dit que c’était un gaspillage d’argent et que ce n’était pas nécessaire. Deux ans après, ils ont remis le projet sur le tapis. Je maintiens que «notre projet» allait coûter Rs 24,8 milliards et non Rs 30 milliards comme ils l’affirment. Par contre, je leur lance un défi. Leur projet coûtera plus que ce qu’ils ont prévu. N’oublions pas les coûts encourus par la Central Water Authority, le Central Electricity Board et la Wastewater Management Authority.