Publicité

Citoyenneté: Passeport britannique, le refuge que réclament les Chagossiens

12 juillet 2021, 22:15

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Citoyenneté: Passeport britannique, le refuge que réclament les Chagossiens

Le Nationality and Borders Bill, présenté au Parlement britannique, serait une étape vers la justice pour les Chagossiens n’ayant pas obtenu le passeport anglais. Cependant, retient-on, cette demande ne doit pas être confondue avec la lutte de Maurice pour la souveraineté ou le retour aux Chagos.

It's now or never. Pour les Chagossiens – surtout ceux vivant en Angleterre –, c’est à nouveau le temps de l’action. Ils se mobilisent pour (re)demander le passeport britannique. C’est le Nationality and Borders Bill, projet de loi pour combattre l’immigration illégale en Grande-Bretagne, présenté en première lecture au Parlement britannique, le mardi 6 juillet, qui pousse le groupe Chagossian voices à donner de la voix.

Frankie Bontemps et Jimmygrick Elysée sont parmi les principaux animateurs de ce groupe de Chagossiens vivant en Angleterre. «Ce projet de loi ne mentionne pas nommément les Chagossiens», précise d’emblée Jimmygrick Elysée, dans une vidéo mise en ligne le jour de la présentation du projet de loi au Parlement britannique. «Mais il y a une clause qui concerne spécifiquement les British Overseas Territories Citizens et ceux qui, victimes d’injustice, n’ont pu obtenir la citoyenneté britannique. Zot inn pare pou koriz sa bann linzistis-la. C’est une bonne nouvelle.» Son souhait : «Que tous les Chagossiens et leurs descendants puissent obtenir le passeport britannique.»

Plusieurs catégories de Chagossiens sont déjà éligibles au passeport britannique ou le détiennent déjà. Il s’agit des natifs de l’archipel, les déportés «avec une documentation incontestable» ainsi que les Chagossiens de deuxième génération nés entre 1969 et 1985 «qui n’ont pas eu trop de problèmes pour obtenir la nationalité britannique». Ceux nés après 1985 «n’obtiennent pas le passeport alors qu’ils y ont droit», estime Chagossian voices.

Dans le cas des Chagossiens de troisième génération, «beaucoup sont en Angleterre depuis l’enfance. Mais ils sont considérés comme clandestins quand ils atteignent l’âge de 18 ans». Il y a aussi le cas des natifs des Chagos issus de parents qui n’étaient pas mariés légalement. Ces situations, Chagossian voices les a exposées dans un document soumis lors des consultations publiques sur le projet de loi, qui qui ont pris fin le 6 mai.

Autre point soulevé par Chagossian voices auprès des autorités britanniques : le «visa-earning requirement». Il s’agit du salaire et/ou revenus des Chagossiens pris en compte avant que ne soit accordée la nationalité britannique. «90 % des Chagossiens ne gagnent pas plus de 20 000 euros, le barème qui permet de faire venir sa famille en Angleterre.» Ce qui explique, selon Jimmygrick Elysée, nombre de «situations critiques». Quand des partenaires de Chagossiens entrent en Angleterre avec un visa touriste et y restent après l'expiration du visa, ils sont considérés comme des clandestins et risquent la déportation.

Combien de Chagossiens y a-t-il en Angleterre ? Jimmygrick Elysée avance le chiffre. «5 000. Mais seuls 500 d’entre eux ont signé la pétition envoyée aux autorités britanniques pendant les consultations publiques sur ce projet de loi.» D’où l’appel de Frankie Bontemps aux Chagossiens – divisés sur nombre de sujets – à l’unité. «Ce projet de loi nous concerne tous. Nous avons tous un proche qui passe par ces situations difficiles.» Il affirme que Chagossian voices n’a pas manqué de prendre contact avec l’élu de Crawley – là où vivent de nombreux Chagossiens –, le conservateur Henry Smith. «Nous devons suivre chacune des étapes de ce projet de loi.»

