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Rapport ENACT: Maurice premier consommateur de drogue synthétique d’Afrique australe

17 février 2021, 22:20

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Rapport ENACT: Maurice premier consommateur de drogue synthétique d’Afrique australe

Encore une mauvaise note pour Maurice. Sur 53 pays africains, le pays se classe parmi les trois premiers en termes de consommation de drogue synthétique.

Entre frayeur et appréhension. Ce sont les sentiments de nombreux travailleurs sociaux interrogés hier après que le contenu du rapport d’ENACT sur la consommation de drogue synthétique a été massivement repris et commenté par de nombreuses personnalités publiques sur les réseaux sociaux. Selon nos informations, ce rapport avait été rendu public en 2019, mais a été réactualisé en novembre 2020, soit il y a deux mois et demi. Tous les gouvernements africains ont été notifiés des résultats du rapport, y compris, celui de Maurice.

Nous nous retrouvons premier, avant l’Afrique du Sud, parmi les pays de l’Afrique australe en termes de consommation de drogue synthétique et dans les trois premiers sur la totalité des 53 pays.

Pour Danny Philippe, travailleur social, chargé de la prévention au sein de l’organisation non gouvernementale Developman, Rassembleman, Informasyon ek Prevensyon (DRIP), la situation dans le pays est alarmante depuis quelque temps déjà. «Cela fait plusieurs années que nous avons attiré l’attention des autorités à ce propos. Le bureau du Premier ministre a été averti du danger réel de la drogue synthétique. Aujourd’hui, ce rapport vient prouver que nous disions la vérité.»

Un avis que partage Percy Yip Tong, membre fondateur de Collectif Urgence Toxida (CUT). L’an dernier, il a aussi siégé sur le High Level HIV & Drug Council, présidé par Pravind Jugnauth. «Le pays croule sous la drogue synthétique. C’est le constat que je fais en étant en permanence sur le terrain. Actuellement, tout le monde se concentre sur la situation politique et économique du pays. Et occulte presque le problème majeur que constitue la drogue chez les jeunes.» Pour lui, aujourd’hui, plus que jamais, il y a urgence à trouver des solutions, non pas pour stopper et éradiquer la consommation de drogue mais pour la réduire. «Car aucun pays au monde n’a pu parvenir à être drug-free. Il serait hypocrite de faire croire que l’on peut arriver à l’éradication, comme le prétend Pravind Jugnauth dans ses nombreuses déclarations. Li pa superman li !»

La consommation de drogue synthétique est assurément en hausse, affirme Ally Lazer, travailleur social et président de l’association des travailleurs sociaux de Maurice. «Il n’y a pas un endroit à Maurice où la drogue synthétique n’a pas fait de victimes. Li partou ! Il y a non seulement eu un rajeunissement dans la prise de ce type de drogue mais aussi une féminisation. Mo kapav dir ou ki mwa mo konn enn garson dizan ki konsomater simik. C’est triste, mais c’est la réalité…» Lui qui mène un combat depuis 40 ans, n’est pas surpris que Maurice prenne la première place du podium dans le rapport ENACT «car il n’y a jamais eu une réelle volonté politique pour contrer le fléau. Déjà en 2004, Maurice, selon l’United Nations Office on Drugs and Crime World Drug Report, était le pays d’Afrique où la consommation d’opioïdes, soit l’héroïne et ses autres dérivés, était la plus élevée. Nou finn deza fini gagn méday d’or la, zordi bizin trouv solision...On a doublement peur pour les enfants de demain.»

Pour lui, la solution la plus efficace serait de faire chuter la demande, notamment en adoptant une politique nationale de prévention. «Il faut prévenir les jeunes, depuis le plus jeune âge puis traiter et réhabiliter ceux qui y sont déjà dépendants...» D’autres, comme Percy Yip Tong, parlent de la légalisation du cannabis, qui est, selon lui, moins nocif que la drogue de synthèse. Il estime qu’en sus de cela, la police devra faire un travail de terrain, en procédant à l’arrestation des trafiquants et non des petits consommateurs. «Il faudrait mettre la main sur les gros bonnets.» Et en troisième lieu, proposer des alternatives à la jeunesse mauricienne. Comme des loisirs sportifs et culturels, ce qui manque cruellement. Pour ceux qui se retrouvent déjà dans cet univers infernal, il y a le traitement de méthadone qui fonctionne. Il faudra aussi appliquer les recommandations du rapport Lam Shang Leen, souligne-t-il. «Zordi konba ladrog bizin nou priorité n°1.»

Percy Yip Tong soutient que selon une étude de terrain en 2004, le pays recensait 22 000 toxicomanes et qu’à ce jour, «nous atteindrons le point de non-retour si des solutions ne sont pas trouvées et appliquées au plus vite».

Le synthétique moins cher sur le marché…

Si, dans un passé récent, on pouvait se procurer une dose à Rs 50, aujourd’hui dans le milieu, la dose est à Rs 100. Il est toujours aussi difficile d’identifier ses ingrédients. Cette drogue peut être fabriquée en laboratoire ou improvisée avec des pesticides, du poison pour rat et d’autres produits chimiques. «La plipar bann vander héroine, Brown Sugar tousala, finn rekonverti ladan, akoz ena plis deman ek gagn pli kass... », souligne un habitué. De par son prix, la drogue synthétique reste accessible aux plus jeunes. Alors que le gramme de cannabis se vend actuellement entre Rs 1200 et Rs 2500, dépendant de la qualité. «Saken met zot pri. Zot dir ou si ou kontan ou pran sinon al fim simik...»