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Padayachy et Duval croisent le fer sur la pertinence d’un deuxième budget supplémentaire
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Padayachy et Duval croisent le fer sur la pertinence d’un deuxième budget supplémentaire
Le ministre des Finances est catégorique : toutes les dépenses figurant dans le budget supplémentaire ont été prises en compte dans les «Budget Estimates» de 2021-22. Mais pour le leader de l’opposition, ce mini exercice budgétaire est «fake».
Au-delà de la démarche du gouvernement de créer un «war chest» pour les prochaines élections générales, c’est la raison-d’être même de présenter un deuxième budget supplémentaire à la veille de la clôture de l’année fiscale 2020-21, qui est remise en cause. Face aux raisons avancées hier au Parlement pour justifier le vote d’un montant de Rs 23,6 milliards pour faire face aux «major unforeseen developments», le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval rétorque et qualifie de «fake» ce mini exercice budgétaire.
En fait, les spécialistes s’interrogent sur le timing de ce nouvel exercice après trois semaines de la présentation du Budget national. Et après un premier budget supplémentaire voté en mai 2021 avec l’injection de Rs 17 milliards de fonds propres au sein du capital du National Property Fund en vue de permettre à cette société d’honorer ses engagements financiers. «Nous comprenons bien qu’il a eu entre-temps l’effet économique d’un deuxième lockdown en mars 2021 et de la réclamation de Betamax. Mais les techniciens du ministère des Finances auraient dû déjà ‘factor in’ ces dépenses dans leurs projections», se demandent-ils.
Or, le ministre des Finances persiste et signe : toutes les dépenses figurant dans ce budget supplémentaire ont été prises en compte dans les Budget Estimates de 2021-22 dont le plus gros montant est destiné au National Resilience Fund (Rs 9,2 milliards) pour financer le dispositif du chômage partiel sous le Wage Assistance Scheme et le Self-Employed Assistance Scheme. Mais Xavier-Luc Duval s’étonne sur les Rs 16,7 milliards transférées au Special Fund. «Pour l’année financière qui s’achève, il doit y avoir déjà de Rs 16 à 17 milliards. Est-ce un trésor de guerre qu’on est en train de constituer pour affronter la prochaine bataille électorale en 2024 ?», dit-il.
Déficit budgétaire
Toujours est-il que Renganaden Padayachy a précisé hier que le paiement de la facture de Rs 4,7 milliards influera négativement sur le déficit budgétaire qui passera de 5,6 % du PIB à 6,6 % du PIB au 30 juin 2021. Soit 1 % de plus. Idem pour la dette publique qui augmentera du même ordre, 96 % du PIB contre une estimation budgétaire initiale de 95 % du PIB. Une musique que Xavier-Luc Duval ne veut pas entendre, insistant sur le fait que ces deux indicateurs économiques ne valent rien aujourd’hui vu qu’ils ont été au départ maquillés dans le Budget 2021-22. Plus particulièrement avec le transfert de Rs 32 milliards du Special Reserve Fund de la Banque de Maurice au gouvernement et la somme de Rs 28 milliards qui fait toujours débat sur sa définition : est-ce un prêt, une avance ou carrément une contribution de la BoM au Trésor public ? «Il y a Rs 158 milliards qui ont quitté la trésorerie de la BoM pour atterrir à la MIC et dans les caisses du gouvernement. Celui-ci doit faire preuve de la transparence et souligner la provenance de ces fonds», remarque le leader de l’opposition.
Faut-il comprendre que le FMI a approuvé ces transactions comme le gouvernement tente de faire croire ? Absolument pas, affirme Xavier-Luc Duval en s’appuyant sur le rapport complet d’Article IV publié tard lundi soir. Le full staff report, dit-il, est catégorique. A savoir que la BoM doit s’abstenir de transférer de nouveaux fonds au gouvernement et que la Mauritius Investment Corporation (MIC) ces- serait être financée par l’Etat. Mais il y a mieux : le rapport invite la BoM à prendre «concrete steps (…) to strengthen the BOM’s balance sheet in the wake of the large transfer and to cover the costs of effective monetary policy». Autant de raisons, selon le leader de l’opposition, qui plaident en faveur d’un retour de ces fonds à la BoM et «to avoid further deterioration of the BOM capital».
Or, la décision de dévaluer brutalement et massivement la roupie vis-à-vis du dollar américain lundi s’inscrit forcément dans une logique de recapitaliser la BoM. En imposant un taux de change de Rs 42,50 au dollar et engrangeant des gains provenant de la réévaluation des réserves internationales de USD 7 milliards, la BoM n’a fait qu’alimenter son Special Reserve Fund (SRF). Or, les spécialistes se demandent si l’imbroglio financier du traitement des Rs 28 milliards alloués au ministère des Finances en tant que prêt alors que le ministre, lui, ne veut rien entendre et insiste pour que ce soit un don, semble être en passe de résolution. Cela, vu que la dévaluation continue de la roupie d’ici au 30 juin pourrait continuer à alimenter le SRF jusqu’à ce qu’il ait atteint un niveau pour recapitaliser la banque et possiblement de Rs 28 milliards additionnelles afin que cette somme puisse être totalement déduite du SRF.
A cet effet, Xavier-Luc Duval veut mettre le cabinet d’audit KPMG devant ses responsabilités au moment où il entamera l’audit de la BoM. Notamment l’entrée comptable qu’il privilégiera pour les Rs 28 milliards.
Si cette dévaluation de la monnaie locale a permis à la BoM de réalimenter son SRF, cette démarche est appelée à engendrer une spirale inflationniste qui impactera le coût d’opération de plusieurs secteurs économiques tout en affectant le porte-monnaie des consommateurs. Ce qui fait dire au leader de l’opposition que le ministre Padayachy n’a fait que déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul.
Pour autant, le rapport Article IV recommande à la BoM de revoir sa stratégie monétaire en vue d’introduire plus de flexibilité dans sa politique de taux de change en vue d’assurer la liquidité du marché et éliminer les risques de volatilité. Des mesures qui entraîneront la mise en place d’une stratégie de «targeting inflation».
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