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Affaire Rama Valayden: l’avocat a-t-il été arrêté à 2 heures du matin ?

20 mai 2021, 22:12

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Affaire Rama Valayden: l’avocat a-t-il été arrêté à 2 heures du matin ?

L’interpellation de Rama Valayden à son domicile lundi à 2 heures du matin a provoqué de fortes réactions. Le DCP Heman Jangi jette un doute dans l’esprit en déclarant que c’est Valayden lui-même qui a demandé à être présent aux Casernes centrales durant la nuit. L’avocat s’explique en revenant sur cette fin de journée du dimanche.

Rama Valayden nous explique qu’après la manifestation pro-palestinienne, vers 14 heures dimanche, il est informé qu’une enquête policière est déjà ouverte par la police, à 14 h 30. À 18 heures, il est prévenu que «boul rouz lor li». Il est informé vers 22 h 30 qu’il sera arrêté. Peu après minuit, il reçoit un appel de l’avocat Neelkanth Dulloo, l’informant qu’il sera peutêtre convoqué, lui, Valayden, car le client de Neelkanth Dulloo, Noorani Aurdally, le Constituency Clerk d’Ehsan Juman, a déjà été convoqué par la police. Rama Valayden appelle alors Noorani Aurdally, qui lui affirme qu’il est questionné à propos de la manif de dimanche. L’avocat parle alors au chef inspecteur en charge de l’enquête qui lui précise que c’est à propos d’une violation de la Public Gathering Act. Valayden est également informé par un policer qu’une liste de personnes à interroger est déjà prête et que plusieurs équipes de la police sont déjà sorties pour aller à leur rencontre.

Traitement de faveur

L’avocat, pressentant une arrestation, téléphone à plusieurs de ses amis avocats, notamment des «Avengers», plus Navin Ramchurn. Ce dernier, Shahzaad Mungroo et Sanjeev Teeluckdarry arrivent chez lui aussitôt, vers 1 heure du matin. Navin Ramchurn, toujours selon Valayden, appelle alors le Deputy Commissioner of Police (DCP) Heman Jangi, pour lui reprocher sa façon de faire et surtout de vouloir arrêter Rama Valayden à cette heure alors que ce dernier ne jouit pas d’une bonne santé. Jangi aurait informé Ramchurn que Valayden serait convoqué le matin à 9 heures et pas en pleine nuit. Navin Ramchurn aurait demandé au DCP d’organiser la convocation à 8 heures car il avait une affaire en cour à 9 heures.

C’est lorsque Navin Ramchurn vient rendre compte à Rama Valyden de sa conversation avec Jangi que l’avocat des «Avengers» apprend les démarches de Ramchurn, dont il nous dit qu’il n’était pas au courant et qu’il n’approuvait pas. Il le fait savoir à Ramchurn : «Pourquoi as-tu demandé un traitement de faveur pour moi alors que plusieurs personnes ont déjà été interpellées ?» Ramchurn aurait alors informé Jangi que Valayden ne veut pas de traitement de faveur et dit «si vous voulez l’arrêter, il vous attend».

Rama Valayden nous confie qu’étant le principal organisateur du rassemblement, il ne voulait pas que d’autres en répondent. «À cet instant, je pensais que la police pourrait organiser une rafle d’une centaine de personnes qui ont participé à la manif et cela, je ne le souhaitais pas pour plusieurs raisons, dont le risque d’un désordre général.» L’homme de loi ajoute que le plus vite il s’expliquerait et obtiendrait des informations sur la démarche policière, mieux ce serait et «si possible faire annuler la rafle éventuelle en démontrant toutes les preuves au sujet de la bonne marche de la manif».

Lorsque les policiers arrivent à son domicile vers 2 heures du matin, eux qui auraient l’habitude de procéder à des interpellations de citoyens lambda sans les informer de la raison de l’interpellation, ils se seraient retrouvés sans voix lorsque l’homme de loi leur demande la nature de la charge contre lui. Ils seraient ressortis pour prendre cette information au téléphone. En fait, selon la procédure policière, les agents de l’ordre doivent informer la personne de la nature de l’accusation quand il s’agit d’une arrestation. Toujours est-il que les policiers ne peuvent pas lui fournir ces renseignements et lui promettent de le faire aux Casernes centrales. Valayden nous fait savoir qu’il a accepté quand même de suivre les policiers, pour ne pas compliquer davantage la situation et qui voulait voir de plus près ce qu’il se passait là-bas avec trois personnes, dont Shahzaad Mungroo, convoquées. D’autant plus que Ramchurn lui aurait dit que Jangi avait demandé si Valayden résistait à l’arrestation. «Comment voulez-vous que je résiste à la force !» nous lance-t-il.

