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Les dits et non-dits du discours de Renganaden Padayachy

18 juin 2021, 22:36

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Les dits et non-dits du discours de Renganaden Padayachy

Les associations de comptables ont fait appel à un économiste, un spécialiste fiscal, un expert de l’audit et un spécialiste des PME pour décortiquer les mesures du ministre de Finances. Ont été passés au crible, les finances publiques et les mesures pour renflouer les caisses de l’État, les incitations à l’investissement pour renforcer le développement, le sort des PME après deux confinements et l’intérêt du gouvernement à faire émerger un secteur respectueux de l’environnement.

Cette année encore, les comptables agréés n’ont pas raté l’occasion de passer au crible les données comptables du Budget 2021-22 du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et les éléments susceptibles de l’empêcher d’atteindre ses objectifs. Restrictions sanitaires dues à la pandémie de Covid-19 obligent, l’Association of Chartered Certified Accountants (ACCA), dirigée par Madhavi Ramdin, et le Mauritius Institute of Professional Accountants (MIPA), présidé par Vivek Gujadhur, n’ont eu d’autre choix que de recourir à une conférence virtuelle le lundi 14 juin afin que ses membres puissent analyser le Budget 2021-2022.

L’animation de cet échange a été confiée à Pierre Dinan, économiste et consultant, Gary Gowrea, spécialiste en fiscalité et fondateur/directeur de LTS Tax Services Ltd, Anthony Leung Shing, Country Senior Partner de PwC Mauritius, et Michael Pompeia, Head of Business Support Services à SME Mauritius. La séance de questions/réponses était animée par Clensy Appavoo, Chief Executive Officer de HLB Mauritius.

La principale préoccupation de Pierre Dinan s’articule autour des finances publiques. Pour cause : les éléments susceptibles d’augmenter les dépenses publiques sont nombreux. Ce sont, entre autres,l’accident duWakashio et ses conséquences qui ont démontré un manque d’équipements; la nécessité de satisfaire les besoins supplémentaires en production électrique propre ; l’obligation d’honorer le verdict du Conseil privé en faveur du groupe Bhunjun sur la résiliation du contrat d’approvisionnement en produits pétroliers; l’augmentation de Rs 35,6 milliards des salaires du service public ; la haussedes social benefits de Rs 45,7 milliards à Rs 46,9 milliards.

Qui parle de dépenses ne peut écarter son corollaire que sont les recettes. Selon l’économiste, la décision de l’État de recourir aux fonds de la Mauritius Revenue Authority (MRA) et du Central Electricity Board (CEB) pour remplir ses caisses pourrait éventuellement lui permettre de réduire son déficit budgétaire mais il y relève pourtant une contradiction. «Certaines sources de financement attirent particulièrementl’attention. Le transfert de plus de Rs 11 milliards d’organisations publiques vers les caisses du gouvernement pourrait priver ces organisations des fonds nécessaires à leur investissement dans leur développement.»

 Il regrette notamment l’absence de transparence par rapport aux fonds spéciaux des comptes de la Banque centrale auxquels l’État a eu recours pour renflouer ses caisses et le silence du ministre par rapport à la situation de la balance des paiements. «Il est regrettable que rien n’ait été dit sur la balance des paiements, car nous ne vivons pas dans un vase clos», avance-t-il,«d’autant que cette balance était négative de Rs 3,45 milliards en juin 2020 et qu’on ne peut s’attendre à une amélioration avec Rs 172 milliards d’importations et seulement Rs 70,7 milliards d’exportations à la fin de la présente année financière».

 Un autre sujet à l’ordre du jour du forum virtuel concerne la fiscalité et la présence du secteur mauricien des services financiers sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) et la liste rouge de l’Union européenne (UE). L’expert fiscal Gary Gowrea note particulièrement la liste des incitations fiscales qui fournissent la base nécessaire à la réalisation des projets annoncés dans le Budget. Il cite, entre autres, les nouveaux investissements à plus ou moins grande échelle avec l’autorisation de l’Economic Development Board, organisme chargé de conseiller le gouvernement en développement ; le soutien au Covid-19 Vaccination Programme Fund ; le retour du Tax Arrears Settlement Scheme (TASS), qui permet aux contribuables de régulariser leur situation auprès de la MRA jusqu’à décembre 2021 sans payer de pénalités ni d’intérêts ou encore la décision de diviser par deux le montant minimum légal de l’obligation qu’ont les organisations financières (bancaires et non-bancaires) de rapporter à la MRA des dépôts. Avec la descente prochaine sur le terrain des experts du GAFI pour une évaluation du mode d’opération des sociétés évoluant dans le secteur local des services financiers dans le combat contre le blanchiment et le financement du terrorisme, Gary Gowrea exprime le souhait que la prochaine session plénière de l’instance financière prévue en octobre ou novembre opte pour une sortie de Maurice des listes du GAFI et de l’UE.

Concurrence étrangère

 Indispensable comme moyen pour permettre à un pays d’augmenter ses richesses et par ricochet d’améliorer le niveau et la qualité de vie de ses citoyens, l’investissement était également inscrit au programme d’échanges de la conférence virtuelle. Pour Anthony Leung Shing à qui avait été confiée la tâche d’en repérer l’existence dans le Budget 2021-2022, il y a une réelle volonté du gouvernement d’attirer des compétences et investissements de l’étranger nécessaires pour amorcer la prochaine étape de son développement économique. Il a mis en perspective l’impact sur la population, en particulier les jeunes frappés par un taux de chômage de 26 %, de l’arrivée sur le marché de compétences venant de l’étranger et de celles acquises par des étudiants étrangers dans des institutions tertiaires à Maurice. Anthony Leung Shing estime que la solution consiste à créer les conditions pour permettre aux jeunes Mauriciens de hausser considérablement le niveau de leurs compétences afin d’être mieux armés pourfaire face à la concurrence des étrangers.

Dans la volonté affichée du gouvernement d’augmenter la part des sources renouvelables pour la production d’énergie électrique et les incitations pour accélérer l’utilisation de panneaux photovoltaïques, Anthony Leung Shing voit l’émergence d’un vrai potentiel de développement d’activités respectueuses de l’environnement. Pour le Country Senior Partner de PwC Mauritius, la décision d’ouvrir davantage la possibilité aux étrangers d’acquérir des biens immobiliers dans l’Invest Hotel Scheme (IHS) et la solution proposée du régime fiscal aux détenteurs de visas Premium sont des atouts susceptibles d’augmenter la contribution du tourisme à l’économie locale. Michael Pompeia de Business Mauritius s’est, lui, appesanti sur la situation des petites et moyennes entreprises (PME), confrontées aux graves problèmes de trésorerie et de compétitivité. Une situation qui, dit-il, a considérablement empiré avec deux confinements en un an qui ont causé une réduction des activités et donc des revenus, à laquelle s’ajoute une hausse des coûts des intrants et du fret. «Les mesures budgétaires peuvent aider, grâce aux prêts à des taux très bas ou au taux zéro de la Banque de développement, à l’amnistie sur les trade fees et les pénalités pour certaines catégories d’entreprises, au Freight Rebate Scheme et aux autres mesures d’accompagnement financier ou fiscal.

Michael Pompeia soutient que la création du Modernisation and Transformation Fund de Rs 5 milliards sera d’un apport certain estimant que des PME ont clairement besoin de se moderniser pour devenir compétitives. Il salue, par ailleurs, l’annonce de l’acquisition prioritaire auprès des producteurs locaux, mesure qui aidera certainement les PME.