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Xavier-Luc Duval: «En sauvant le bureau du DPP, nous avons sauvé le pays»
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Xavier-Luc Duval: «En sauvant le bureau du DPP, nous avons sauvé le pays»
Si le PMSD n’avait pas quitté l’Alliance Lepep en décembre 2016, le MSM aurait eu le contrôle sur quasiment toutes les institutions du pays, en violant le principe de séparation des pouvoirs, qui est l’alpha et l’oméga de toute démocratie. Aussi, les «Private Prosecutions» contre les ministres Ramano, Maudhoo, Sawmynaden et Gobin n’auraient pas eu lieu. Xavier-Luc Duval revient sur la question…
A travers une conférence cette semaine, le PMSD est revenu, non sans fierté, sur sa démission (de décembre 2016) du gouvernement Lepep afin de barrer la route au Prosecution Commission Bill que voulait imposer le gouvernement des Jugnauth. Ce ‘move’ politique a été salué par plus d’un observateur...
Avec le recul, pratiquement tout le monde, ayant un minimum de bon sens, reconnaît que notre démission a été déterminante pour l’avenir du pays, non seulement pour la démocratie. L’abolition de l’indépendance du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), et sa mise sous tutelle par des politiciens et leurs nominés politiques, auront été le début de la fin pour Maurice. Si on avait laissé faire les Jugnauth, notre pays se serait retrouvé parmi les républiques bananières. Les méchancetés de ce gouvernement contre ses opposants politiques et les journalistes indépendants, comme vous, auraient alors été sans limites. Vous vous rendez compte de ce que serait notre situation s’ils avaient le mot final sur qui il fallait poursuivre et qui il ne fallait pas poursuivre? Leur pouvoir de nuire, de faire du mal, de casser aurait été démultiplié. Il n’y aurait pas eu de checks and balances. Aussi, puisque toutes les poursuites au criminel allaient passer par un nominé politique, occupant le poste d’Attorney General, ce serait possible que des assassins et des trafiquants de drogue échappent à la justice, sans que l’on puisse réagir…
«Les méchancetés de ce GM contre ses opposants politiques et les journalistes indépendants auraient été sans limites. Vous vous rendez compte : s’ils avaient le mot final sur qui il fallait poursuivre et qui il ne fallait pas poursuivre?»
… vous étiez aux premières loges au gouvernement quand ce plan machiavélique a été échafaudé?
J’ai été surpris par la rapidité de ce plan destiné à prendre le contrôle du bureau du DPP, le maillon qu’il manquait au MSM pour installer son hégémonie.
Un beau jour, vers novembre 2016, Sir Anerood m’appelle et m’informe qu’un papier sera présenté dans quelques jours au conseil des ministres afin de discuter de la nécessité d’un Prosecution Commission Bill. J’ai exprimé ma surprise puisque ce n’était pas un sujet dont on avait discuté avant de conclure l’alliance entre le MSM, le ML et le PMSD. Ce n’était pas dans notre manifeste électoral. D’ailleurs, ce sont les points que j’ai soulevés au conseil des ministres pour bloquer ce projet de loi antidémocratique, qui traduit la volonté et illustre la stratégie des Jugnauth de tout contrôler, d’avoir une mainmise sur tout. Comme Senior Member of the Cabinet, j’ai présidé le comité ministériel chargé d’étudier le papier pour ce projet de loi. Tout le monde au sein du cabinet, dont le légiste Ivan Collendavelloo, a essayé de me convaincre du bien-fondé de ce projet de loi. Mais je n’ai pas perdu mon sens du jugement et j’ai surtout pensé à ce que le MSM avait fait subir à Sir Gaëtan Duval dans le cadre de l’affaire Azor Adélaïde et j’ai consulté largement des légistes indépendants, comme Sir Hamid Moollan. J’ai alors compris le danger de soutenir le Prosecution Commission Bill et à quel point cela allait contre l’esprit de la Constitution qui protège précisément le DPP de toute ingérence politicienne. Un sacro-saint principe lié à la séparation des pouvoirs, dans l’esprit de la loi fondamentale. J’ai alors réuni mon équipe du PMSD pour en discuter et il y a eu unanimité que notre parti ne pouvait pas se ranger du mauvais côté de l’histoire, surtout après le traitement infligé par Sir Anerood à Sir Gaëtan Duval.
