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Sheila Bappoo: «Il faut que le speaker soit “out” avant la reprise parlementaire»

8 août 2021, 14:00

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Sheila Bappoo: «Il faut que le speaker soit “out” avant la reprise parlementaire»

Elle fait partie des anciens parlementaires qui ont pris position contre les agissements de Sooroojdev Phokeer. Sheila Bappoo, qui a été ministre pendant 22 ans, revient sur les raisons qui l’ont poussée à rejoindre ce groupe et à lancer une pétition pour demander la démission du speaker. Impressions.

D’anciens parlementaires qui lancent une pétition contre un speaker. C’est une première…
Vous savez quoi d’autre est une première ? Suspendre un membre de l’opposition pendant toute une séance. Expulser toute l’opposition est aussi une première. Le nombre d’ex- pulsions depuis 2019 est également une première. Autre première : un speaker qui effectue un walk-out. Encore une première : le président de l’Assemblée qui se moque de l’aspect physique d’un parlementaire…

Le speaker a tout de même essayé de s’expliquer sur le différend avec Rajesh Bhagwan…
Lorsque vous demandez à quelqu’un de porter son masque correctement, vous lui dites : «Remettez votre masque correctement» ou «wear your mask properly». Là, Rajesh Bhagwan et tout le monde aurait compris. Lancer des «look at your face» à 10 reprises, c’est autre chose. Qu’il présente des excuses à Rajesh Bhagwan et à toute la population. Sinon, il sera un architecte du downfall du gouvernement.

Pas crédible l’explication, alors ?
J’ai été ministre pendant plus de deux décennies. J’ai travaillé sous plusieurs speakers et je peux vous dire que je n’ai jamais vu ça. Jamais. Un président de la Chambre doit tout d’abord être respectable. Il y a toujours eu des conflits entre les élus et le speaker, mais nous n’avons jamais assisté à une telle scène. Il y a une manière de faire… 

Mais même avant lui, la manière de faire était différente avec la majorité et l’opposition, non ?
Non. Ce que je vais vous raconter est vérifiable dans le Hansard. C’était en 2010, le PTr était en alliance avec le MSM. Un ministre du gouvernement, mon collègue, avait fait une remarque sexiste. J’étais à la Sécurité sociale à ce moment-là et avant, j’occupais le portefeuille des Droits de la femme. J’ai demandé au speaker de rappeler mon collègue à l’ordre. Le speaker d’alors (NdlR, Kailash Purryag), pouvait me rappeler à l’ordre car ce que je faisais allait contre le gouvernement. Mais il a fait ce qu’il fallait et a invité l’autre ministre à retirer ses propos. Donc non, la manière de faire avec le gouvernement et l’opposition n’était pas différente.

Mais aujourd’hui, ce qui se passe est du jamais-vu. Ne venez pas me dire que dans le passé, un speaker avait suspendu une séance pour barrer la route à une question adressée au Premier ministre.

Ça, c’est vous qui le dites… Dois-je vous rappeler les faits ?
Le speaker a effectué un walk-out sans raison pendant la PNQ. Passons, sinon il faudra parler pendant encore une heure sur ce point. Il revient, la PNQ continue. Puis, on passe à l’heure des PMQT. Le Premier ministre répond à deux questions en même temps. Il parle, il perd du temps. Je ne vais pas relater toute la séance, mais il y avait un agenda.

Vous qui avez été au Parlement pendant plus de 20 ans, comment le speaker gérait-il des situations difficiles dans le passé ?
L’expression August Assembly, qu’on utilise matin, midi et soir, n’était pas vaine. Ils ont tous été les speakers de toute l’Assemblée et pas d’un parti politique. Il y a le respect, l’impartialité. Lorsque le ton monte, il faut utiliser les mots qu’il faut pour ramener l’ordre des deux côtés de la Chambre. Là, il y a eu complicité pour empêcher la question sur Angus Road. Mais pour en revenir à cette semaine, suspendre la séance est une chose. Mais dire «you don’t want me» et partir… C’est quoi ça ? Nous parlons du Parlement, là ! Il faut bien réfléchir et peser ses mots avant de parler. Ce n’est pas à prendre à la légère. Autre chose. Un autre leitmotiv est qu’il faut plus de jeunes en politique. Ce n’est pas avec de tels agissements que nous allons les attirer.

Mais tout ce que fait un speaker est soutenu par les «standing orders», non ?
Les standing orders, c’était mon quotidien. D’ailleurs, lorsque vous prêtez serment, c’est le premier document qui vous est remis et qu’il faut connaître sur le bout des doigts. À mon époque, il n’y avait pas des problèmes comme aujourd’hui. Maintenant, lorsqu’on voit à quel point ces règlements sont bafoués, il faudrait peut-être les revoir. Cette question mène à un autre problème : la nomination. Parlons du poste même de speaker. Auparavant, il fallait un membre élu à ce poste. Par la suite, la loi a changé et c’est le Premier ministre qui a eu le privilège de le nommer. Donc, même une personne qui n’a aucune formation politique ou légale peut s’asseoir là-bas. Lorsque c’est un élu, il a une autre responsabilité et il fera doublement attention. Pa nek mazorité inn dir ‘aye’ apré inn pran inn met asiz lor sez laba. Li pa pou foté britalman. Imaginez un instant qu’il est destitué et qu’il redevient un député. Il sera mal vu et cela va créer un problème dans le parti. Bon, pensez-vous que les membres du MSM sont à l’aise, là ?

Est-ce qu’il y a une solution rapide à ce problème ?
Ah oui ! Il doit partir. Il ne faut pas que le 26 octobre, à la reprise parlementaire, que la population dise ‘enkor limem ki la !’. Il ne faut pas lâcher l’affaire et se rappeler de cela à la rentrée. La balle est dans le camp du Premier ministre. Qu’il tranche. On a toujours dit que SAJ était un Premier ministre qui tranchait dans le vif. Dans le passé, lorsque les ministres fautaient, il leur demandait de step down ou les révoquait. Là, ce serait la meilleure chose à faire. Et le prochain speaker fera plus attention.

Revenons-en au groupe d’anciens parlementaires. Lorsqu’on voit la marge de manœuvre de l’opposition parlementaire, pensez-vous réellement qu’une opposition extra-parlementaire changera quelque chose ?
C’est une façon de contribuer à la bonne marche du pays. Au moins, nous apportons notre pierre à l’édifice, pour aider à trouver les bonnes solutions. J’ai toujours gardé contact avec mes anciens collègues, dont Alain Laridon. Lorsqu’il m’a appelée, je n’ai pas hésité une seconde car ce qui se passe actuellement nous touche tous.

Même si on ne peut rien faire ici, nous allons alerter les instances internationales. Nous allons contacter l’Association parlementaires du Commonwealth. Pensons un peu à l’image du pays. Même la BBC a parlé de ce qui a été dit à Rajesh Bhagwan. Moi qui ai passé pratiquement toute ma vie dans les ministères où il fallait défendre les droits des autres, cela me touche. Puis, les travaux parlementaires sont désormais diffusés dans le monde entier et la diaspora nous suit. Ils comparent avec les pays où ils se trouvent. Nous, nous sommes là pour faire écho au ras-le-bol qui règne.