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Travailleurs étrangers: les syndicalistes émettent des réserves sur la carte d’identité

26 octobre 2021, 22:00

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Travailleurs étrangers: les syndicalistes émettent des réserves sur la carte d’identité

Une carte qui permettra d’identifier tous les travailleurs étrangers afin de prévenir l’emploi de clandestins. Ce projet, du ministère du Travail, divise les syndicalistes qui défendent, d’un côté, la liberté de ces employés et, de l’autre, l’intérêt des Mauriciens.

Exit le permis de travail et enter la carte personnalisée destinée aux travailleurs étrangers. C’est du moins ce qu’ambitionne le ministère du Travail. Cela devrait permettre de diminuer les travailleurs clandestins. Toutefois, les syndicalistes se posent plusieurs questions sur cette carte.

Cette idée a déjà émergé il y a quelques années, sans pour autant toucher les principaux concernés. Cette fois-ci, au niveau du ministère du Travail, l’on laisse comprendre que les travailleurs étrangers devront avoir cette carte sur eux car à n’importe quel moment, l’on pourrait la leur demander. Le syndicaliste Fayzal Ally Beegun soutient que cette pratique existe déjà dans certains pays. «À Dubaï ou encore en Arabie saoudite, les travailleurs possèdent ce genre de carte.» Ainsi, on y trouve leur nom, leur nationalité, leur numéro de passeport, le nom et le numéro de téléphone de la compagnie qui les emploie, l’adresse de leur dortoir. «Mais la question est de savoir quelles sont les intentions du gouvernement pour venir de l’avant avec cette carte ? Par le passé, j’avais dénoncé cette pratique. Aujourd’hui, il faudrait savoir qui sont ceux qui vont payer pour faire cette carte. Serait-ce la compagnie ou est-ce que ce sera à la solde du gouvernement ?»

Ce que le président de la Textile Manufacturing and Allied Workers Union redoute, ce sont les retombées de cette carte. «Est-ce que c’est une carte qui aura pour but de surveiller les faits et gestes des travailleurs étrangers, celle-ci étant munie d’une puce ? Si c’est pour le bien-être des travailleurs, alors il faudra m’expliquer comment cela va se faire», demande le syndicaliste. Il n’est pas sans savoir qu’il y a des travailleurs illégaux dans le pays, des chiffres que le gouvernement fournit régulièrement. «On parle de 2 500 à 3 000, venant de plusieurs pays. Est-ce que les policiers seront en droit d’exiger de voir cette carte quand cela leur plaira ? Nous vivons dans un pays libre et il en va de même pour les travailleurs étrangers.»

L’avis de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) a aussi été sollicité sur cette affaire. Pour la secrétaire de la confédération, Jane Ragoo, il faut peser le pour et le contre. «Nous avons plusieurs travailleurs qui arrivent à travers l’Economic Development Board et d’autres se présentent comme des touristes. Après six mois, ils sont toujours dans l’île et se perdent même dans la nature. Raison pour laquelle les Mauriciens se plaignent car il y a un envahissement des travailleurs étrangers à Maurice. Mais quand on compare les chiffres fournis par Statistics Mauritius et ce que l’on voit sur le marché, la différence est énorme.»

50 000 ou 35 000 Bangladais

Pour la petite anecdote, Jane Ragoo ajoute qu’en 2018, lors du passage de la CTSP au Bangladesh, l’on leur a avancé qu’il y a plus de 50 000 travailleurs à Maurice alors qu’ici, l’on parle de 35 000. «Avec cette carte, le Passport and Immigration Office (PIO) pourrait exercer un contrôle dans l’intérêt des Mauriciens.»

Selon elle, cela empêcherait également les employeurs malveillants d’avoir recours aux travailleurs étrangers arrivés au pays comme touristes, sans qu’ils n’aient à s’acquitter de quelconque frais auprès du ministère de l’Emploi. «Le PIO expulse les travailleurs illégaux, mais qu’en est-il de ceux qui les ont employés ? Ils ne sont pas inquiétés. Avec cette carte, les travailleurs et les employeurs illégaux se feront du souci. Certes, on parle de liberté, mais il y a une limite quand même.» D’autant que quand le travailleur illégal rencontre des problèmes, personne ne peut l’aider.

De son côté, Deepak Benydin n’y va pas par quatre chemins. Pour le président de la Congress of Independent Trade Unions, cette carte serait un gaspillage de fonds. «Tous les étrangers qui viennent travailler à Maurice devraient être sous le contrôle du ministère du Travail, alors je ne comprends pas la raison d’émettre cette carte d’autant plus qu’ils ont déjà leur permis de travail et leur passeport.» Et avec le vieillissement de la population, la venue des travailleurs étrangers est importante. «Nous avons découvert qu’il existe déjà des discriminations au niveau des salaires des travailleurs étrangers. Chaque employé, dépendant du pays d’où il vient, obtient un salaire différent. J’appelle cela de l’exploitation !» Il ne croit pas à la nécessité de cette carte.

Au jeu du pour et contre, la balance pèse davantage vers le contre, en tout cas, en attendant les explications du ministère du Travail à ce sujet.