Comment expliquer à vos ministres, députés, ambassadeurs qu’il faut quitter le pouvoir sur une question de principes?
Dans la vie, il ne faut pas s’accrocher à des “boutes” et il y a des libertés fondamentales pour lesquelles il vaut mieux se battre. Voilà ce qu’on fait si on aime son pays. Le message a touché alors tout le monde, y compris Alain Wong et Marie-Claire Monty. Mais le MSM ne voulait pas laisser tomber et a tout fait pour tenter d’acheter des camarades du parti. Ils ont essayé de casser le PMSD. Aussi il ne faut pas oublier que si je refusais de cautionner le Prosecution Commission Bill, on allait me révoquer. J’ai choisi de prendre les devants. Et le gros de mon équipe m’a suivi. Sauf Wong et Monty pour des raisons que vous connaissez et sur lesquelles je ne souhaite pas revenir.
Le PMSD qui mangeait à tous les râteliers s’est-il refait une virginité politique avec votre démission du gouvernement?
Je dois dire qu’au départ les gens ne comprenaient pas trop bien notre démarche. Nos partisans nous disaient qu’on aurait dû rester au gouvernement afin de leur trouver des emplois; ils pensaient à leurs intérêts et ne réfléchissaient pas en termes de démocratie, de Rule of Law, et des dérives possibles d’avoir un pouvoir hégémonique. Sans État de droit, il n’y point de développement économique possible. Aujourd’hui, avec le temps, et les scandales, et le fait qu’aujourd’hui, le public a réalisé que nos institutions sont toutes politisées à outrance, les gens comprennent le sens de notre démission.
Après l’éventuelle Prosecution Commission, le MSM se serait arrêté là, ou aurait-il tenté autre chose pour continuer son chemin vers l’absolutisme ?
Une fois le judiciaire sous leur bol, je suis presque certain que le régime des Jugnauth aurait tenté d’abolir le Privy Council. Et là cela aurait été la mort de notre démocratie. Si le judiciaire conserve son caractère aujourd’hui encore, c’est grandement à cause du Privy Council qui exerce un droit de regard et qui décourage les abus.
«Une fois le judiciaire sous leur bol, je suis presque certain que le régime des Jugnauth aurait tenté d’abolir le Privy Council.»
Comment Sir Anerood, perçu comme un ‘sound legal mind’, a-t-il toléré cette velléité anticonstitutionnelle?
Je dois dire que ce n’était plus le même SAJ que vous décrivez. J’ai longtemps travaillé avec lui et je connais sa perspicacité et son esprit pragmatique et légal. Mais en 2016, je ne le reconnaissais plus. Pour moi, c’était clair qu’on le poussait dans cette direction… et en raison de son âge avancé, il n’a pas pu résister. Sûrement.
Et quid d’Ivan Collendavelloo, autre légiste réputé?
Au début de notre mandat en 2015 au sein de l’Alliance Lepep, j’avais totalement confiance en Collendavelloo. Mais au fil des mois, mon avis sur lui avait changé. Je ne vais pas en dire plus, mais je crois que cela veut tout dire…
Pensez-vous que le MSM a abandonné son projet de contrôler le DPP?
Non, mais ce que je sais c’est qu’ils sont désormais bloqués au niveau du Parlement. Le pouvoir de l’argent n’y changera rien…
… au contraire, c’est le MSM qui risque de perdre le pouvoir au Parlement…
C’est Ivan Collendavelloo qui avait fait le calcul. D’ailleurs dans une interview accordée à l’express, il avait dit qu’il suffit que sept députés passent dans le camp de l’opposition pour que le pouvoir change de camp. C’est possible avec la série de scandales que des politiciens se ressaisissent et arrêtent de soutenir ce régime pourri.
