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Stratégie linguistique
Une analyse parue dans la presse montre la stratégie langagière de Nando Bodha, apparaissant dans un clip qui s’exprime en hindi, et non en bhojpuri. L’analyse montre que le démissionnaire du gouvernement a utilisé l’hindi pour montrer son niveau d’éducation, alors que le bhojpuri est associé, à Maurice, comme étant la langue populaire et moins prestigieuse. Si nous osions une comparaison, nous dirions que le bhojpuri est à ceux d’ascendance indienne qui sont éduqués ce que le créole est aux classes aisées à Maurice : la langue du peuple – et donc dévalorisée, même si cela a tendance à fortement changer. Il existe, dans quasiment tous les pays, des langues «bien vues» et des langues «mal vues». Mais, avec le temps, les choses changent. Dire donc que l’ancien ministre a stratégiquement fait son discours en hindi pour la raison qu’on lui prête, c’est sans doute vrai, mais il ne faut pas oublier que dans notre quotidien, lorsque nous passons d’une langue à l’autre pour parler, et, ce, en fonction des locuteurs qui sont en face de nous, nous mettons en place une «stratégie». Nous passons consciemment d’une langue à l’autre dans un but précis, évoluant dans une atmosphère particulière et jaugeant ce qui serait le plus pertinent de parler dans un contexte précis.
Plus encore, il arrive qu’en cas de danger, il peut arriver que nous utilisions une langue plutôt qu’une autre si l’emploi de cette langue peut nous sortir d’affaire – dans la mesure, bien entendu, où nous parlons au moins deux langues. Mais lorsqu’il s’agit d’un discours à visée politique, cela devient peut-être plus complexe, car nous réfléchissons à la langue que nous allons utiliser dans un but précis. Il est à remarquer aussi que c’est dans le contexte religieux (Mahashivaratri) que le ministre s’exprime en hindi, l’emploi de la langue semble ici être adressé à ces coreligionnaires qui, de plus, le comprennent – ce clip faisant suite à un «incident» à l’encontre de l’ex-ministre qui a eu lieu lors d’une cérémonie religieuse. Dans une même langue, il existe aussi la possibilité de passer d’un registre à l’autre, en fonction toujours des locuteurs et aussi de l’effet que l’on veut donner, de ce que l’on veut provoquer (rire, peur, adhésion, colère, anxiété, doute, etc.). Et, pour être plus précis, lorsque nous parlons, nous employons telle ou telle figure de style pour susciter un effet précis envers l’interlocuteur. C’est ce que les Grecs anciens, et les sophistes en particulier, appelaient la rhétorique, cet art de la parole qui permettait aux tribuns de faire plier un auditoire, de provoquer tout un panel d’émotion, en fonction de la stratégie qu’ils employaient. Deux mille cinq cents ans après, rien n’a changé !
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