Transport gratuit

Rama Valayden affirme qu’il était en compagnie de plusieurs avocats et a informé les policiers qu’il allait venir dans la voiture de Sanjeev Teeluckdarry. Ce que les policiers ont refusé. Sanjeev Teeluckdarry nous l’a confirmé. Cependant, Valayden a accepté de s’engouffrer dans la voiture policière qui a filé vers Port-Louis à tombeau ouvert. Ce qui d’ailleurs a effrayé un peu l’avocat qui leur a demandé pour quelle raison ils roulaient aussi vite. Sanjeev Teeluckdarry a suivi tant bien que mal la voiture policière jusqu’aux Casernes centrales. Valayden se demande toujours pour quelle raison on l’a traité comme un dangereux terroriste.

Mais y a-t-il eu arrestation comme l’allèguent Rama Valayden et ses proches ? Selon le DCP Heman Jangi, il s’agissait tout simplement du transport fourni gracieusement par la police pour chercher l’avocat, qui aurait exprimé le souhait de venir aux Casernes centrales pour donner sa déposition à la suite de l’arrestation de trois autres personnes. Or, pourquoi les policiers qui sont venus au domicile de Valayden ne lui ont-ils pas dit qu’il n’y a pas d’arrestation ni même d’interpellation mais qu’ils étaient venus juste pour le conduire aux Casernes centrales ?

De plus, la police fournitelle un véhicule à quelqu’un qui veut bien se rendre dans une station pour donner une déposition ? Oui, nous répond-on du côté de la police. «Si ce n’est pas une arrestation, c’est quoi ? D’autant plus qu’après l’interrogatoire, j’ai été ‘allowed to go’, ce qui présume que je n’étais pas libre juste avant», commente Valayden. Il soupçonne aussi qu’on allait lui faire un test PCR et éventuellement le confiner.

 

Noorani Aurdally attend des heures

<p>Noorani Aurdally, lui, est passé par une différente procédure. Les policiers ont débarqué chez lui à 23 h 30 dimanche. Ils lui ont dit de les suivre car &laquo;<em>nou bizin ou pou enn lanket lor enn manif ilégal&raquo;.</em> Les policiers n&rsquo;ont montré aucun mandat d&rsquo;arrêt. Aux Casernes centrales, on l&rsquo;a placé dans un bureau de l&rsquo;IT Unit où il a poireauté pendant plusieurs heures. Mais après qu&rsquo;il a refusé de parler en l&rsquo;absence de son homme de loi, il a été autorisé à appeler Me Neelkanth Dulloo, qui est venu l&rsquo;assister (c&rsquo;est lui qui a prévenu Valayden de la situation, voir plus haut). Aurdally est revenu le lendemain matin à 9 heures pour faire face à une parade d&rsquo;identification alors que cet exercice n&rsquo;a pas été requis pour Hossenbocus. Il est ensuite resté aux Casernes jusqu&rsquo;à 11 heures lorsqu&rsquo;il a été pris d&rsquo;un malaise. Il souffre déjà de certaines complications de santé. Après son retour aux Casernes, il a été autorisé à rentrer chez lui.</p>

<h3>L&rsquo;interrogatoire musclé de Sheik Muktar Hossenbocus</h3>

<p>Sheik Muktar Hossenbocus, le <em>Constituency Clerk</em> d&rsquo;Osman Mahomed, nous raconte sa journée de dimanche. &laquo;Osman Mahomed m&rsquo;a demandé d&rsquo;obtenir la confirmation que la marche pacifique pro-palestinienne avait bien reçu l&rsquo;autorisation des autorités. Ce qu&rsquo;il a fait. Il en a informé le député rouge qui a alors décidé de venir en observateur. Il était accompagné d&rsquo;Ehsan Juman et du <em>Constituency Clerk </em>de ce dernier, Noorani Aurdally. Les <em>Constituency Clerks</em> affirment être restés ensemble loin du rassemblement avec les députés.</p>

<p>Pourtant, ils ont été inquiétés par la police mais pas les députés ! Hossenbocus nous raconte comment il a été réveillé à 1 heure du matin et a vu quatre voitures de police devant sa porte. Les policiers lui ont demandé de les suivre dans leur véhicule. Ce qu&rsquo;il a fait après avoir informé Osman Mahomed. Ce dernier l&rsquo;a rejoint vers 2 heures aux Casernes centrales mais ni lui ni l&rsquo;avocate Roubna Daureeawoo n&rsquo;ont été autorisés à accompagner Hossenbocus. Ce dernier a passé plus de 4 heures dans un bureau annexe du CCID et il a dû subir une sorte d&rsquo;interrogatoire musclé avec répétitions de questions. <em>&laquo;ll manquait juste les baffes.</em>&raquo; À 5 heures il a été autorisé à partir après avoir signé sa déposition en l&rsquo;absence de son avocate. Les policiers lui ont demandé de demeurer à leur disposition et de revenir le matin à 9 heures. Ce qu&rsquo;il a fait, accompagné de son avocate. Mais ils ont attendu jusqu&rsquo;à 11 heures pour s&rsquo;entendre dire qu&rsquo;il n&rsquo;y avait rien contre lui.</p>