En 2014, vous aviez fait campagne contre les rouges et les mauves avec le MSM. Aujourd’hui vous êtes aux côtés de Ramgoolam et de Bérenger face au MSM? C’est normal que votre discours s’adapte, non?
Au début, j’avoue que cela a été difficile de réfléchir ensemble avec eux. D’ailleurs lors de la partielle de 2017, on était les uns contre les autres, chacun ayant son candidat. Mais je crois que les législatives de 2019 ont permis au PTr, au MMM et au PMSD de réaliser que notre division a permis l’élection du MSM, alors que ce régime présentait un bilan lamentable. Le fait que l’opposition était éparpillée a favorisé le Money Politics et l’Ethnic Politics sur lesquels table le MSM.
Quelle est votre analyse de la situation alors que nous entamons 2021?
L’interview d’Ali Mansoor (NdlR: dans l’express du 13 janvier 2021) a bien résumé la situation: pour que la situation économique évolue dans la bonne direction, il faut que les institutions sortent du joug du gouvernement et puissent fonctionner librement. Sinon les investisseurs ne vont jamais injecter de l’argent dans le système. Par ailleurs, si je pense que le gouvernement a eu raison de fermer les frontières – j’ai été le premier à réclamer la fermeture des frontières – en revanche, je dénonce son manque de prévoyance, par rapport aux vaccins. Je ne comprends pas comment le Dr Gaud peut dire qu’il n’y a aucune urgence alors que nous sommes au bord de l’asphyxie économique. Qu’aurions-nous fait sans la générosité de l’Inde? Et puis ce don ne suffit pas pour que l’on puisse ouvrir le pays dans une tentative de relancer l’économie. Après s’être caché derrière l’OMS, vers qui allons-nous mendier puisque nous avons un problème de cash-flow qui nous empêche de compenser la perte du pouvoir d’achat de nos aînés, à qui on avait vendu mille et une promesses. On préfère verser Rs 400 millions à Liverpool au lieu de réserver cette somme pour les vaccins afin de pouvoir rouvrir le pays!
Votre prochain objectif est une démonstration de force le 13 février. Cela va prouver quoi? Que les trois partis peuvent mobiliser massivement et travailler ensemble malgré vos divergences?
Nous invitons toute la population écœurée par la mauvaise gouvernance à venir manifester de manière pacifique afin d’envoyer un puissant signal aux dirigeants actuels. Nous offrons la plateforme pour cette démonstration de force, mais ce sont les Mauriciens qui sont les vrais acteurs de leur destin.
Y aura-t-il une alliance avant les municipales si et quand elles se tiendront cette année…
Malgré les rumeurs, je vois mal le gouvernement renvoyer les élections municipales, qui sont prévues par la loi. Les trois partis de l’opposition iront ensemble, même si on n’a pas encore finalisé tous les détails d’une alliance politique. Notre objectif commun est de barrer la route au MSM.
Vous connaissez bien le MSM. Vous voyez ce parti quitter le pouvoir sous la pression de la rue et avant l’échéance 2024?
Je pense qu’il y aura des élections anticipées, à cause de la fragilité de l’équilibre parlementaire. Et puis le MSM finira par comprendre qu’il est extrêmement inconfortable d’être haï par le peuple – regardez le traitement que reçoit Yogida Sawmynaden du public lors de ses déplacements en cour. Quand le peuple n’est plus derrière vous, votre vie sociale prend un sacré coup. La famille, les amis, les voisins vous tournent le dos. La mauvaise performance économique après la décroissance de 2020 va corser la situation. Leur inexpérience, leur gaspillage, leurs connexions familiales vont exacerber la colère du peuple.
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