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Affaire Kistnen: Autopsie d’une autopsie
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Affaire Kistnen: Autopsie d’une autopsie
Il avait lui aussi pratiqué l’autopsie sur le défunt, dont le corps en partie calciné a été retrouvé dans un champ de cannes, le 18 octobre 2020. Mais les conclusions du Dr Ananda Sunnassee ne semblent pas s’accorder à celles du «Forensic Science Laboratory» et de sa collègue, le Dr Shaila Prasad-Jankee. Analyse des indices.
Mercredi, on assistera à la troisième audience après la réouverture de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen. Le Dr Ananda Sunnassee, le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie le 19 octobre 2020, sera de nouveau appelé par le Directeur des poursuites publiques (DPP). Il sera interrogé sur, notamment, ce qu’avaient déclaré le 27 juillet la représentante du Forensic Scientific Laboratory (FSL), Asha Auckloo, et la Dr Shaila Jankee, autre médecin légiste qui s’était rendue en premier sur les lieux où le corps a été découvert le 18 octobre 2020.
Peau ou papier
Alors que le Dr Sunnassee avait déclaré au tribunal qu’il n’y avait rien dans la main de Kistnen, Asha Auckloo avait, elle, affirmé qu’il y avait du papier, rejoignant ce qu’avait avancé le policier-photographe qui s’est rendu sur les lieux 19 octobre. Sa version sera confirmée le même jour par la Dr Shaila Jankee. On ne sait pas trop l’importance de cet élément dans la détermination de la cause du décès ou du mobile de l’assassinat. Mais il pourrait être au moins important quant à la façon avec laquelle l’enquête policière a été effectuée. Aurait-on fait disparaître ces morceaux de papier ? Et, si oui, pourquoi ?
Cependant, selon un ancien limier, «il ne faut pas que cet élément gâche l’enquête judiciaire car pour moi, il n’est pas important, juste l’objet d’une querelle d’idées entre le FSL et le département médico-légal de la police ou entre médecins légistes.» Pour un médecin, s’il y avait du papier dans la main de Kistnen, il aurait déjà brûlé car étant plus inflammable que le corps humain, cela va de soi. Alors qu’un autre nous dit que le papier était protégé dans le poing fermé de Kistnen. N’empêche que la disparition avérée ou supposée donne à réfléchir.
Brûlé vif ?
Kistnen serait mort à la suite d’in- halation de fumée. De petites traces de suie ont été retrouvées dans le système respiratoire du défunt, avait dit le Dr Sunnassee en décembre dernier. Ce qui tendrait à prouver que Kistnen était vivant lorsqu’il a été brûlé et c’est sa faible respiration de mourant inconscient qui aurait laissé entrer cette suie dans son système respiratoire. S’il avait été conscient, beaucoup plus de traces de fumée auraient été retrouvées.
Cependant, un spécialiste nous dit qu’avec la pollution et la cigarette, on peut trouver de telles traces de suie dans le corps de n’importe qui et que Kistnen n’a pu être achevé par le feu vu qu’une quantité trop minime de suie a été retrouvée dans son corps. De toute façon, le taux de carboxyhémoglobine était normal, selon le médecin. Que Kistnen fût déjà mort ou inconscient, les deux camps semblent convenir que l’ex-agent du MSM a bien été assailli mortellement ou presque avant que son corps ne soit brûlé.
Étranglé ou étouffé
Lors de la reprise de l’enquête le 27 juillet, Asha Auckloo du FSL a déclaré qu’il était possible que Kistnen ait été étranglé, d’où les marques au niveau de son cou et la langue qui pendait de sa bouche. Or, un étranglement et une asphyxie conséquente auraient laissé des traces internes, comme des fractures des os hyoïdes, du cartilage de la thyroïde, du cricoïde et de la vertèbre cervicale et des traces de sang aux alentours. Ce qui ne semble pas être le cas, d’après le rapport du Dr Sunnassee.
«Non», objecte un autre médecin, «il n’est pas nécessaire qu’une grande pression soit exercée sur la carotide pour que la victime ne tombe dans le coma et qu’elle puisse même mourir. Une simple pression suffit et cela ne provoquera pas de blessures internes ni de fractures». Ce dernier médecin est cependant d’accord pour dire que Kistnen aurait pu être étouffé à l’aide d’un sac en plastique par exemple ou d’un oreiller, ce qui ne laisserait pas de trace.
