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Bernard Yen: «Avec le vieillissement de la population, les taux de la CSG devront être multipliés par 4 ou 6 dans le futur»

21 juillet 2021, 18:45

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Bernard Yen: «Avec le vieillissement de la population, les taux de la CSG devront être multipliés par 4 ou 6 dans le futur»

Le Managing Director d’Aon Solutions monte au créneau pour insister qu’entre l’ancienne et la nouvelle formule de la Contribution sociale généralisée (CSG), il n’y a aucun changement. Sauf qu’elle a changé de nom pour devenir The Social Contribution & Social Benefits. Il dénonce le caractère discriminatoire quant aux contributions des employés du privé par rapport à ceux du public sous la CSG. Et ce pour bénéficier de la pension additionnelle de Rs 4 500 par mois à l’âge de la retraite à 65 ans à partir de 2023.

The Social Contribution & Social Benefits Bill est en train d’être débattu au Parlement en ce moment. Ce projet de loi fait provision pour la mise en place d’un nouveau système de cotisations et de prestations sociales sous la Contribution sociale généralisée (CSG). Concrètement qu’est-ce qui différencie ce nouveau système de l’ancien, annoncé dans le Budget 2020-21 et déjà introduit ?
Je n’ai pas étudié tous les détails mais à première vue il me semble que c’est la même chose, notamment pour les contributions. Sauf que les indépendants seront appelés à contribuer plus que Rs 150 par mois s’ils disposent de revenus supérieurs à Rs 10 000 par mois, soit les mêmes taux que les employés, mais avec une déduction de 10 % que je ne comprends pas.

Par ailleurs, quant aux prestations, la pension additionnelle de Rs 4 500 par mois à partir de juillet 2023 aux personnes âgées de plus de 65 ans est bel et bien confirmée. En plus, six catégories de travailleurs seront favorisées et pourront toucher cette pension dès l’âge de 60 ans s’ils prennent la retraite à cet âge. Il y a aussi un rétablissement des prestations en cas d’accidents de travail et d’incapacité qui avaient été oubliées quand le National Pension Fund a été aboli l’année dernière.

Finalement, il y a des clarifications et précisions en ce qui concerne les employés expatriés et les non-résidents.

Des critiques ont été émises l’année dernière dans le sillage de l’introduction de la CSG pour remplacer le National Pension Fund (NPF) quant à la nature injuste du nouveau système de cotation où un indépendant qui touche Rs 50 000 mensuellement et celui qui perçoit Rs 500 000 cotisent dans la même proportion, soit Rs 150 par mois. Etes-vous satisfait que le nouveau projet de loi apporte des changements à cet effet en proposant une dose de progressivité ?
En partie oui. Celui qui touche Rs 50 000 contribuera 1,5 % avec une déduction de 10 %, c’est-à-dire Rs 675 par mois, au lieu de Rs 750 pour l’employé dans le secteur formel alors que celui qui touche Rs 500 000 contribuera 3 % avec une déduction de 10 %, c’est-à-dire, Rs 13 500 par mois, au lieu de Rs 15 000 pour l’employé dans le secteur formel. Je ne comprends pas cette déduction de 10 % pour les indépendants et je trouve dommageable qu’ils ne contribueront pas le triple car ils devraient aussi à mon avis contribuer à titre d’employeur.

Et quid des fonctionnaires ? On constate qu’il n’y a aucune mention d’une quelconque cotisation pour bénéficier de la pension de retraite de Rs 13 500 à l’âge de 65 à partir du 1er juillet 2023…
J’espère que mes amis fonctionnaires reconnaissent qu’il n’y avait aucune urgence de leur accorder une pension supplémentaire de Rs 4 500. Car ils reçoivent déjà la pension de vieillesse de Rs 9 000 et leur pension du gouvernement qui est normalement 2/3 de leur dernier salaire alors même que le salaire réactualisé est maintenant applicable au dernier poste (ou équivalent) qu’ils ont occupé dans la fonction publique avant de partir en retraite !

Non seulement vont-ils bénéficier de cette pension additionnelle sans avoir contribué un sou au NPF auparavant mais aussi ils n’ont rien contribué à la CSG jusqu’à présent. C’est le gouvernement qui paie pour eux et c’est le gouvernement encore qui va continuer à effectivement contribuer pour eux quand le rapport du PRB augmentera leurs salaires afin qu’ils puissent contribuer sans voir leur «take-home pay» diminuer comme pour beaucoup d’employés dans le secteur privé depuis septembre 2020.

«Le NPF avait été créé afin de réduire en partie l’écart de pension entre le public et le privé. Or, on remplace le NPF par la CSG et on augmente l’écart de pension entre secteurs public et privé encore une fois!»

Le NPF avait été créé en 1976 pour le secteur privé seulement afin de réduire en partie l’écart de pension entre le public et le privé. Or, que voyons-nous maintenant ? On remplace le NPF par la CSG et on augmente l’écart de pension entre secteurs public et privé encore une fois!

Prenez par exemple un fonctionnaire qui touche un salaire de Rs 30 000 à sa retraite. Il part avec une pension du gouvernement de Rs 20 000, plus Rs 13 500 de BRP/CSG au combiné, pour faire un total de Rs 33 500, soit plus que ce qu’il touchait quand il travaillait!

