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Enquête judiciaire: focus sur les dessous des contrats publics au n°8

17 janvier 2021, 20:00

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Enquête judiciaire: focus sur les dessous des contrats publics au n°8

L’emergency Procurement Procedure semble avoir été privilégiée par le conseil de district de Moka. C’est ce qui ressort de la déposition d’Aswantsingh Sookun, le “Head of Public Infrastructures” et des documents déposés par Me Rama Valayden.

L’audience de vendredi dans l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen aura culminé avec les révélations fracassantes de Pooveden Subbaroyen. Mais auparavant, d’autres informations sensibles furent mises au jour et qui ont rendu les révélations de Subbaroyan encore plus crédibles.

«I have to check»

Car ce furent surtout les réponses ou plutôt les non-réponses d’Aswantsingh Sookun qui ont laissé comprendre qu’il y aurait des magouilles dans l’allocation de contrats à la compagnie de Kistnen. Sookun a tellement répété «I have to check» que l’on se demande pourquoi il est venu déposer à la place de Ghovadarajah Ramanjooloo, le Chief Executive, ou Sudhir Soonarane, le président du conseil de district. Soit il ne maîtrisait pas le dossier, soit il ne voulait pas parler sans permission…

Sookun a énuméré quatre projets, tous concernant la construction de drains, pour lesquels la compagnie de Kistnen fut invitée avec quatre autres à proposer leurs services. Tous donc sous la procédure d’urgence sans véritable appel d’offres ouvert. A la question de Me Rama Valyden de savoir pourquoi seulement Rs 782 973 furent payées à Rainbow Construction alors que le contrat était d’une valeur de RS 4,6 m, Sookun répond : «I have to check.» Le travail a-t-il été complété ? Même réponse. Il faut savoir que l’adresse officielle de Rainbow Construction se situe dans un bâtiment se trouvant à la rue Mère Barthélemy à Port-Louis et appartenant à nul autre que Yogida Sawmynaden. On ne sait pas qui réceptionnait les courriers à cette adresse de même que les chèques quand ils ne sont pas récupérés par Kistnen luimême. Justement, est-ce que les paie- ments sont envoyés directement par la poste à Kistnen et si oui à quelle adresse ? Ou alors sont-ils récupérés par Kistnen en personne ? lui demande Me Valayden. Non, Aswantsingh Sookun n’en sait rien :«I have to check.» Les chèques sont-ils tirés cash ? Ou à quel ordre ? veut savoir Me Rama Valayden. Réponse : «I have to check.»

Quand Me Valayden montre à Sookun une lettre émanant de l’autre compagnie de Ksitnen, Final Cleaning, et adressée au conseil de district de Moka et lui demande s’il se rappelle de cette missive concernant un contrat de nettoyage : «I have to check.» Et encore une autre lettre d’une autre compagnie de Kistnen Shark, Constructions Ltd ? A la fin, Valayden répondra pour Sookun : «Yes, I know : you have to check.» On se demande comment de telles informations importantes sont ignorées par le représentant du conseil de district. En tout cas, il devra revenir en cour pour préciser toutes ces réponses qu’il «has to check».

Et pourquoi Rainbow Construction obtenait-elle toujours des contrats alors qu’elle était classée Non performing ? tente Rama Valyden «Normalement, on n’alloue pas de contrats aux firmes qui sont classées comme non performantes. Mais le conseil de district peut passer outre cette interdiction.» Ouf ! Enfin Aswantsingh Sookun a une explication. La remarque de Valayden aura fait son effet. A noter que Me Rama Valayden a fait mention d’au moins un autre contrat dont n’a pas parlé Sookun. Il s’agit toujours de projet de drain, à Vuillemin, et qui aurait été alloué en pleine campagne électorale de 2019. Nous y reviendrons.