Olivier Bancoult : «Nous soutenons la demande pour obtenir le passeport britannique»

Olivier Bancoult, leader du Groupe réfugiés Chagos (GRC), confirme avoir fait une «submission» au Foreign and Commonwealth Office dans le cadre des consultations publiques sur ce projet de loi. «Nous avons demandé que les Britanniques corrigent ces injustices. Cela ne change rien à notre combat pour le droit de retour dans les îles natales. À Maurice même, il y a des Chagossiens qui ont la double nationalité.» Selon lui, c’est à partir du terme «belongers», utilisé par la Haute cour de Londres, que les parlementaires britanniques ont estimé que les Chagossiens ont droit à la citoyenneté. À quelques exceptions près. Celle des «hommes chagossiens pas légalement mariés». Ou encore les «enfants nés d’une mère chagossienne avant 1969. Ce projet de loi propose de corriger certaines injustices». Olivier Bancoult souligne que ce projet de loi ne concerne pas spécifiquement les Chagossiens. «Cela fait suite au Windrush scandal.» Il s’agit d’un retentissant scandale politique britannique. En 2018, de nombreuses personnes ont été déportées, menacées de déportation, jetées en prison quand le Home Office les a considérées à tort comme des clandestins. Beaucoup d’entre elles sont nées sujets britanniques et sont arrivées en Angleterre avant 1973.

Détenir le passeport britannique, comme ici dans le cas de la défunte Charlesia Alexis, ne change rien aux revendications du droit de retour dans les îles natales, explique Olivier Bancoult.

.

Nationality and Borders Bill : ce que propose le projet de loi

Ce projet de loi a été présenté au Parlement britannique par Priti Patel, le Home Secretary. L’objectif premier du Nationality and Borders Bill est de combattre l’immigration clandestine en Grande-Bretagne. C’est la partie traitant des «pouvoirs du Home Secretary sur la citoyenneté» qui intéresse particulièrement les Chagossiens.L'article 7 (Citizenship : registration in special cases) propose que le Home Secretary soit autorisé à accorder la citoyenneté britannique, «et/ou la citoyenneté des territoires britanniques d’outre-mer à des demandeurs adultes» si, selon le Home Secretary, cette personne «aurait été ou serait devenue citoyen britannique et/ou citoyen d’un territoire britannique d’outre-mer s’il n’y avait pas eu d’injustice historique dans la loi, une décision ou une omission d’une autorité publique ou toutes autres circonstances exceptionnelles concernant cette personne».

Ce projet de loi fait partie du «new plan for immigration» du gouvernement conservateut de Boris Johnson. Le Home Secretary, Priti Patel, a declaré, à la presentation du projet de loi : «For too long, our broken asylum system has lined the pockets of the vile criminal gangs who cheat the system. This isn’t fair to the vulnerable people who need protection or the British public who pay for it. It’s time to act.» Il est encore long le chemin avant que ce projet de loi ne devienne une loi. La semaine dernière, il a été présenté en première lecture à la House of Commons. Après les deuxième et troisième lectures, le Nationality and Borders Bill sera examiné par la House of Lords. Ce n’est qu’un fois le «royal assent» obtenu, que cette loi se matérialisera. Un processus qui devrait prendre plusieurs mois.

Rétablir des droits et corriger des erreurs du passé

Un projet de loi qui «élargit» les droits en redonne à ceux qui les ont perdus. Le Nationality and Borders Bill veut corriger des erreurs passées, «par exemple sur la déportation». C’est la lecture d’un observateur avisé du dossier Chagos, de ce projet de loi. «C’est peut-être un calcul des Britanniques : s’assurer que les Chagossiens nés aux Chagos soient effectivement reconnus comme étant Britanniques. Même si pour diverses raisons, notamment historiques, ils ont perdu leurs droits.» Quelle incidence sur les efforts de Maurice pour obtenir la souveraineté sur l’archipel des Chagos ? «Absolument aucune», estime cet observateur. «Rien ne peut avoir une plus grande incidence que ce qu’ont dit la Cour internationale de justice et l’Assemblée générale des Nations unies. Et pourtant, c’est stérile.» Il souligne qu’il ne faut pas confondre les revendications pour le droit de retour dans l’archipel des Chagossiens et la lutte de Maurice pour la souveraineté sur l’archipel des Chagos.