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Vol, torture et meurtre de leur fils en 2005: La famille Mir réclame Rs 2 milliards au groupe IBL dans le «procès de l’année»
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Vol, torture et meurtre de leur fils en 2005: La famille Mir réclame Rs 2 milliards au groupe IBL dans le «procès de l’année»
- Les plaignants jurent que la compagnie de sécurité Gray (IBL) savait que Takah, son employé et cerveau de l’assassinat, avait déjà volé des cartes de crédit
- «Gray (IBL) n’a pas envoyé de renforts quand elle a reçu un signal d’alarme électronique à son QG»
- Les parents de Mujeeb Mir sont à Maurice pour le procès qui débute demain
C’est sans doute le procès de l’année et il réunit tous les éléments d’un feuilleton à suspense : un milliardaire volé et torturé à mort à Maurice ; un agent de sécurité crapuleux censé assurer le gardiennage qui devient le cerveau de l’assassinat ; l’empire commercial du milliardaire qui s’effondre et la responsabilité de l’entreprise la plus puissante de Maurice – IBL trône au sommet du classement des 100 Top Companies depuis plusieurs années – qui est engagée. L’assassinat de Mujeeb Mir dans la nuit du 31 janvier 2005 est, selon Lord Brown (Privy Council) qui avait écouté l’appel d’un des condamnés, «Mauritius’s most notorious murder of all time», et (si jamais il fallait une validation à l’opinion d’un Law lord), il a bien raison.
Mujeeb Mir, pour ceux qui n’étaient pas nés et qui ont raté le tsunami médiatique accompagnant cet assassinat et son procès, est un milliardaire indien qui vivait à Maurice. Il est né en 1970 et il était un diplômé du Kings College au Royaume-Uni. La famille Mir est elle-même milliardaire. Elle est engagée dans les finances, le tourisme, le commerce international et l’art, entre autres. Les compagnies de l’empire Mir comptent 200 bureaux et boutiques dans le monde (États-Unis, Europe, Asie, Afrique) et emploient plus de 7 000 personnes. Mujeeb Mir y a lui-même beaucoup contribué.
Dès l’âge de 20 ans et pendant 15 ans, c’est-à-dire jusqu’à son assassinat, Mujeeb Mir démontre des talents inouïs de chef d’entreprise à succès en diversifiant les activités de l’empire familial. Rien qu’à Maurice, il avait créé au moins trois compagnies dont il était lui-même le CEO. Selon sa famille, Mujeeb Mir était le «creator, promoter, flagship, main asset, controlling shareholder» de ces trois compagnies et d’une dizaine d’autres (Thaïlande, Cambodge, Inde, Hong Kong), toutes citées dans la plainte des parents de Mujeeb Mir; le père Rashid, la mère Hasina et la sœur Tabasum (une dermatologue très connue à New York).
Mujeeb Mir a été tué dans des circonstances abominables. Ce tristement fameux soir, Takah, agent de sécurité pour la compagnie Grey chargé du gardiennage de la villa de Mir, ouvre les portes à son complice Koonjul, un chauffeur de taxi, en le faisant passer pour un technicien de l’alarme venu effectuer un contrôle. Les deux hommes tabassent et ligotent la victime, lui volent ses cartes de crédit, son portable qui contient ses codes PIN, avant de l’enfermer dans le coffre de sa propre voiture (celle de Mir). Koonjul prend son taxi pour aller récupérer un 3e homme, Dookhee, pour qu’il conduise la voiture de Mir jusqu’à un endroit où les attendait Mungrah, le jardinier de Mir. Sur place, Mir est battu. Ils lui roulent dessus avant de le brûler vif sous sa propre voiture. Les meurtriers avaient écopé des peines de prison de 32, 26, 30 et 5 ans respectivement (certaines allaient ensuite varier après divers appels en Cour suprême et au Privy Coucil).