Quant aux marques externes sur le cou, alors que le rapport du Dr Sunnassee semble conclure que ce sont les restes de la chemise et du col de celle-ci qui en sont responsables, l’autre médecin attire notre attention sur les restes de tissu sur la partie antérieure (à l’avant) du cou et qui ne pourraient avoir été causées par le col de chemise, qui est ouvert devant. Il fait valoir également que la couleur des restes du tissu non brûlé retrouvées autour du cou n’est pas la même que celle de la chemise que portait le défunt ce 16 octobre fatidique. Ni la matière composant le tissu. Selon lui, Kistnen n’aurait pas été assommé auparavant non plus si l’on se base sur le rapport du Dr Sunnassee, car aucune marque de coup n’a été décelée sur son crâne.
La thèse d’étouffement semble tenir un peu plus la route car, nous dit-on, si Kistnen avait été étranglé, il se serait débattu et, de par sa force, il aurait fallu alors exercer beaucoup plus de pression pour l’étrangler à mort, ce qui aurait ainsi causé des blessures internes visibles. Alors que pour un étouffement, il suffirait que deux ou trois personnes immobilisent les pieds et les mains pendant qu’un autre l’étouffe, et tout cela sans laisser de trace.
Pethidine administrée à l’hôpital ou par les tueurs ?
Des traces de péthidine ont été retrouvées dans le corps de Kistnen. Mais selon le rapport du Dr Ananda Sunnassee, la quantité était trop faible pour le rendre inconscient et l’on pense que ce serait des restes de ce médicament qui lui a été administré à l’hôpital Candos le 14 octobre. De plus, on ne peut dire si une forte injection lui avait été administrée par les tueurs puisqu’aucune trace de piqûre n’a été signalée. La péthidine ne semble donc pas constituer un élément important si, encore une fois, l’on se base sur le rapport du Dr Ananda Sunnassee.
Candos ou Jeetoo, Dr Sunnassee ou Dr Jankee
Normalement, l’autopsie d’un cadavre retrouvé à Moka est pratiquée à l’hôpital Candos. Et donc par la Dr Jankee qui, d’ailleurs, aurait dû s’en charger puisque c’est elle qui s’était rendue sur les lieux du crime. Bien qu’elle ait déclaré en cour qu’il arrive souvent que ce soit un autre médecin que celui qui se rend sur les lieux de la découverte du corps qui effectue l’autopsie, nos informations révèlent qu’en fait, ce n’est le cas que pour des raisons valables même si cela arrive souvent. Par exemple, quand le médecin ayant fait le premier constat est souffrant ou qu’il est pris par d’autres tâches.
Il serait donc instructif que le Dr Sudesh Kumar Gungadin, qui répartit les tâches, vienne dire pour quelle raison il a chargé le Dr Sunnassee de cette autopsie à la place de la Dr Jankee, nous dit un ancien médecin légiste. La raison évoquée pour ce changement était que l’hôpital Victoria était en rénovation, nous dit Me Rama Valayden. «Mais après une enquête des ‘Avengers’, on a constaté que la rénovation a débuté à partir du 21 octobre et qu’entre-temps, d’autres autopsies avaient été pratiquées entre le 18 et 20 octobre.»
Nous apprenons de plus qu’une autopsie d’un habitant de Moka a bien été pratiquée à Candos ce même 19 octobre à 14 heures. Il faut aussi savoir, dit l’avocat, si la Dr Jankee était au courant de ce changement. Nous avons sollicité le Dr Gungadin, hier dans la matinée, il nous a fait comprendre qu’il reviendra vers nous après, mais il ne l’a pas fait.
Il se trouve que la thèse de mort par le feu, défendue par le Dr Sunnassee et mise en doute par d’autres, conforterait ceux qui voulaient faire croire au suicide. Mais très vite, cette théorie de suicide est tombée à l’eau. Or, il ne faut pas pour autant douter du professionnalisme du Dr Ananda Sunnassee, nous dit un de ses collègues, car il n’a pas écarté la thèse d’homicide puisqu’il a demandé des tests en ce sens. De plus, lors de sa comparution au tribunal de Moka, il a bien reconnu que Kistnen aurait pu être assassiné. Il a fallu, certes, tout l’art de procureur de Me Azaam Neerooa, du bureau du DPP, pour lui faire dire cela. Mais comme un autre médecin nous le dit, le travail du Dr Sunnassee s’arrête là où commence celui des policiers et de la cour…
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