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Famille du patient zéro (2020): «Nous étions comme des bêtes de foire, on dirait qu’on avait choisi d’apporter ce virus… »

18 mars 2021, 10:03

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Famille du patient zéro (2020): «Nous étions comme des bêtes de foire, on dirait qu’on avait choisi d’apporter ce virus… »

Triste commémoration en ce 18 mars 2021. L'année dernière à la même date, le chef du gouvernement Pravind Jugnauth, face à la presse, annonçait les trois premiers cas locaux du Covid-19 sur le territoire mauricien.

Il s'agissait d'un homme âgé de 59 ans qui revenait de l'Angleterre et que bon nombre finira par appeler le patient zéro puisqu'il n’était pas en quarantaine. C'est après qu'il s'est rendu à l’hôpital Victoria à Candos le 18 mars 2020 qu'il a été détecté positif. Les deux autres patients, âgés de 21 et 25 ans, travaillaient sur des bateaux de croisières et étaient, eux, en quarantaine.

Une année plus tard, l'express s'est entretenu avec les proches du patient zéro pour qui «le 18 mars 2020 restera à jamais graver».

Ils confient qu'ils ne s’attendaient pas à ce que ce membre de la famille soit porteur du virus. Le quinquagénaire était revenu à Maurice le 7 mars 2020, à bord du vol MK 053, en provenance d’Angleterre. Il était revenu sans son épouse et ses enfants pour assister à une prière en honneur de son frère décédé une semaine précédent son arrivée. «Comme il n’avait pas pu être là pour les funérailles, il a tenu à venir pour la prière.»

Selon ses proches, à aucun moment il a démontré des signes de maladie à son arrivée. Ils expliquent que lorsqu’il est venu, toute la famille était ravie de le revoir car cela faisait longtemps qu’il n’était pas revenu à Maurice. «Je me souviens que deux jours après son arrivée, le 9 mars 2020, ma famille et moi sommes allés le voir chez un autre cousin près de chez nous à Vacoas. Il habitait là-bas ce jour-là. Il était en pleine forme.»

Ce n’est que le 12 mars 2020, le jour de la prière que la famille a remarqué que l’homme de 59 ans n’allait pas très bien. Toutefois, avec toutes les précautions que le gouvernement disait prendre à cette époque à l’aéroport, personne ne soupçonnait qu’il a été infecté par ce qu’on nommait encore à cette époque : le coronavirus.

Et ce sont les jours qui ont précédé la prière, que l’état de santé du patient zéro s’est détérioré. Et c’est là qu’il était allé voir le Dr Bruno Cheong (décédé lui aussi des suites du virus quelque temps après) avant de se rendre à l’hôpital où on apprendra qu’il est porteur de la maladie.

Pour cette famille, il est très difficile de se rappeler toutes ces circonstances. La belle-sœur du patient zéro explique que cela leur a pris beaucoup de temps pour remonter la pente. «Dépi nou’nn rantré an mars sa lanéla, nou pé rémémor tou sa ki finn arivé lané dernier. Li pa fasil parski nou’nn viv bokou moman dir.»

En effet, toutes les personnes qui étaient à la séance de prière le 12 mars 2020, c’est-à-dire toute la famille sans exception, avaient été mises en quarantaine et cinq d’entre eux ont été détectés positifs. «Antou nou ti a 30 anviron kinn al karantenn. Kan ti pé tann tes, tousala vini kan nou ti an karanten, nou ti extra trakasé sirtou pou mo belmer ki éna 80 ans. Selma nou pa pou blié osi kouma Dr Gujadhur tinn ed nou», raconte la belle-sœur du quinquagénaire.

Si les moments en quarantaine et l’angoisse que cela leur a apportée sont difficiles à oublier, l’étape après Covid-19 l’est encore plus. En effet, reprendre une vie normale a été très dur non seulement, parce que le deuil du patient zéro, décédé le 22 mars 2020, était encore dur à vivre mais aussi à cause du jugement et des stigmatisations auxquels ils ont dû faire face. «Pendant des mois, le voisinage, entre autres, ne nous parlait presque pas. L’attitude des habitants avait changé à notre égard, nous étions comme des bêtes de foire, on dirait qu’on avait choisi d’apporter ce virus dans la famille.» Ils expliquent que des rumeurs insensées n’arrêtaient pas de fuser de tous les côtés, les concernant. Des choses très difficiles à accepter quelques fois.

Maintenant que le Covid-19 a refait surface cette année, cette famille révèle être consciente de toute l’angoisse que cela peut causer et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils prennent beaucoup de précautions. «Cette année, nous sommes en confinement mais certains membres de notre famille font partie des services essentiels. Nous faisons très attention et sommes de tout cœur avec ceux qui comme nous, l’année dernière, vivent cette situation stressante. Nous leur souhaitons beaucoup de courage.»