Mais que vient faire la surpuissante IBL dans cette histoire, 15 ans après ? Pourquoi la famille de Mujeeb Mir lui réclame-t-elle Rs 2 milliards ? La plainte est très explicite (en attendant que l’on entende les arguments d’IBL lors des plaidoiries demain). Il se trouve que Gray Security Services, la compagnie qui assurait le gardiennage de la villa de Mujeeb Mir), était une subsidiaire d’IBL au moment des faits et la famille Mir accuse Gray et aussi IBL (pas juste par extension) de fautes lourdes, d’irresponsabilité et d’imprudence ayant conduit aux événements du 31 janvier 2005. Selon la plainte de la famille Mir, IBL avait le total contrôle de Gray ; elle avait nommé ses senior employees et son managing director sur le board de directeurs de Gray. Voilà pourquoi IBL est mise en cause dans la plainte.
Il y a d’abord la question de l’alarme. La villa de Mujeeb Mir était équipée d’un système installé et entretenu par Pro Guard Ltd. Vu que le contrat de gardiennage avait été alloué à Gray, quand l’alarme de la villa envoyait un signal à Pro Guard, Gray était automatiquement prévenu. C’est du moins ce qu’avancent les plaignants. Or, ils affirment qu’à 21 h 50 ce soir-là, l’alarme s’est effectivement déclenchée. «Les bureaux d’IBL et de Gray ont été dûment notifiés en temps réel et par un représentant d’Étoile de l’Orient (une des compagnies de Mir)», racontent les plaignants.
«IBL and Gray failed to respond and failed to act with due diligence and care. They allowed Takah a free hand and failed to check him or to stop him despite having been warned that the security alarm had been activated. As such IBL and Gray were grossly negligent. But for their gross negligence, Mr Mir would not have suffered the brutal assault on his person, he would not have suffered the torture, and pain over several hours and would not have lost his life», argue la famille Mir. «Ils ont fait le contraire de ce qu’ils avaient promis et ont failli dans leur duty of care», déplorent les parents de la victime.
Vient ensuite le profil de Takah, le gardien que Gray a affecté à la résidence de Mujeeb Mir et qui allait devenir le cerveau de l’assassinat. La famille Mir accuse Gray et IBL d’avoir permis ce vol par leur imprudence en déployant Takah. «Avant le 31 janvier 2005, Gray et donc IBL connaissaient le profil malhonnête de Takah. Ce dernier avait volé les cartes de crédit de son superviseur. Ils le savaient. Ils ne l’ont jamais fait passer devant un comité disciplinaire. Au contraire, ils l’ont envoyé surveiller la résidence de M. Mir. À partir de ce moment, le destin de notre fils était presque scellé», disent les parents de la victime.
La plainte détaille tout ce qu’a fait Takah cette nuit-là et à chaque fois, elle précise que c’est parce que Gray et IBL «allowed and permitted him».
Pour arriver à la somme de Rs 2 milliards (évoquée en dollars dans la plainte), la famille de Mujeeb Mir liste toutes les compagnies qu’il dirigeait. Elles ont toutes commencé à subir des pertes après son décès. La famille Mir a choisi Me Roshi Bhadain comme avocat et expert-comptable forensic pour compiler les chiffres et il représente dans ce procès les 13 compagnies citées dans la plainte. Roshi Bhadain a produit et détaillé les pertes de toutes ces compagnies et d’après son calcul, la somme due est de $ 48 578 797, soit près de Rs 2 milliards.
À cela, il faut ajouter Rs 19 millions que réclament personnellement les membres de la famille Mir. Ils estiment qu’IBL et Gray doivent payer Rs 10 millions à Mujeeb Mir pour les souffrances qu’il a encourues, et en tant que ses héritiers, cette somme leur est due. Ensuite, les deux parents et la sœur de Mujeeb Mir réclament Rs 3 millions chacun pour les dommages moraux et leur souffrance personnelle découlant du décès tragique de leur proche. La famille a retenu les services de Me Jean-Jacques Robert comme avoué, ainsi que Mes Patrice Doger de Spéville et Angélique Desvaux de Marigny comme avocats. Les compagnies de Mujeeb Mir sont représentées par Me Roshi Bhadain. Demain, la Cour Suprême entendra les premières plaidoiries.
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