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Raj Ramlugun: «Ken Arian est-il un Richard Branson ?»

5 octobre 2021, 09:55

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Raj Ramlugun: «Ken Arian est-il un Richard Branson ?»

Air Mauritius avait-il trop d’employés ? 
Cela dépend des opérations et à quel niveau de la hiérarchie, de même que ses filiales et bureaux/entités à l’étranger. Il n’y en avait pas assez dans certains départements alors que dans d’autres, il y en avait trop. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Manpower Audit commandité par MK de la firme Aon Hewitt en août 2015. S’il y avait trop d’employés non-productifs chez MK, il faut savoir depuis quand, où, et qu’a-t-on fait tout ce temps avant le crash ? Qui en est responsable ? Et ne parlons pas des coûts faramineux des consultants externes sous chaque CEO/board, sauf sous Megh Pillay, pour ‘subventionner’ les lacunes ou incompétences des cadres en interne. 

Il y avait beaucoup de chefs en tout cas… 
Comment en est-on arrivé là ? Il y a eu des nominations, promotions et augmentations de salaires non justifiées des cadres, ne répondant pas vraiment aux besoins de la compagnie, et qui ont eu lieu sous presque tous les CEO et boards, certes à des degrés divers et avec la complicité des ‘clans’/EVPs à l’intérieur. 

Cela coûtait beaucoup plus que pour les petits employés, n’est-ce pas ? 
Oui, mais il y a aussi des ‘petits employés’ qui abusaient de ce même système de gestion et de leadership qui favorise le ‘clan’ et le ‘chantage’ pour avoir leur part. Il y en a, à tous les niveaux, qui méritaient leurs salaires. Mais si la culture d’abus a perduré, c’est plus à cause de la ‘faiblesse’ et l’éthique du leadership et de l’équipe dirigeante. ‘Ma survie personnelle avant tout’… c’est la règle d’or.

Il y avait même un «corridor manager» qui passait son temps à arpenter les couloirs du Paille-en-Queue Building, nous dit-on… 
Si c’est vrai qu’il y avait des ‘managers-couloir’, qui en est responsable et qu’a-t-on fait pour y remédier ? Je dois souligner que personne ne choisit de devenir ‘manager couloir’. C’est la culture de leadership et de gouvernance qui favorise un tel état de chose. Certains sont promus et récompensés de par leur proximité avec le parti au pouvoir, avec la hiérarchie dans l’organisation ou d’autres lobbies – incluant syndicats et socioculturels. Comme c’est souvent le cas à Maurice, quand le pouvoir politique change, ceux qui en ont profité ‘indûment’ avant ne sont pas bien vus par la nouvelle équipe et ils seront mis au placard au profit des nouveaux blue-eyed boys. C’est ainsi qu’on risque de devenir ‘manager couloir’ chez MK et ailleurs également, je suppose. Ce qui est inacceptable, c’est que ces gens marginalisés vont continuer à toucher leur salaire/bénéfices en ne faisant presque rien. Certains vont se considérer comme des ‘ victimes’ et attendront un changement de régime pour effectuer leur comeback, d’autres en tireront profit pour leur compte personnel tout au long de leur carrière chez MK. Bref, la grande majorité des ‘méritants’ qui font leur travail avec dévouement demeurent dans l’ombre. Résultat : sakenn so tour ! Sauf pour les carapates !

Moins de deux jours après le «watershed meeting», on a vu le Premier ministre qui ‘remet son nez’ dans les affaires d’Air Mauritius en annonçant la réintégration de 18 pilotes pilotes, dont deux lauréats. Votre avis ? 
Même si c’était justifié, le PM devait-il le faire en fanfare en invitant la presse ? La levée de bouclier médiatique créée par la mise à pied des 18 pilotes justifie-t-elle une contre-opération médiatique ? Est-ce le bon signal envoyé par le Premier ministre ? La réintégration de ces pilotes, dans leur droit, après que les hommes de ce même gouvernement les ont forcés à prendre un ‘long congé’, est-ce de la justice ? Si cela devait fonctionner ainsi, il faudrait fermer la CCM, l’ERT. Allons régler tous les problèmes des travailleurs et autres au PMO ou avec ses conseillers. 

Pensez-vous qu’Air Mauritius est maintenant sur la bonne voie ? 
Je l’espère. Si elle n’a pas appris les leçons d’achats d’avions à gogo, d’emplois de consultants chaque année et la nomination des petits copains et autres décisions comme le hedging de 2008 qui ont plombé la compagnie, si elle n’a pas tiré les leçons du Covid, elle ne le fera jamais.

Que pensez-vous de la désignation de Ken Arian à la tête de la mégastructure Airport Holdings Ltd ? 
J’ai vu et entendu sa défense et celles de ses amis. Moi, ce que je demande : Ken Arian est-il un Richard Branson ? Je vous rappelle que le Britannique a commencé avec une maison de disques pour finir par envoyer des fusées dans l’espace. Mais avec SON ARGENT. On ne peut pas donner une entreprise brassant Rs 25 milliards par an d’argent public à un copain ou frère. On ne peut pas placer la loyauté personnelle ou politique au-dessus de tout. On est en train de s’adonner à l’expérimentation comme avec le transformation committee, avec l’argent des autres. Croyez-vous qu’une entreprise privée aurait pris le risque de nommer quelqu’un sans proven track record à sa tête ? Pourquoi alors les politiciens au pouvoir le font-ils si souvent ? Et quand tout va bien, on va prendre tout le crédit politique, mais quand c’est la débâcle de l’entreprise ou de l’institution, on ne perd rien car on n’a pris aucun risque personnel. L’illustration parfaite de notre culture de gouvernance fondée sur l’immunité et l’impunité au plus haut niveau.