Par contre, l’employé du secteur privé aura seulement Rs13 500 de BRP/CSG plus la pension NPF qui sera autour de Rs 6 000 pour le moment s’il est proche de la retraite mais qui va diminuer comme une peau de chagrin pour les plus jeunes qui n’auront presque rien contribué au NPF avant septembre 2020.

Autre nouveauté : les employés engagés dans certains secteurs économiques, comme la construction, l’agriculture, le transport, entre autres, pourront faire valoir leur droit à une retraite anticipée à 60 ans, soit avant l’âge légal de la retraite à 65 ans en 2023 et ce en raison de la pénibilité de leur travail, et bénéficier de la pension de Rs 13 500. Etes-vous favorable à cette dérogation accordée à ces employés ?
Non, sans vouloir chercher à offenser ces personnes, je ne suis pas contre les retraites anticipées. Toutefois, les plans de pension ne peuvent pas normalement se permettre de leur payer la même pension à 60 ans que ce qu’ils auraient empoché à l’âge de 65 ans, sans leur demander en contrepartie une contribution supplémentaire ou, le cas échéant, réduire le montant payé à 60 ans afin que la valeur de la pension reste équivalente à celle qui commence à 65 ans.

Votre question me rappelle aussi une idée que j’avais déjà proposée il y a plusieurs années pour résoudre cette problématique de flexibilité au travail entre 60 et 65 ans: pourquoi ne pas permettre à ceux qui n’ont pas nécessairement besoin de prendre leur retraite à 60 ans de toucher une pension BRP supérieure à celle s’ils prennent leur retraite plus tard, par exemple Rs 13 500 à 65 ans.

Voilà peut-être une meilleure façon d’honorer la promesse de Rs 13 500 que de détruire le NPF et créer la CSG avec tous ses défauts!

«Je demande aux députés de m’expliquer pourquoi il faut voter pour cette loi discriminatoire et rétrograde.»

Le projet de loi confirme que la pension passera effectivement à Rs 13 500 conformément à la promesse électorale du MSM en novembre 2019. En tant qu’actuaire, estimez-vous que la CSG sera financièrement soutenable dans le temps ?
Non. La CSG a permis au gouvernement de récolter environ Rs 5 milliards pour les 10 mois se terminant au 30 juin 2021. Pour l’année fiscale au 30 juin 2022, on peut s’attendre à Rs 6 mil- liards assorties d’une petite augmentation, disons jusqu’à Rs 6,5 milliards. Le gouvernement a estimé que le chiffre sera de Rs 7,8 milliards pendant l’exercice budgétaire, peut-être parce qu’il estime que la différence proviendra des indépendants ? N’empêche que nous serons bien loin des Rs 11 ou 12 milliards que les pensions CSG vont coûter pendant la première année 2023/24 ! C’est pour cela que la Banque mondiale a proposé que la pension CSG soit de Rs 2 500 au lieu de Rs 4 500. Si on insiste sur Rs 4 500, il faudra doubler les taux de contribution ou augmenter les autres taxes très vite.

En plus, avec le vieillissement de la population, j’estime que les taux de contribution devront être multipliés par 4 ou 6 dans le futur!

Des projections faites par des spécialistes indiquent que la CSG ne pourrait financer les contributions additionnelles de Rs 4 500 que jusqu’à 2025 et que par la suite la caisse sera vide. Partagez-vous cette analyse ?
Oui, comme expliqué plus haut.

En 2023 et à monter, les retraités bénéficieront d’une pension de Rs 13 500, soit un montant supérieur que le salaire minimum de Rs 9 000. Ce qui sous-entend que le moment venu, le gouvernement aura à réviser à la hausse le salaire minimum ?
Voilà un autre exemple d’incohérence créée par la CSG. Je ne sais pas si nous pouvons augmenter le salaire minimum sans créer d’autres problèmes, dont le chômage.

C’est pourquoi j’ai proposé depuis l’année dernière que, s’il faut payer Rs 13 500 d’une manière soutenable, pourquoi ne pas introduire une dose de ciblage et s’assurer que d’autres sources de revenus sont prises en compte dans l’équation? Par exemple, si le NPF est rétabli et génère des pensions de Rs 6 000 déjà pour les employés du secteur privé, on n’aura pas besoin de la CSG à Rs 4 500 pour eux, tout comme je l’ai déjà dit pour les fonctionnaires qui touchent la pension du gouvernement. On pourrait alors mieux s’occuper des indépendants qui sont dans la précarité et les femmes de ménage par exemple.

En gros, vous êtes foncièrement contre ce nouveau projet de loi ?
Tout à fait et je demande aux députés qui seront appelés à voter ce nouveau texte de loi bientôt de m’expliquer pourquoi il faut voter pour cette loi discriminatoire et rétrograde. Alors même que de nombreux experts ont déjà tiré la sonnette d’alarme depuis l’année dernière et qu’il y a encore des cas en cour pour contester la CSG. Le danger est que si celle-ci est déclarée anticonstitutionnelle, nulle et non avenante dans cinq ans par les juges, il faudra mettre la main à la poche pour rembourser les contributions de Rs 40 milliards qui auront été payées depuis 2020.