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Les Pailles Limitée en receivership: les Guimbeau mettent en cause Mushtaq Oosman

6 février 2021, 22:00

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Les Pailles Limitée en receivership: les Guimbeau mettent en cause Mushtaq Oosman

Saint Aubin Ltée et La Société Les Pailles Investment (SPI) de la famille Guimbeau ont déposé une plainte contre l’expert comptable Mushtaq Oosman, une première qui fera sans doute jurisprudence. Une demande d’injonction contre la vente de leurs terres situées à Pailles a également été formulée. L’expert-comptable avait été désigné par la Banque commerciale en 2016 pour mettre Les Pailles Ltée, filiale de Saint Aubin Limitée, en redressement.

Au lieu de redressement, Les Pailles Ltée (LPL) et tout le Groupe Saint Aubin (GSA) se retrouvent en situation difficile après que Mushtaq Oosman a disposé de leurs biens d’une façon qui va à l’encontre de leurs intérêts, disent les Guimbeau et au profit d’un promoteur immobilier.

Terrains des Guimbeau liquidés

Leur terrain sis à Pailles est évalué à Rs 878 millions en 2016 par une firme reconnue. Mushtaq Oosman reçoit une offre de Rs 419 millions lors d’un appel d’offres, mais la refuse car jugée trop basse, bien sûr, et en informe les Guimbeau. Il contacte alors directement des acheteurs potentiels, sans passer par des appels d’offres et accepte une offre, et la vente est effectuée en juillet 2017. Toutefois ce n’est qu’en octobre 2017 que Mushtaq Oosman informe les Guimbeau de cette transaction pour la somme de Rs 425 millions, plus Rs 350 millions à être remises en dividendes. Mais, quand quelques mois plus tard les Guimbeau reçoivent une copie de l’acte de vente, grande est leur surprise de ne voir aucune mention des Rs 350 millions, qui n’ont pas été reçues, rappelons-le, et ils continueront donc à payer des intérêts à leur banque et les payent toujours. Ces Rs 350 millions ne seront citées par ailleurs dans aucun rapport officiel de Mushtaq Oosman.

Vente retroactive

Autre reproche à Mushtaq Oosman : deux autres petits lots de 0,7 arpent en tout ont été vendus en mars 2019 pour Rs 10,6 millions et les Guimbeau n’en savaient rien. Quand ils l’apprennent, ils demandent des explications à Mushtaq Oosman qui leur dit qu’un rectificatif a été fait en 2020. Mais les Rs 10,6 mililions ne seront pas remises aux Guimbeau puisque cette somme est incluse dans la vente de Rs 425 millions, leur dit l’expert-comptable, c’est-à-dire, les terrains ont été vendus à Rs 414 millions (Rs 425 millions moins Rs 10,6 millions), donc moins que la proposition de Rs 419 millions obtenue lors de l’appel d’offres. Mushtaq Oosman avance que les deux terrains étaient introuvables en 2017 mais qu’ils faisaient bien partie du deal. Ce que rejettent les Guimbeau qui se demandent comment les terrains n’ont pu être localisés et affirment que l’acte de vente mentionnait bien la situation avec leur PIN et la superficie des gros lots vendus et ne comprenaient pas les petits lots qui se trouvent d’ailleurs plus loin et ne sont pas adjacents aux gros lots. Les deux petits terrains ont d’ailleurs obtenu leur PIN en 2018 alors que la première vente pour Rs 425 millions a été effectuée en 2017. Bref, ces «petits» lots vendus à Rs 10,6 millions semblent avoir été offerts gratuitement et rétroactivement aux acquéreurs.

Optimisation fiscale ou évasion fiscale?

C’est la façon dont toutes ces ventes ont été effectuées qui intrigue les Guimbeau. Au lieu de vendre directement ces terrains aux promoteurs, Mushtaq Oosman a créé une nouvelle compagnie, New Pailles Limited, avec à sa tête, son homme de paille c’est le cas de le dire, un certain P.M., que nous n’avons pas pu joindre. Mushtaq Oosman, qui agit in trust pour Les Pailles Limitée appartenant aux Guimbeau, «vend» ces terrains à New Pailles Limited. La vente se fait en cash pour Rs 275 millions et en actions valant Rs 150 millions. Comme New Pailles Ltd a comme actionnaire principal Les Pailles Limitée, elles font donc partie du même groupe de Saint Aubin. Et comme la loi n’exige pas de paiement de taxe pour le transfert de terrains ou autres actifs entre compagnies sœurs – enfin c’est que nous dit le notaire –, la transaction est tax-free. Les actions valant Rs 150 millions sont alors revendues au promoteur qui devient actionnaire majoritaire de New Pailles Ltd, compagnie qui détient les terres. Le promoteur est ainsi devenu le propriétaire du terrain valant Rs 425 millions (ou Rs 775 millions, c’est selon) en achetant rien que pour Rs 150 millions d’actions de Les Pailles Limitée qui en était le propriétaire. Le promoteur paie seulement la taxe sur Rs 150 millions. Un expert-comptable, nous explique l’astuce: «C’est comme si vous achetiez pour Rs 1 000 seulement toutes les actions d’une compagnie qui possède un terrain valant Rs 100 000 et payiez la taxe seulement sur les Rs 1 000.»