Les dossiers de la STC à la MCIT

Le début de l’audience de vendredi a vu l’intervention du conseiller légal de la STC, Me Ravi Rutnah. Après la demande de la magistrate à la STC de déposer tous les contrats alloués depuis un an, Ravi Rutnah a informé la cour que les documents ont déjà été déposés à la … MCIT. Me Azam Neerooa a alors demandé qu’une copie de ces dossiers soit remise au tribunal. Rutnah a promis de faire le nécessaire.

«Pas Koomadha, mais Yogida...»

«Kistnen a rencontré Pravind Jugnauth et lui a fait état des fraudes commises par Yogida Sawmynaden», confirme Simla Kistnen.

C’était lors de l’audience de vendredi dernier. A cette réponse de Simla Kistnen, Me Roshi Bhadain lui demande : «Et qu’a fait le Premier ministre ?» Selon Simla Kistnen, son mari a tout simplement été prié de revenir plus tard, après son opération. La veuve a donné d’autres précisions. Ainsi, elle expliquera que son défunt mari utilisait chaque jour ses téléphones cellulaires. «Il est impossible qu’il s’en est passé pendant un mois.» Me Valayden voulait sans doute vérifier la fiabilité des données fournies par Mauritius Telecom qui indiquaient que Kistnen n’a pas eu d’échanges téléphoniques pendant un mois sur son téléphone.

Une information sur laquelle est revenue Me Valayden lors de l’interrogatoire de Simla Kistnen : la contribution à la NPF venant de Yogida Sawmynaden pour le compte de Simla Kistnen a cessé subitement en juillet 2020 quand Kistnen a découvert que sa femme avait été enregistrée comme Constituency Clerk alors qu’elle ne touchait aucun sou du ministre. Et Kistnen l’a fait sa- voir au ministre. Qui aurait donc décidé d’arrêter la contribution à la NPF sur le champ.

On apprendra aussi que la soeur de Kistnen est la femme de l’ex-maire de Beau-Bassin-Rose-Hill, Ken Fong.

A une question de Me Roshi Bhadain, la veuve dira qu’elle ne soupçonne plus Koomadha Sawmynaden d’être derrière la mort de son mari. Mais qu’elle a toujours des soupçons sur le petit frère, Yogida. «Je soupçonnais Koomadha parce qu’il venait souvent à la maison pour réclamer le remboursement d’une dette de Kistnen.»

Les bons mots échangés

L’audience a été marquée par les traits d’esprit et autres jeux de mots de Me Rama Valayden, selon son habitude. Les autres intervenants l’ont rejoint pour faire baisser un peu la tension qui régnait dans le prétoire.

«Yogida est loin d’être un Yogi» a lancé Valayden alors que Simla Kistnen bégayait «Yogi, Yogi, Yogida.»

«50 coups Yogida pe telephone moi. Mo pas pou repone li.» C’est ce qu’aurait déclaré Kistnen à sa femme Simla quand il refusait de prendre les appels du ministre alors qu’il avait annoncé vouloir tout déballer au Premier ministre.

Mais c’est ce même Kistnen qui dira à Simla en parlant du ministre Sawmynaden : «Pena enn sou confiance are banne politiciens.» Il s’en rendra donc compte un peu dans le tard. Alors que Me Azam Neerooa essayait de convaincre Pooneven Subbaroyan de collaborer dans l’enquête pour découvrir les assassins de Kistnen et que tout le monde lui en sera reconnaissant, Subboroyan répliquera : «Oui, mais si lerla zotte dessanne moi ?» Ce qui a fait rire la salle malgré le sérieux de ces propos.

Me Azam Neerooa s’est lui aussi laissé aller à des expressions populaires quand il voulait savoir de Subbaroyan si Kistnen mentait parfois: «Kistnen pas ti content passe di berre parfais ?» L’avocat fut surpris lui-même après avoir prononcé ses mots.

«Mais où partait tout cet argent des contrats obtenus par Kistnen ?» demanda Me Neerooa au même Subbaroyan. «Li prend casse compagnie li paye par-ci par-là, après nou pas reste narien.» Peu après, il précisera qu’une partie de l’argent servait aux événements politiques du MSM.