Publicité
Meurtre de Michaela Harte: l’ex-témoin de la poursuite Theekoy avait-il dit toute la vérité ?
Par
Partager cet article
Meurtre de Michaela Harte: l’ex-témoin de la poursuite Theekoy avait-il dit toute la vérité ?
Qu’est-ce qui s’est passé exactement dans la chambre 1025 le 10 janvier 2011 ? Selon l’acte d’accusation, alors que John McAreavey et son épouse, Michaela, se sont installés vers 14 heures ce jour-là pour prendre le thé dans un des restaurants de l’hôtel, Michaela est retournée vers leur chambre pour prendre des biscuits. Et se serait retrouvée nez à nez avec Avinash Treebhoowoon, qui fouillait dans le portefeuille de la jeune mariée. En réalisant que le valet de chambre était en train de la voler, elle a commencé à crier. Sandip Moonea, le superviseur, qui était aussi présent dans la chambre, a voulu l’empêcher de crier et, avec l’aide de Treebhoowoon, l’aurait immobilisée et tuée. Une fausse (dummy) carte d’accès à la chambre a été utilisée, «ce qui n’aurait pas pu être obtenue par le mari», nous dit un enquêteur dans cette affaire. Pour rappel, le mari, John McAreavey, était parmi les suspects au tout début de l’enquête. «Seuls des employés, nous explique notre interlocuteur, auraient pu avoir accès à une ‘dummy access card’.»
Complice dans le cambriolage ?
Raj Theekoy était accusé au début d’avoir été le complice d’Avinash Treebhoowoon et de Sandip Moonea dans ce meurtre. Puis, la police lui a accordé l’immunité lorsque Theekoy a décidé de se mettre à table. Mais il n’aurait pas tout raconté. Selon la déposition de Treebhoowoon, Theekoy était bien complice, pas du meurtre mais de vol.
Selon les dires de Treebhoowoon, Theekoy participait au cambriolage en surveillant à l’extérieur de la chambre. S’il aurait pu être considéré comme complice dans le meurtre, c’était de ne pas avoir réagi en entendant les cris de Michaela Harte car il savait que ces deux collègues étaient à l’intérieur. Il demandera d’ailleurs pardon à la famille de la défunte de n’avoir rien fait pour sauver celle-ci lorsqu’elle appelait à l’aide. Il expliquera en cour qu’il a appris la mort de l’Irlandaise un peu plus tard. Lorsqu’il avait entendu des cris, il avait demandé aux deux autres accusés ce qui s’est passé dans la chambre 1025 et ces derniers lui ont répondu : «Rien.»
En apprenant la mort de Michaela après la découverte du corps par John McAreavey, Raj Theekoy a demandé de nouveau des explications à ses deux collègues. Ces demandes d’explications ont été très animées, comme l’ont révélé des images d’une caméra de l’hôtel. En fait, Sandip Mooneea était un superviseur qui était craint de par sa position. Selon le propre témoignage de Raj Theekoy, celui-ci a fait l’objet de menaces venant de ses deux collègues de l’impliquer dans le meurtre. C’est ce qui l’a empêché de tout révéler à la police au début de l’enquête.
Erreur capitale de la poursuite ?
On ne sait pas si Raj Theekoy, en devenant le témoin de la poursuite, a «négocié» pour que la poursuite enlève l’accusation de complot pour vol contre lui. Si ce fut le cas, fut-ce une erreur capitale ? Car en voulant cacher sa participation au projet de cambriolage, Raj Theekoy s’est retrouvé en difficulté en cour, surtout lorsqu’il a été contre-interrogé par Me Rama Valayden, l’avocat de Sandip Moonea.
Ainsi, Raj Theekoy n’a pu expliquer pour quelles raisons il se trouvait aux alentours de la chambre 1025 alors qu’il était supposé avoir terminé sa journée de travail à cette heure et ce jour-là. Ce fut à ce moment précis que Me Rama Valayden a demandé à la cour à ce que le contre-interrogatoire soit interrompu car l’avocat «had to leave for another case !»
Serait-ce un genre d’hésitations et d’absences de réponse de la part de Raj Theekoy qui aurait poussé le jury à acquitter Treebhoowoon et Moonea ? À noter que les membres du jury ont pris leur décision en se basant sur leur intime conviction concernant les faits.
Pour Me Valayden, que nous avons contacté, si Theekoy surveillait vraiment les allées et venues pendant que ces deux collègues cambriolaient la chambre, pourquoi ne les a-t-il pas alertés ? C’est pour cela qu’il pense qu’il n’y avait aucun complot pour entrer dans la chambre dans le but de détrousser les Irlandais. Il ajoute que les employés de l’hôtel ont l’habitude de demeurer sur place même après les heures de travail.
Les excès de la police, avérés ou non, auraient aussi, selon un avocat, influencé le jury. Les avocats Ravi Rutnah, Sanjiv Teeluckdharry et Rama Valayden n’auront de cesse de dénoncer les bavures commises par les enquêteurs. Même l’aveu de Treebhoowoon – l’élément principal dans cette affaire – a été remis en question car, a dit son avocat, il a été obtenu «by violent means». Les membres du jury se seraient sans doute laissé influencer ?
Et maintenant ?
Les mêmes accusés peuvent-ils être rejugés ? Une personne «autrefois acquittée» peut-elle faire l’objet d’un second procès pour les mêmes faits ? «Oui, si de nouveaux éléments surgissent», nous dit un avocat. Pour Me Antoine Domingue, Senior Counsel, cela est impossible en vertu de l’article 10 (5) de la Constitution. «Personne ne peut faire face à un ‘double jeopardy.’ Un verdict est définitif. À moins qu’il n’y ait pas de verdict, qu’il y ait un ‘stay of proceedings.’» D’ailleurs, Theekoy n’est plus là. Ce sera donc à la police de rechercher de nouveaux témoins. Et de nouveaux suspects. Me Rama Valayden est d’avis que l’on ne peut réutiliser le témoignage et la déposition de feu Theekoy car il serait injuste pour la défense qui ne pourrait dès lors contreinterroger Theekoy.
La veuve Theekoy ne veut pas commenter ni sur le décès de son mari ni sur l’affaire Harte. Quant à Sandip Mooneea, il ne veut faire aucune déclaration à la presse, nous référant à son avocat, Me Rama Valayden. Nous n’avons pas pu entrer en contact avec Avinash Treebhoowoon.
Verdict
<p>Il faut savoir que lors d’une affaire criminelle, une cour de justice et le jury décident non <em>«on a balance of probabilities»</em> comme en procédure civile mais <em>«beyond reasonable doubt»</em>. La moindre absence de preuve à charge ou le moindre doute serait normalement considéré au profit de l’accusé. Car selon la philosophie légale, il est mieux de laisser partir un coupable en liberté que de condamner un innocent. Et comme le dit Jean Gabin dans le rôle du juge Leguen dans <em>«Verdict»</em>, c’est soit coupable soit non coupable, il n’y a rien entre les deux, pas de peine réduite en cas de doute. Sauf s’il existe des circonstances atténuantes qui réduiraient la peine infligée. Mais, souligne-t-il <em>«le manque de preuves n’est pas une circonstance atténuante»</em>. Et comment interpréter une décision d’un jury ? Difficile ! Car ce n’est pas comme le juge qui explique et motive sa décision en écrivant de longues pages. Les membres du jury discutent entre eux sous la direction du <em>«foreman»</em>, le président du jury, en livrant chacun leur avis et décident du sort des accusés par un vote secret.</p>
Publicité
Les plus récents