Source of funds

Deux explications sont exigées par les Guimbeau : soit Les Pailles Limitée, gérée par Mushtaq Oosman in trust pour les Guimbeau reconnaît que l’argent provient du promoteur, dans lequel cas Mushtaq Oosman admettrait ainsi avoir monté une combine pour évasion fiscale ; soit New Pailles Ltd, gérée, pour rappel, par Mushtaq Oosman, et qui a remis Rs 275 millions à Les Pailles Limitée déclare que l’argent provient de ses propres fonds. Ce qui entraînera la question suivante : «D’où vient cet argent puisque New Pailles Ltd n’avait pas encore démarré de projet et donc n’aurait pas pu générer ces revenus ?» Par ailleurs, «Y a-t-il eu vérifications par la banque ou le notaire, sur l’origine de cette énorme somme, comme l’exige la loi ?» se demande un expert-comptable. Les plaignants ont d’ailleurs déposé plainte à ce propos à l’ICAC et au Land Fraud Squad du CCID.

Au Registrar General : rien à signaler

Ce montage ne semble pas avoir réveillé la vigilance du Registrar General ni de la MRA. Si c’est vrai, le fisc aura été privé d’environ Rs 27 millions. Le Registrar General est d’ailleurs cité à titre de partie tierce dans la plainte. Où est passé le rapport d’évaluation du Government Valuator lors de la vente de ses terres ? Y a-t-il eu l’évaluation du gouvernement pour commencer car toutes les ventes de terrain, surtout les grosses, sont suivies de près par ce département ? C’est ce que se demande un ancien évaluateur du gouvernement.

Mushtaq Oosman aurait donc vendu des biens en receivership à une valeur moindre que celle obtenue lors d’un appel d’offres, fait un montage pour favoriser l’évasion fiscale et négligé de récupérer Rs 350 millions pour les Pailles Limitée qui aurait effacé la somme supposément due par Les Pailles Limitée à la banque commerciale. Cette banque veut maintenant désigner des administrateurs séquestres pour gérer les biens de tout Saint Aubin, garante de Les Pailles Limitée, valant autour de Rs 4 milliards, pour une dette dont le montant lui même est remis en question.

Mushtaq Oosman après nous avoir demandé de lui adresser nos questions par écrit s’est, après en avoir pris connaissance, ravisé et nous a déclaré «qu’une affaire est en cours et qu’il ne peut commenter». Nous reproduisons ces échanges plus bas.

Questions to Mr. Mushtaq Oosman, Receiver Manager of Les Pailles Limitée

1. Why were the Guimbeau informed in 2017 that the lands were sold to a consortium led by Maxcity group for Rs 425m and a profit sharing of 40% up to Rs 350m, but when they received the title deed, the assets had been sold to New Pailles Ltd for Rs 425m and no mention of Rs 350m?

2. Why was New Pailles Ltd created as the sole shareholder was Les Pailles Limitee? Who is Mr M. P.? From where did New Pailles Ltd get Rs 275m as the transaction involved cash transaction of Rs 275m and shares transactions of Rs 150m?

3. On which amounts were the land transfer tax paid?

4. Were there any queries from the Registar, as the properties of Les Pailles Limitée were sold at values far below market value?

5. How come the Guimbeau were not made aware that the remaining lands belonging to Les Pailles Limitée were sold in 2019 for Rs 10m? Why on inquiry you said that in fact the proceeds received were already included in the sale of 2017? Why were there no bids for these lands?

6. How can these lands be sold in 2017 when they had their pin numbers made in 2018? How do you explain the rectificatif of deed which goes against all board resolutions, share transfers etc... related to each sale? Most of them signed by yourself?

7. Do you confirm that in fine, you did sell the lands of Les Pailles Limitée at a price lower than the price received through the bids you had done? And this to a consortium which did not bid?

8. Do you know or worked with either Maxcity or HV before these sales? Was the MCB aware of all the transactions concerning the sale of Les Pailles Limitée lands?

Mushtaq Oosman, : I note with regret that your questions relate to cases/investigations pending before the Supreme Court of Mauritius, the Central CID and the ICAC. I stand advised that by responding to your questions, I would be committing a contempt of court, which carries a fine as well as a term of imprisonment. I further stand advised that same would apply to you, but you may wish to seek legal advice on that. I will submit my version to the Supreme Court of Mauritius and to the Central CID and the ICAC, during investigations. I however wish to clarify that the receivership of Les Pailles Limitée has at all times been conducted in accordance with the law.

Smart city : l’EDB approuve sans poser de questions

Après l’acquisition de ces terrains à la moitié du prix du marché, s’être acquitté de seulement un tiers de Land Transfer Tax auprès du fisc, et remis 6 arpents en vente à dix fois le prix auquel il a été acheté, l’acquéreur se propose d’y construire une Smart City. Les permis ont été promptement accordés par l’Economic Development Board, qui n’aurait procédé à aucune vérification d’usage. «Cette façon de faire fructifier des biens offerts en garantie tout en minimisant les revenus aux propriétaires est plus que douteuse», nous dit une source proche du dossier. «Et quand on pense que de nombreuses lois et règles ont été violées en passant, il y a de quoi demander des comptes par le biais de la justice.» Sollicité, le cadre en charge des dossiers Smart City à l’EDB, nous a tout simplement renvoyé au promoteur.