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Santé publique: l'événementiel a la gueule de bois

23 juillet 2021, 20:45

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Santé publique: l'événementiel a la gueule de bois

L’amendement a été apporté au Public Health Act à travers une «régulation» en vigueur depuis le 6 juillet et concerne les boissons alcoolisées. Désormais, la promotion sous n’importe quelle forme, y compris le sponsoring, est interdite, ce qui ne rend pas ivre de joie les organisateurs d’événements. Mais il n’y a pas qu’eux. Les influenceurs se font aussi du souci alors que le grand public, lui, sombre en pleine incompréhension. 

Mais tout d’abord, un détail qui a failli rendre malade les plus jeunes. Dans la version «gazettée» du règlement, la vente et la consommation d’alcool dans les espaces publics étaient interdites aux moins de 21 ans. Cependant, une source du ministère de la Santé confirme que c’était une erreur. Une autre version avec l’âge de 18 ans a déjà été «gazettée». Mais tout le reste de cette «régulation» inquiète toujours les acteurs de l’événementiel. 

Depuis toujours, les concerts et autres rassemblements sont sponsorisés par les grandes compagnies distributrices de boissons alcoolisées. Les marques et logos étaient affichés de manière visible. Depuis le 6 juillet, cette pratique est interdite. «Je l’accueille avec scepticisme. Si cela a été fait dans le but de réduire la consommation d’alcool, nous verrons surtout que cela favorise les marques déjà établies au détriment de nouveaux entrants sur le marché», avance Javed Vayid, un des organisateurs les plus prolifiques. Pour lui, cette décision fera que les compagnies historiques conserveront leur quasi-monopole, ce qui rend difficile, voire impossible, la survie de nouveaux venus sur le marché. Il est rejoint dans ses propos par Jean Maurice Valery, qui évolue dans le même domaine. «Cela tue les nouveaux projets dans l’oeuf. Par exemple, dans les pays où ces mêmes mesures ont été prises, les petites marques ont disparu alors que d’autres produits internationaux ont augmenté leurs ventes de plus de 200 %», dit-il. 

Jean Maurice Valery était, jusqu’à récemment,
l’influenceur le plus important des marques de boissons alcoolisées.

Pour en revenir aux concerts et autres soirées, Javed Vayid avance que le sponsoring de ces compagnies était en moyenne à hauteur de 20% à 30 % en cash du coût de l’événement, alors que pour Jean Maurice Valery, cela montait jusqu’à 70 %. De plus, il y avait les contributions matérielles comme bars, tentes, marquises et tables flanqués de marques et de logos. Cela représentait une aide considérable pour cette section d’offre de loisirs. Estce que les compagnies seront toujours intéressées à sponsoriser, même si cela ne leur rapportera rien en termes de visibilité ? Javed Vayid explique que le budget marketing des compagnies était orienté vers le sponsoring des événements et les réseaux sociaux. «Il faudra maintenant que les équipes fassent preuve d’imagination pour être en conformité avec la loi.» 

Jean Maurice Valery, lui, dit qu’ailleurs, face au manque de choix, ce sont des masterclass qui sont organisés directement avec les consommateurs et par la suite, le bouche-à-oreille fait son travail. Quant à des événements bien ancrés dans le monde culturel, comme Kafe Kiltir sponsorisé par Phoenix Bev, l’avenir est flou. Sollicité, l’agence de communication a fait savoir que «PBL se réserve de donner tout commentaire sur la question à ce stade et a demandé officiellement à rencontrer les autorités concernées, ceci afin d’en discuter». 

D’autres festivals populaires, comme l’Underground Rock Festival (URF), se retrouvent en voie d’extinction. Sur la page Facebook, les organisateurs signalent que leur principal sponsor, Blue Marlin, n’a plus le droit de les sponsoriser et de ce fait, «l’avenir de l’URF est bien noire». 

Les nouvelles réglementations interdisent le sponsoring ou même les séances
de dégustation gratuite d’une marque de boisson alcoolisée.

Mais la question qui subsiste est : est-ce que cette promotion menait vraiment à une consommation excessive ? Dans les pays où de telles mesures ont été appliquées, la consommation n’a reculé que de 2 % à 3 %. «Ce sont les problèmes de société qui poussent à la consommation excessive. Ce type de promotion crée un lien émotionnel avec les marques d’alcool. Des clients qui consomment une certaine marque, de façon récurrente, durant un événement auront tendance à acheter la même marque au supermarché», explique Javed Vayid sans détour.

 


Les influenceurs pris de court  

<p>Toujours est-il qu&rsquo;avec ce changement, plusieurs autres secteurs seront indirectement affectés. <em>&laquo;Sans le sponsoring alcool, la majorité des sociétés événementielles ne seront pas profitables, avec pour effet de favoriser les marques déjà établies, d&rsquo;éliminer les sociétés émergentes et d&rsquo;empêcher l&rsquo;arrivée des nouveaux entrants&raquo;</em>, déplore Javed Vayid. Une autre question qui entre en jeu : les réseaux sociaux. Est-ce que les influenceurs qui travaillent directement avec ces marques sont concernés ? Ces derniers ont préféré être prudents et les contrats avec ces compagnies ont été mis au frais. Jean Maurice Valery, qui collaborait depuis pratiquement deux ans avec les marques d&rsquo;alcool, a arrêté du jour au lendemain, et il a ainsi vu une baisse qui oscille entre Rs 30 000 et Rs 50 000 de ses revenus par mois. Plusieurs projets ont dû être gelés. Encore un <em>&laquo;budding sector&raquo;</em> qui est tué avant d&rsquo;être créé, estime-t-il car les nouveaux influenceurs, qui ont une cible plus jeune, étaient massivement utilisés par les compagnies d&rsquo;alcool, ce qui les aidait à se développer. <em>&laquo;Moi, étant &lsquo;ancien&rsquo; avec de l&rsquo;expérience, j&rsquo;ai déjà d&rsquo;autres contrats,mais pour les nouveaux, il leur sera très difficile de se lancer&raquo;</em>, dit-il.&nbsp;</p>

<p>Et si un Mauricien lambda publie une photo de bière sur <em>&laquo;Instagram&raquo;</em>, il ira en prison sans passer par la case dégrisement ? Aucune réponse du ministère pour l&rsquo;instant.</p>