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Pandora Papers & St Louis Gate: l’accusé Alain Hao Thyn Voon détient une compagnie aux îles Vierges britanniques
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Pandora Papers & St Louis Gate: l’accusé Alain Hao Thyn Voon détient une compagnie aux îles Vierges britanniques
PAD CO, la compagnie qu’il détenait, a été liquidée. Entre-temps, Alain Hao Thyn Voon a été arrêté dans l’affaire St-Louis, accusé de blanchiment d’argent. «L’express» a découvert dans les «Pandora Papers» qu’il détient une société aux îles Vierges britanniques. C’est cependant un homme calme et confiant que nous avons eu au téléphone : «Cette compagnie n’a pas d’actifs et je vous explique pourquoi j’ai créé la structure…» Les syndicats de la défunte PAD CO, eux, dénoncent une «nébuleuse opaque» au détriment des travailleurs.
Après Sattar Hajee Abdoula, Yuvraj Thacoor, et Jaye Jingree, voici un autre Mauricien dont le nom figure dans les Pandora Papers : Philippe Alain Hao Thyn Chuan, plus connu comme Alain Hao Thyn Voon. Les Pandora Papers, s’il faut le rappeler, c’est le nom d’une enquête internationale sur les richesses cachées dans l’offshore et à laquelle 600 journalistes d’investigation, regroupés au sein du Consortium International de Journalistes d’Investigation, de plus de 100 pays, ont participé.
Il y a un an donc, PAD CO, l’entreprise d’Alain Hao Thyn Voon, qui employait plus de 1 000 personnes, a été placée sous administration volontaire après des années de pertes, avant finalement d’être mise en liquidation. Un malheur ne venant jamais seul, Alain Hao Thyn Voon a été arrêté quelques semaines plus tard dans le très médiatisé St-Louis Gate.
Ce scandale a éclaté quand la Banque africaine de développement a découvert que Burmeister & Wain Scandinavian Contractor (BWSC), une entreprise danoise, a payé des pots de vin à des Mauriciens – politiques et hommes d’affaires – pour avoir accès à des documents lui permettant de décrocher un mirobolant contrat avec le Central Electricity Board (CEB), soit l’installation de nouvelles turbines à la centrale électrique de Saint-Louis. PAD CO a été un des plus importants sous-traitant de BWSC sur le projet. La Commission anti-corruption (ICAC) reproche à Alain Hao Thyn Voon d’avoir blanchi l’argent ayant servi comme pot-de-vin.
Mais pas sûr que l’ICAC, qui s’est engagée dans un laborieux money trail, soit au courant que son suspect dispose d’une structure offshore très loin d’ici, dans une juridiction considérée comme «of primary concern»: les îles Vierges britanniques (BVI). La création de la structure remonte à 2013, et elle est à ce jour active. L’express a pu remonter jusqu’aux documents d’incorporation de Riversands Services Corp, le nom choisi par Alain Hao Thyn Voon. Ce dernier co-détient les 50 000 actions évaluées à $1 chacune avec son épouse Marylyn Isabelle Fok Lok. Pour créer une telle structure, nul besoin de se rendre sur place. C’est une Management Company singapourienne, Trident Trust, qui s’est occupée de tout. Ainsi, même si l’ICAC épluchait les relevés bancaires d’Alain Hao Thyn Voon, elle ne verrait que quelques facturations au nom de Trident Trust à Singapour et, grâce au secret qui régit l’offshore, la société aux BVI serait restée bien derrière les rideaux.
Consultant d’une société franco-belge
Pourquoi Alain Hao Thyn Voon détient-il cette compagnie ? Il avait, en 2013, précisé dans les formulaires d’incorporation qu’il souhaitait utiliser cette structure pour détenir des propriétés immobilières, des comptes bancaires et comme portefeuille d’investissement. À la question sur la provenance de fonds, il a coché la case «Salary/Personal Earnings».
