Publicité

Enquête judiciaire sur la mort de Kistnen: L’ombre du Dr Gungadin a encore plané sur le tribunal de Moka

2 septembre 2021, 10:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Enquête judiciaire sur la mort de Kistnen: L’ombre du Dr Gungadin a encore plané sur le tribunal de Moka

Deux troublantes révélations hier en cour de Moka, dans l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen, présidée par la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath. Il y aurait deux rapports d’autopsie définitifs rédigés en février 2021 après celui de novembre 2020 du médecin légiste. Si le premier est bien paraphé par le Dr Ananda Sunnassee, l’autre, qui lui ressemble comme un frère, porte le paraphe additionnel du Dr Sudesh Kumar Gungadin, le Chief Police Medical Officer (CPMO). Ce que ce dernier n’est pas censé faire. D’ailleurs, le Dr Sunnassee semblait sincèrement surpris que son supérieur, le Dr Gungadin, ait osé parapher son rapport à lui.

C’est ce rapport, avec la signature du CPMO, qui a été remis à l’assistant surintendant de police (ASP) Vikash Seebaruth, de la Major Crime Investigation Team (MCIT). «This report has been tampered with!» s’est écrié Me Azam Neerooa du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP). Et selon des informations que nous venons de recueillir, le Dr Gungadin dément que ce soit sa signature. Un médecin-légiste, à qui nous avons demandé si un rapport d’autopsie doit comporter la signature ou le paraphe du CPMO, nous rétorque :«Le rapport d’autopsie n’est pas un chèque tiré par une compagnie où doivent figurer deux signatures.»

Simla Kistnen, la veuve de l'ex-activiste du MSM, s'entretenant avec le Dr Ananda Sunnassee, en cour de Moka, hier. © Beekash Roopun

Entre cousins

L’autre révélation, obtenue cette fois par Me Roshi Bhadain, concerne un aveu du même Dr Sunnassee : il est le cousin germain de Jonathan Ramasamy, l’ex-Chief Executive Officer de la State Trading Corporation (STC). Il serait en même temps un cousin de Vinay Appanna, un des témoins clés dans cette affaire et bénéficiaire, avec Deepak Bonomally, de centaines de millions de roupies de contrats de la STC. Vinay Appanna est lui-même le beau-frère de Jonathan Ramasamy. Coïncidence ou pas, cette réunion de famille n’est pas pour faire taire les soupçons d’entente délictueuse. Et voilà que le Dr Sunnassee entre dans la photo de famille.

Ce détail semble moins anodin lorsque l’on sait que le corps de Kistnen aurait dû être autopsié par la Dr Shaila Prasad-Jankee, comme l’a confirmé hier le Dr Satish Boolell, ex-CPMO. Sauf que l’inspecteur de police Gurburrun, un agent de liaison – eh oui, il y en a dans la police – a demandé au Dr Sunnassee de pratiquer l’autopsie. Cela, alors que la Dr JankeePrasad s’était déjà rendue sur le site où l’on avait découvert le corps sans vie de Kistnen, à Telfair, et que c’est elle qui aurait dû en principe autopsier le cadavre.

Pour rappel, elle avait affirmé au tribunal qu’elle n’était pas au courant de cet ordre ou contrordre qui serait venu du Dr Gungadin. En tout cas, celui-ci semble distribuer les ordres à travers des intermédiaires…

Me Roshi Bhadain a aussi voulu savoir si un certain Appadoo, parent commun à tout ce beau monde, serait le propriétaire de la fameuse station-service de Solférino, déjà citée dans cette même enquête judiciaire et qui serait, à un certain moment, gérée par la ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun. Mais la magistrate ne l’a pas autorisé à le faire.

Enter le Dr Satish Boolell

Me Azam Neerooa avait, dès la semaine dernière, entamé sérieusement la thèse du Dr Sunnassee, qui voulait que Kistnen soit mort brûlé vif. Thèse qui arrangeait ceux qui parlaient de suicide par immolation et qui a fini par être abandonnée dès le début de l’enquête. Mais le rapport, lui, avait déjà été rédigé en novembre 2020 et en février 2021.

Hier, l’avocat du DPP a eu l’occasion de mettre complètement en pièces cette théorie, lorsqu’il a démontré que Kistnen n’aurait pu mourir avec 5 % de monoxyde de carbone dans les voies respiratoires.

Le Dr Satish Boolell, venu à la barre des témoins dans l’après-midi, a donné raison sur toute la ligne à Me Neerooa, qui n’est pourtant pas médecin, et a donné tort à son confrère Ananda Sunnassee. Non, a-t-il martelé, sûr de lui, on ne meurt pas avec 5 % de monoxyde de carbone dans le corps. «Même les non-fumeurs ont plus de carbone dans le corps avec la pollution ambiante. Nos poumons ne sont d’ailleurs plus aussi roses que ceux d’un nouveau-né. Ils sont toujours plutôt noirs», contrairement à ce qu’avait affirmé le Dr Sunnassee.

Carnet de campagne

Me Neerooa a aussi pu faire reconnaître au médecin légiste qu’il s’est lourdement trompé en affirmant qu’il n’y avait pas de papiers dans la main de l’ex-agent du Mouvement socialiste militant et que c’était sa peau qui s’était détachée. Il y avait donc bien un papier dans la main du défunt comme l’a démontré Me Neerooa, document médical à l’appui. «La peau ne se détache que quand elle est brûlée au troisième degré.» Ce n’est pas le cas, puisque le rapport médico-légal du Dr Sunnassee lui-même affirme que c’est le dos de la main de Kistnen qui a été grièvement brûlé, pas la paume.

Le médecin légiste écopera d’un troisième avertissement pour avoir induit la cour en erreur. «Je me suis trompé», tente-t-il d’expliquer. Autant d’erreurs pour un spécialiste ? s’est demandé Me Roshi Bhadain au sortir du tribunal.

Lorsque l’on réalise comment le Dr Sunnassee n’a fait qu’induire la cour en erreur, on est en droit de se poser des questions. Heureusement que Me Neerooa, qui n’est pas un ignare en médecine légale et surtout l’ancien Chief Police Medical Officer, le Dr Satish Boolell, étaient là pour le contredire. Comme quand le premier a dit qu’il était impossible, comme le prétendait le Dr Sunnassee, que les particules et traces de fumée dans les voies respiratoires de Kistnen auraient pu être «washed away». Cela, alors que l’on a retrouvé des restes de nourriture qui ont, eux, été bien conservés dans l’estomac du décédé. Et c’était quoi ? Une orange que Kistnen aurait consommée avant d’être assassiné ! Ultime souvenir de l’agent du parti du même nom.