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Covid-19: des cimetières bondés, l’hécatombe se poursuit
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Covid-19: des cimetières bondés, l’hécatombe se poursuit
Des hommes revêtus d’une combinaison blanche s’affairent autour d’une fosse au cimetière de Bois-Marchand. Un spectacle devenu récurrent depuis quelques mois. Au loin, les proches, fleurs à la main, guettent le corbillard qui va amener la dépouille de ce père, cette mère, cette soeur ou ce frère, parti trop tôt des suites du Covid-19. Cette situation, Shakeel Anarath, fondateur et responsable de l’Al Ihsaan Islamic & Funeral Centre la trouve inquiétante. «Surtout quand vous comptabilisez le tout. Et que vous constatez que les personnes décédées du Covid-19 ont dépassé le nombre de personnes décédées d’autres complications de santé.»
A titre d’exemple, il donne les chiffres compilés du 1er au 26 novembre, à 11 heures. «168 enterrements soit 86 liés au Covid et 82 d’une autre cause. C’est la première fois de notre histoire que nous atteignons ce chiffre au bout de 26 jours seulement, surtout si l’on prend en compte que nous nous occupons uniquement des enterrements des musulmans. Il y a aussi d’autres sociétés musulmanes qui sont engagées pour effectuer des funérailles.»
Shakeel Anarath confie qu’en septembre, soit du 12 au 30, le nombre de décès liés au Covid- 19 était de 34 alors que pour le mois d’octobre c’était 35. Toutefois, il tient à rassurer son équipe durant cette dure épreuve. «Il est vrai que nous sommes à risque. Que ce soit au moment de récupérer le corps ou celui du transport, ou encore au moment de donner le bain au mort, où il faut le manipuler. Au cours de plusieurs étapes, nous sommes à risque. Mais si nous laissons la peur nous envahir, nous risquons de commettre des fautes. Et alors, nous pourrons être contaminés.»
Tous les cimetières sont concernés aujourd’hui, ajoute le responsable de l’Al Ihsaan Islamic & Funeral Centre. «Avant nous avons plus convergé vers Bois-Marchand et Bigara, mais aujourd’hui, c’est partout. Circonstance, Trois-Mamelles, Union-Park, Plaine-Magnien, Chemin-Grenier, Souillac, Belle- Mare, Riche-Mare, Riche-Terre, Plaine-des-Papayes, Belmont, Sebastopol. Cela vous laisse comprendre que les morts sont partout.»
Il constate aussi que les personnes décédées ne sortent plus uniquement de l’hôpital ENT à Vacoas. «Avant 80 % sortait de là-bas. Mais aujourd’hui, nous avons plus de décès dans l’hôpital de Flacq que celui de Vacoas ou encore quelquefois plus à l’hôpital Jeetoo qu’à ENT. Sans parler des fois où nous avons plus de morts dans les maisons qu’à ENT.» Pour ce qui est des chiffres avancés, le responsable d’Al Ishaan Islamic & Funeral Center ajoute qu’il possède tous les documents pour appuyer ses dires.
Toutefois, il reconnaît que le Covid-19 a chamboulé sa vie ainsi que celle de tous ceux qui oeuvrent à ses côtés. «Nous avons eu à annuler tous les shifts et les jours de congés. Tout le monde est engagé à pleintemps. Nous avons même une morgue privée dans notre centre qui nous permet de garder les personnes décédées du Covid-19 pendant la nuit. Car cela demande une autre disposition au niveau des cimetières et surtout qu’il faut faire le trou un peu plus grand à cause de la caisse en bois.» La vie familiale est aussi bouleversée. «Nous pouvons également compter sur une vingtaine de volontaires qui nous aident, mettant même de côté leur emploi pour nous prêter main-forte. C’est vraiment un moment difficile que le pays traverse.»
Cette situation est également décriée par la compagnie de pompes funèbres Moura. Janik Rousseau, Funeral Manager, dit que l’entreprise reçoit de quatre à dix personnes mortes du Covid au quotidien. «Il y a des jours où nous en avons moins. Mais la moyenne serait de dix.» En tout cas, l’accent est mis sur la sécurité du personnel lors de ces funérailles. A titre d’exemple, elle indique qu’à chaque fois qu’un corps est récupéré, le personnel obtient un nouveau Personal protective equipment (PPE). «Quand un client demande nos services, nous cherchons à savoir si le défunt est mort du Covid ou d’une autre cause. Et si c’est le Covid, les ambulanciers sont équipés de la tête au pied pour récupérer le corps. Et si on a de nouveau besoin de nos services, l’équipe chausse un nouvel équipement pour aller prendre le nouveau corps.»
Selon les renseignements que notre interlocutrice a recueillis, les cimetières et les crématoriums ont décidé de changer leurs heures de fermeture, allant jusqu’à fort tard pendant la nuit. «C’est un plus pour tout le monde car il y a quelquefois de longues files d’attente.» Au niveau des cercueils, elle confie qu’ils sont tous pourvus d’une petite vitre où les proches peuvent voir le défunt jusqu’à ce que la terre le recouvre. «Et en cumulant les décès et ceux du Covid, nous atteignons facilement 17 voire 18 enterrements par jour.»
Pour Janik Rousseau, sans la solidarité entre les employés, la tâche aurait été plus difficile. «On ne peut pas montrer la crainte aux familles endeuillées. Et le personnel a été entraîné pour toujours donner le meilleur de lui-même. Amour et respect sont les maîtres mots.» En tout cas, les cimetières continueront cette réalité, si dure qu’elle soit…
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