Publicité

Des Mauriciens bloqués à La Réunion malades, en deuil et sans argent

11 mai 2021, 19:33

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Des Mauriciens bloqués à La Réunion malades, en deuil et sans argent

Ils ne sont pas partis à La Réunion pour des vacances ou pour se la couler douce. Une vingtaine de Mauriciens, qui ont pris l’avion l’année dernière, pour des raisons urgentes, sont restés bloquer à l’île sœur. Désespérés et avec les poches presque vides là-bas, ils ne cessent d’appeler à l’aide l’État mauricien pour qu’ils puissent enfin rentrer.

Hier, lundi 10 mai, ils ont rencontré le président de l’association Dis-Moi (Droits humains de l’océan Indien) afin de fournir tous leurs documents pour les renvoyer à nouveau aux instances concernées.

«Ce qu’il faut savoir, c’est qu’avant que ces personnes ne viennent à La Réunion, elles ont eu besoin de plusieurs documents en règle attestant l’urgence de venir ici. Certaines devaient se faire soigner ou encore devaient venir pour un proche très malade. Maintenant, pour rentrer à Maurice, elles rencontrent toute une panoplie de problèmes, alors que tous leurs documents sont en règle, que leurs vols avaient déjà été prévus et qu’elles n’ont plus beaucoup de ressources pour rester dans le pays», explique Didier Sooben.

Selon lui, ce qui peine le plus, c’est que certains de ces Mauriciens ne savent même plus comment faire pour continuer à payer leur hébergement.

Décès de son frère

Tel est le cas de Guy Paul, qui a accepté de se confier. Cet homme de 47 ans s’est rendu à La Réunion le 15 septembre 2020, après avoir appris, le 9 septembre, que son frère, qui était en transit là-bas, est tombé dans un coma diabétique.

«Le 9 septembre, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de BellePierre, à Saint-Denis, m’a appelé pour m’informer que quelqu’un avait retrouvé mon frère inconscient dans son studio et qu’il était dans le coma. Comme il était seul là-bas, j’ai dû faire plusieurs démarches pour aller à son chevet. J’ai tout laissé ; mon travail, ma famille, mes projets et je suis parti.»

Guy Paul déclare que tous les jours, depuis qu’il a posé ses bagages dans un studio à La Réunion, il a fait le va-et-vient à l’hôpital pour être aux côtés de son frère. Ce dernier est resté dans le coma jusqu’au 28 décembre 2020, jour où il est décédé des suites d’une hypoglycémie.

«Après sa mort, j’ai dû encore faire plusieurs démarches afin de pouvoir l’incinérer et pour ramener ses cendres chez nous, à Maurice. C’était une étape très difficile car en plus de la peine que je ressentais d’avoir perdu mon frère, j’ai rencontré beaucoup d’autres problèmes pour effectuer les démarches, mais j’ai réussi à tout finir en février.»

Cependant, déplore-t-il, «il n’y avait pas d’hôtel disponible à Maurice pour que je puisse faire la quarantaine ce mois-là». Du coup, son vol a été reporté au 8 mars.

Il n’embarque pas malgré les vols

Toutefois, le 5 mars, il reçoit un courriel d’Air Mauritius lui expliquant que son vol a été annulé suivant à la fermeture des frontières avec La Réunion. «Ce qui fait que depuis mars, je suis coincé ici. On m’avait dit qu’il y aurait un autre vol le 5 avril, mais encore une fois on ne m’y a pas mis. Le propriétaire du studio où j’habite en ce moment me met la pression pour que je lui verse de l’argent, mais je n’en ai pas. J’ai fait plusieurs emprunts pour venir ici et il n’était pas prévu que je reste autant de mois.»

Guy Paul a peur de se retrouver à la rue avec les cendres de son frère.

Ce qui l’angoisse le plus, raconte notre interlocuteur, c’est que les cendres de son frère sont avec lui depuis mars. «C’est interdit à La Réunion de garder des cendres. On nous les donne juste avant notre vol mais comme il a été annulé, les cendres de mon frère sont là, ce qui est un délit.»

Comme Guy Paul, une vingtaine de Mauriciens souffrent du fait d’être bloqués. Ils ont entamé plusieurs démarches mais en vain. Leurs courriels adressés au ministère des Affaires étrangères sont restés lettre morte. Et le manque d’argent ne fait que rajouter une couche à leur angoisse car ils ne savent pas s’ils devront s’acquitter des frais pour la quarantaine à leur retour à Maurice.

Aller-retour tous les lundis

Ils ne comprennent, par ailleurs, pas pourquoi ils ne peuvent rentrer alors que chaque lundi un vol aller-retour Maurice-Réunion, Réunion-Maurice est programmé. D’autant que celui-ci vient avec des passagers mais retourne vide, soutiennent-ils.

Nous avons tenté de contacter le ministère des Affaires étrangères pour sa version des faits mais en vain. Les coups de fil au bureau du ministre Alan Ganoo sont restés sans réponse. Du côté de l’ambassade de France à Maurice, un préposé a affirmé ne pas être au courant de cette situation.

 «Nous avons aussi tenté de passer par le consulat de Maurice à La Réunion, qui est un consulat bénévole ,mais ils ne peuvent pas les aider. Nous allons continuer à mettre la pression et les épauler en espérant que le gouvernement mauricien fera le nécessaire», conclut Didier Sooben.