La Mauritius Revenue Authority (MRA) est-elle au courant ? Nous avons posé la question à Alain Hao Thyn Voon au téléphone. Il ne semblait nullement inquiet de notre coup de fil. «Sachez tout simplement que cette compagnie n’a pas d’actifs. J’ai créé cette structure puisque je m’apprêtais à travailler comme consultant, à titre privé, auprès d’une société franco-belge pour un contrat aux Seychelles. Mais, au final, la compagnie n’a pas eu le contrat, et Riversands Services Corp n’a jamais disposé d’actifs.»
N’empêche que selon les documents que nous avons consultés, Alain Hao Thyn Voon a, en 2019, payé $832 comme frais administratifs et gouvernementaux pour renouveler la structure, toujours via Trident Trust à Singapour. «Oui, la structure existe toujours même si nous n’avons pas obtenu le contrat aux Seychelles. Je travaille toujours comme consultant auprès de la compagnie franco-belge. Ça ne me coûte pas beaucoup de maintenir cette compagnie en vie.»
Ce qui est sûr c’est que fiscalement, les îles Vierges britanniques sont nettement plus attrayantes que Maurice. Aux BVI, les compagnies offshores paient 0 % de taxes sur le Capital Gain, les revenus, les dividendes. Etait-ce pour cela qu’Alain Hao Thyn Voon a souhaité que son «employeur» franco-belge ne le paie pas sur son compte bancaire mauricien? «Non. Le travail allait se faire aux Seychelles, par une compagnie francobelge. Il est évident qu’un compte offshore aurait été plus pratique. Je vous confirme que Riversands Services Corp dispose d’un compte bancaire à Singapour mais la balance doit être d’environ $100.»
Sollicité, Reeaz Chutoo, qui a été le négociateur pour les 1 100 employés de PAD CO sur le pavé après la mise en administration puis la liquidation de l’entreprise, dénonce «encore une structure qui s’ajoute à une nébuleuse déjà opaque». «Nous avons découvert que certains contrats sur lesquels travaillaient les employés de PAD CO avaient été alloués à des compagnies tierces qui appartiennent à Alain Hao Thyn Voon, tout comme certains actifs. Or, quand on liquide tout pour payer les créanciers et les travailleurs, ces actifs ne sont pas considérés car ils n’appartiennent techniquement pas à PAD CO.» Ce que dément Alain Hao Thyn Voon. «C’est faux. Tout est au nom de PAD CO. Et aucun employé n’a perdu son ‘temps de service’. Les administrateurs et le gouvernement ont tout payé», rassure-t-il.
Enfin, dans les documents que nous avons consultés, Alain Hao Thyn Voon donne le nom de celui qui l’a orienté vers Trident Trust à Singapour. Il s’agit d’un Chief Executive Officer (CEO) d’une Management Company mauricienne, filiale d’un des plus grands groupes de compagnies locales. Nous lui avons écrit hier pour qu’il nous explique pourquoi il a orienté un client vers une société dans une autre juridiction, alors que Maurice est elle-même une juridiction dite fiable. Le client a finalement atterri aux îles Vierges britanniques. Nous attendons la réponse de ce CEO.
Le président du GAFI salue les «Pandora Papers» à deux reprises
Si, à Maurice et dans le monde, les opérateurs prétendent que les journalistes de l’ICIJ «ne savent pas ce qu’est l’offshore» et que les «Pandora Papers» ou les enquêtes financières précédentes sont le fruit que de leur «ignorance», le président du GAFI, l’Allemand Marcus Pleyer, a, à deux reprises, publiquement salué les «Pandora Papers». La première fois c’était lors de la réunion des ministres des finances du G20, le 13 octobre : «I must raise the Pandora Papers and how they underscore the need for action - this is very important. The FATF has long warned how anonymous shell companies and trusts can be abused for illicit purposes, and developed global standards to prevent this. The Pandora papers highlight what FATF assessments have shown for years – that the standards are not effectively implemented, and that the standards themselves need strengthening.» Jeudi, alors qu’il annonçait la sortie de Maurice de la liste grise du GAFI, Marcus Pleyer a particulièrement ciblé les tentatives de cacher les bénéficiaires ultimes de société offshore derrière des structures complexes.
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