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Mensonges: Sous serment

21 février 2021, 22:00

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Mensonges: Sous serment

L’enquête judiciaire pour établir les circonstances de la mort de Soopramanien Kistnen – voire l’élucider – a de quoi laisser pantois. Les contradictions, demi-vérités, voire mensonges de certains témoins s’y succèdent jour après jour. Quelques-uns de ces mensonges sont perceptibles à des kilomètres et ils sont immanquables. Notre méthodologie pour éviter tout outrage à la cour est simple : nous ne faisons que rapporter ce qui a été dit en cour, et nous plaçons ces affirmations en face d’autres déclarations faites en cour ou à la MCIT.

Les contrats de Neeteeselec

Répondant à l’ordre de la magistrate pour que la State Trading Corporation (STC) produise tous les contrats que la compagnie du trio Nuckchhed (photo) et le couple Poonyth ont obtenus de l’organisme, Krishnamurthy Ragaven (photo), l’officer-in-charge, a déposé pour préciser qu’il n’y avait qu’un seul contrat, et c’était pour la décontamination des locaux de la STC. Or, Keshwaree Poonyth a affirmé à la barre qu’il y avait deux contrats. L’un pour Rs 121 000 et l’autre pour Rs 85 000. Entre Keshwaree Poonyth et les représentants de la STC, il y en a un qui ment.

Exclusif. Voici la lettre que signe l’Officer-in-Charge pour allouer un contrat de Rs 121 000 à Neeteeselec
Un document interne à la STC que signe Jonathan Ramasamy, le directeur de la STC pour approuver l’allocation du contrat.

Mensonge-o-mètre : 5/5

Le capital de Neeteeselec

Pour les fans de séries ou films judiciaires, ce sujet constitue une vraie intrigue de film avec une issue tout aussi rocambolesque. Les faits sont comme suit : Ashwin Poonyth jure sous serment que ni lui, ni personne, et encore moins l’hôtesse de l’air Neeta Nuckchhed n’a injecté de capital dans l’entreprise à son incorporation en avril 2020, soit à peine quelques semaines avant que Neeteeselec ne rafle le(s) contrat(s) de la STC. Ce que confirment les deux femmes : Neeta Nuckchhed elle-même (avant qu’elle ne tombe malade) et Keshwaree Poonyth.

Or, en procédant à un exercice comptable des dépenses et des revenus de Neeteeselec, l’avocat Roshi Bhadain se rend compte d’un élément qui cloche et il contre-interroge Keshwaree Poonyth : «Mme Nuckchhed a été payée Rs 50 000 de salaire de mai à septembre 2020, vous recevez toujours, et ce depuis mai 2020, un salaire de Rs 50 000. Neeteeselec a payé un sous contracteur Rs 200 000, alors que vos revenus avec cinq contrats (Courts, STC, ministère du Commerce) totalisent Rs 576 000. Pendant ce temps, vos dé- penses ont déjà atteint près d’un million de roupies. D’où provient l’argent ?» demande-t-il.

«Mon époux avait acheté Rs 200 000 roupies de produits au départ», répond Keswharee Poonyth.

«Avec ça, votre compte tient encore moins la route. Votre époux est un créancier de l’entreprise. D’où provient l’argent», insiste l’avocat.

C’est alors que Keshwaree Poonyth revient sur sa première affirmation et concède : «Neeta Nuckchedd avait fait un apport d’environ 1,5 voire 2 millions de roupies.» Neeta Nuckchhed est à nouveau invitée à la barre des témoins demain et on devrait y voir plus clair.

Mensonge-o-mètre : 4.5/5

Le téléphone mystère

L’apparition initiale du représentant de Mauritius Telecom (MT) Kiran Gokhool (photo) en cour sans les relevés téléphoniques de Soopramanien Kistnen ne compte évidemment pas comme un mensonge, mais il situe le contexte de ce qui va suivre.