<h3>L&rsquo;Ordre des avocats convoque Rama Valayden</h3>

<p>Le 25 mai. C&rsquo;est la date à laquelle Me Rama Valayden a été convoqué au siège de la <em>Mauritius Bar Association </em>(MBA). Par le biais d&rsquo;une lettre adressée à l&rsquo;homme de loi, hier, la secrétaire de l&rsquo;Ordre des avocats, Me Mayuri Bunwaree-Ramlackhan, a sollicité la présence de Rama Valayden. Il devra apporter sa version des faits sur la polémique entourant son arrestation, lundi à 2 heures<em>. &laquo;Le Conseil souhaite considérer votre version des faits en écrit portant sur le fil des événements sur votre arrestation. À noter qu&rsquo;aucun renvoi vous sera accordé et si vous n&rsquo;êtes pas présent, la MBA va poursuivre avec cette enquête qu&rsquo;on a démarrée&raquo;</em>, peut-on lire dans le document. C&rsquo;est en vertu des articles 3 (1) (b) et 2 (d) (h) de la <em>&laquo;MBA Act&raquo; </em>qu&rsquo;une investigation a été lancée. Pour rappel, Me Navin Ramchurn a été convoqué mardi par la MBA où il a dressé une chronologie des événements. &laquo;<em>Rama Valayden avait sollicité mes services comme avocat pour le représenter. Étant donné que les enquêteurs du Central Criminal Investigation Department (CCID) avaient démarré quelques interpellations par rapport à la manifestation illégale en faveur des Palestiniens, j&rsquo;ai appelé Jangi de ma propre initiative pour savoir ce qu&rsquo;il en est pour mon client Valayden&raquo;, </em>explique-t-il.</p>

<p>Il aurait appelé Heman Jangi vers 00 h 26 qui aurait fixé le rendezvous le matin aux Casernes centrales. Par la suite, il affirme avoir appelé son client vers 00 h 27. &laquo;<em>Et c&rsquo;est là que Rama Valayden a refusé l&rsquo;accord. Il m&rsquo;a dit : dir zot vini asterla mem.&raquo;</em></p>

<h3>Flashback...</h3>

<p><strong>Dimanche 16 mai : </strong>Un rassemblement pro-Palestine se tient dans la capitale, devant la mairie de Port-Louis, organisé par Rama Valayden et le Groupe de Réflexion Emma- nuel Anquetil.</p>

<p>Dans la nuit de dimanche à lundi : Deux personnes sont interpellées. Il s&rsquo;agit des<em> Constituency Clerks</em> d&rsquo;Osman Mohamed et Ehsan Juman, Sheikh Hossenbocus et Noorani Aurdally. Les policiers débarquent chez Rama Valayden à 2 heures du matin, pour son interrogatoire. Il est emmené aux Casernes centrales où il est questionné par les enquêteurs pendant plus de six heures.</p>

<p><strong>Lundi 17 mai : </strong>Entre-temps les journalistes se font bousculer par les membres des forces de l&rsquo;ordre devant les Casernes centrales. L&rsquo;épouse de Rama Valayen, Taslima, est prise de malaise et conduite à l&rsquo;hôpital Jeetoo.</p>

<p><strong>Dans la soirée du lundi :</strong> le DCP Heman Jangi et le Premier ministre interviennent sur la télévision nationale. Si le patron du CCID soutient que c&rsquo;est l&rsquo;avocat de Valayden, Me Navin Ramchurn, qui a demandé que son client soit conduit aux Casernes centrales aux petites heures, Pravind Jugnauth parle, lui, de l&rsquo;irresponsabilité de tenir un rassemblement en cette période de crise sanitaire.</p>

<p><strong>Mardi 18 mai : </strong>l&rsquo;interrogatoire de Rama Valayden se poursuit. Aucune charge n&rsquo;est retenue à sa sortie des locaux du CCID, en début d&rsquo;après-midi.</p>

<p>Entre-temps, Me Navin Ramchurn est convoqué par le <em>Bar Council</em> pour s&rsquo;expliquer sur les propos d&rsquo;Heman Jangi. Rama Valayden réfute la thèse de mise en scène. Cependant, les deux confirment avoir demandé à Jangi d&rsquo;envoyer ses policiers.&nbsp;</p>