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Accros depuis l’adolescence…

20 février 2021, 20:30

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Accros depuis l’adolescence…

Ils sont tombés dans cet univers, alors qu’ils étaient presque des enfants. Mais aujourd’hui, avec le recul et le soutien nécessaire, ils veulent sortir de l’enfer de cette drogue. Comment le synthétique a-t-il détruit leur vie ? Ils nous livrent leur vécu.

Fabrice*, 17 ans, et Dylan*, 23 ans, ne se connaissent pas. Mais ils partagent la même souffrance et aujourd’hui, ils sont engagés dans le même combat. Celui de sortir de l’enfer de la drogue synthétique. Il paraît que cette drogue se consomme de plus en plus par des très jeunes. De plus, une mère a été égorgée par son fils, à St-Pierre, samedi dernier parce qu’elle ne voulait pas lui donner Rs 200 pour sa dose de synthé. Ces deux jeunes hommes veulent mettre en garde les plus jeunes pour que ce genre de drame ne se répète plus.

Fabrice, habitant de Bambous, est musicien. Sa passion : «bat ravanne». D’ailleurs, cela lui permet de gagner sa vie, car il joue au sein d’un groupe, pour des prestations dans des hôtels du pays. Mais aujourd’hui, il a dû prendre une pause, pour redresser la barre. Il a été entraîné dans le mauvais chemin, il y a deux ans, alors qu’il n’avait que 15 ans. «Mo finn al suiv bann kamarad. Pa finn koné pe al rant dan enn lak», dit-il, sans se laisser sombrer de plus belle. La leçon, il l’a bien retenue. «Je sortais souvent avec eux. Et un jour, je me suis dit pourquoi pas. Cela a été la descente aux enfers. Je n’étais plus la même personne.»

Violent, agressif mais surtout vulgaire. C’est l’image qu’il garde de lui-même. «Je ne supportais pas de ne plus avoir de l’argent pour me procurer ma dose. Je passais ma colère sur tout le monde autour de moi. Lerla mem tou kalité zafer vinn dan latet.» Alors qu’il travaille, il lui arrive de dépenser jusqu’à Rs 500, au quotidien. Lui, qui a arrêté sa scolarité après sa Form 3, a beaucoup perdu avant d’avoir la volonté de s’en sortir.

«À l’heure actuelle, je le fais pour mes deux petits frères, qui sont eux âgés de 7 et 11 ans. Je les regarde et je me dis que je ne me permettrais pas de les voir emprunter le même chemin.» D’ailleurs, pour éviter le même schéma, Fabrice leur a longuement parlé à ce sujet, sensible certes, mais pas tabou à la maison. «Nou finn koz li pou zot koné ki li été ek zot pa tous sa enn zour...»

Désormais en cure au centre d’accueil de Terre-Rouge, sous la supervision de José Ah-Choon, Fabrice dit se sentir mieux. «Je me suis coupé de mes amis de l’époque et je suis grandement épaulé par ma maman. Elle a toujours été là pour moi. Zordi li na pa pe les moi a ter.» Cela fait plus de 15 jours que le jeune homme n’a pas touché à la drogue et il dit se porter bien. «Je ne me sens pas en manque. J’ai l’encadrement nécessaire.»

Son conseil aux jeunes ? «Fer tou seki zot lé mai na pa tous sa. Rinté ek sa. Surtout ne décevez pas vos parents. Il n’y a pas pire au monde.»

Dylan, lui, habite Pointe-aux-Sables. Ce peintre a fait ses débuts, à 15 ans seulement, dans ce milieu. Toujours, par ses fréquentations. «Mo ti déza ena bann kamarad ladan. Zot finn dir moi serye.» Il consommait déjà, à l’époque, du cannabis de temps à autre et n’était pas conscient du danger de la drogue synthétique. Personne autour de lui ne l’avait averti. Il a été faible et naïf, confie-t-il.

D’ailleurs, le jeune homme était déjà un adolescent en souffrance. Car il n’a pas eu une vie de famille normale. «Mes parents se sont séparés et j’ai habité pendant plusieurs années avec mes grands-parents. Je n’ai pas reçu l’amour et l’affection que les autres enfants avaient. J’ai beaucoup souffert.» Il se rappelle qu’il s’isolait dans sa chambre, plusieurs fois, pour en consommer. Ses proches le savaient. «Zot ti koumans koné ki ena enn zafer pa bon.»

Comment se sentait-il quand il en fumait ? «Comme une autre personne. Je me sentais faible, presque abattu. Je n’avais la force pour rien. Je ne faisais rien. Et aussi, je ne me souvenais, la plupart du temps, de rien. J’avais des flashs mais pas tous les souvenirs. Ou vinn kuman enn zombi ek sa.»

Aujourd’hui, à 23 ans, marié civilement depuis un an et père de deux enfants, un fils de deux ans et une fillette de sept mois, Dylan puise sa volonté de s’en sortir de sa petite famille. «Je ne veux pas que mes enfants soient privés d’amour comme je l’ai été autrefois moi. Je veux qu’ils soient épanouis et aient tout ce qu’ils désirent dans la vie.» D’ailleurs, avec celle qui partage sa vie depuis quatre ans maintenant, il a le soutien et la motivation requis. «Elle ne m’a pas abandonné...»

Il est actuellement, suivi, au centre Idrice Goomany où il essaie de se tenir le plus loin possible de cet univers, qui aurait pu détruire toute une vie de bonheur. «Zordi monn sanzé, ek mo senti moi bien.» Son conseil aux jeunes ? «Ne vous laissez pas tenter. Le chemin pour s’en sortir est rude et long. Pa tou ki pou resi...»

Des consommateurs de drogue synthétique de plus en plus jeunes

Maurice est le premier consommateur de drogue synthétique d’Afrique australe, selon le rapport ENACT. De plus, plusieurs travailleurs sociaux et la brigade des mineurs ont constaté qu’ils sont de plus en plus jeunes, à se tourner vers la drogue synthétique, qui est relativement bon marché, soit Rs 100 la dose, d’où sa disponibilité sur le marché. «Il est facile de s’en procurer. D’ailleurs, dans le passé, des trafics ont été recensés dans des établissements scolaires. Ce qui démontre qu’il y a bel et bien une demande», explique un officier de cette unité de police. De son coté, Ally Lazer est catégorique. Il y a effectivement un rajeunissement et une féminisation de la prise de ce type de drogue. Il a lui-même été en présence d’un enfant, âgé de 10 ans seulement, qui consomme de la drogue synthétique.