Kiran Gokhool explique que Soopramanien Kistnen avait deux téléphones portables et pour l’un d’eux, selon les relevés qu’il a produits, les activités (appels entrants, passés, manqués, et SMS ainsi que localisation triangulaire via antenne-relais) ont subitement cessé le 18 septembre, soit un mois avant que Kistnen ne disparaisse le 16 octobre. Cela ne colle pas avec deux autres dépositions : d’abord celle de l’épouse de Soopramanien Kistnen qui affirme que ce téléphone était bien allumé et fonctionnel jusqu’au 16 octobre.

Il y a ensuite la déposition de Nasourlakhan Joomun. Celui-ci véhiculait Soopramanien Kistnen de temps en temps, et il jure qu’il avait pu joindre Kistnen sur ce numéro précis le 16 octobre. Soit MT et son représentant mentent, soit c’est le duo Simla Kistnen et Nasourlakhan Joomun qui fabriquent une histoire.

Mensonge-o-mètre : 5/5

Tu me vois, tu me vois pas…

C’est une des plus grosses énigmes de cette enquête. Comment se fait-il qu’il n’y ait aucun enregistrement des caméras CCTV du réseau à La Louise ? Soopramanien Kistnen, selon plusieurs témoignages, y était pour récupérer une importante somme d’argent considérée comme sa «part du gâteau». Il a bien été vu à Rose-Hill embarquant un autobus qui allait en cette direction.

Le constable Abhiram affecté au centre de contrôle d’Ébène jure sous serment que les caméras de La Louise étaient bien opérationnelles à cette date, mais les images sont introuvables. Son supérieur, le surintendant Vijay Kumar Dawon, a cependant complètement démenti les affirmations du constable. «Les caméras de La Louise ne sont entrées en opération que le 29 octobre», jure-t-il.

Mensonge-o-mètre : 5/5 (Avec deux policiers travaillant dans le même bureau qui n’arrivent pas à s’entendre)

«Kistnen is close to and recommended by PM»

C’est la compagnie de Soopramanien Kistnen qui avait décroché le contrat pour ériger les barrières pour éloigner les curieux à Pomponnette où la société Clear Ocean voulait construire un hôtel controversé. Lors de sa première déposition, Rocky Boodhoo, le représentant local de Clear Ocean, avait affirmé ne rien savoir des connexions de Kistnen.

Invité une seconde fois à la barre, il a bien reconnu ses e-mails, dont un où il demande à ses partenaires de payer pour les services de Kistnen car ce dernier est proche de «PM and Yogida».

Pour expliquer la contradiction entre sa première et seconde déposition, Rocky Boodhoo explique qu’il s’est mal exprimé dans le mail.

Rocky Boodhoo ne connaît officiellement pas les relations entre Soopramanien Kistnen et Yogida Sawmynaden. Il ne savait pas non plus en disant cela sous serment que cet e-mail allait lui être présenté.

Mensonge-o-mètre : 2.5/5 (Il n’est pas techniquement revenu sur ses propos, mais affirme que c’est son e-mail qui est mal formulé).

Rencontres Nuckchhed-Sawmynaden

Celui-là n’est pas encore un mensonge. Mais des témoins qui seront appelés à la barre cette semaine risquent fort de contredire Neeta Nuckchhed. Celle-ci affirme qu’elle n’a pas rencontré Yogida Sawmynaden depuis 2011, soit aux funérailles du père de ce dernier. «On s’appelait simplement de deux à trois fois par semaine», raconte-t-elle.

Mais deux personnes qui ont dit à l’express avoir assisté à au moins une rencontre récente entre l’ex-ministre et l’hôtesse de l’air sont en passe d’être appelés à la barre des témoins. Si elles répètent, sous serment, ce qu’elles ont dit à l’express, le «mensonge-o-mètre» risque de s’affoler

Mensonge-o-mètre : 1/5 en attendant la déposition de ces témoins