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IBA Amendment Act: Top FM risque-t-elle d’arrêter d’émettre dès la semaine prochaine?
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IBA Amendment Act: Top FM risque-t-elle d’arrêter d’émettre dès la semaine prochaine?
Un renouvellement jusqu’à décembre 2022 plus probable
Il n’aura suffi que de neuf jours pour que la nouvelle loi régissant les radios privées soit présentée à l’Assemblée nationale, votée, promulguée par le président de la République et publiée dans la Gazette du gouvernement, donc en vigueur en un temps record. Cette loi – un véritable désastre à court et long termes pour la démocratie, la liberté de la presse et d’expression, ou encore la protection des sources – pourrait avoir un impact direct immédiat. Top FM, dont la licence expire dimanche prochain, se retrouve pile dans la fenêtre de tir du pouvoir. L’IBA ira-t-elle jusqu’à ne pas renouveler la licence de la radio contre qui elle a déjà sévi à quatre reprises ces dernières années ? Eclairage…
Entre Top FM et le pouvoir du jour, c’est tout, sauf une histoire d’amour. La radio de Kris Caunhye, dont la ligne éditoriale n’accorde aucune pitié au MSM dans le traitement des scandales et les cas de mauvaise gestion qui éclaboussent le gouvernement, a dans un passé récent, été victime de quatre suspensions de diffusion. À la guerre comme à la guerre, le MSM a, en neuf jours seulement, et quasiment à la veille de l’expiration de la licence de Top FM, fabriqué une impitoyable arme de destruction: l’IBA Amendment Act qui lui permet de ne pas renouveler la licence de la radio sans que celle-ci n’ait un recours direct à la Cour suprême. Le gouvernement osera-t-il faire tomber la guillotine dès cette semaine en refusant de renouveller la licence de Top FM, entraînant ainsi un arrêt de diffusion ? Plusieurs éléments peuvent faire craindre ce scénario.
1. L’entêtement face à la contestation populaire
Top FM et Radio Plus (dont le positionnement éditorial était jusqu’à la semaine dernière nettement moins agressive que Top FM contre le pouvoir), deux féroces concurrentes commerciales, réunies pour une émission radio commune d’une durée de plus de deux heures et demie ! Inimaginable il y a deux semaines, cette émission a pourtant bien été réalisée. Ajoutez-y des manifs par-ci, des mobilisations politiques par-là, ou encore des prises de position de professionnels apolitiques et respectés, voire le soutien de certains journalistes de la MBC! L’exercice de com contre l’IBA Amendment Bill (entre-temps devenu Act) aurait été presqu’un succès, s’il n’avait pas été finalement voté. À écouter les radios la semaine dernière, on serait tenté de penser que tout le pays était contre cette loi. Mais malgré toute la résistance nationale et internationale, Pravind Jugnauth et ses députés ont bien voté la loi. Même les ex-animateurs de radio – Sandra Mayotte, Gilbert Bablee, Kavi Doolub, Subhasnee Luchmun-Roy – se sont mis debout comme un seul homme pour la voter.
L’entêtement aveugle du gouvernement ne suffit pas pour lui attribuer une motivation axée contre Top FM uniquement car toutes les radios sont concernées par la loi. Mais il trahit l’importance qu’accorde Pravind Jugnauth aux changements apportés à l’IBA: ils valent plus que la popularité ! Or, la popularité est le fonds de commerce des politiques. Le MSM a donc choisi d’en perdre un peu à trois ans des élections, pour peut-être en récupérer plus (comme un investissement) à l’approche des joutes électorales. Pour que cet investissement produise effectivement un return on investment, la réduction au silence d’une radio virulente contre le gouvernement serait forcément la bienvenue.
2. Un secret farouchement gardé
Pour gagner une guerre, il n’y a rien de plus efficace que de surprendre l’ennemi. Avant que le projet de loi ne figure à l’agenda des travaux parlementaires, personne ne savait ou même n’imaginait que le gouvernement affûtait cette arme. Pourtant, quand on considère le nombre de personnes qui doivent travailler sur un projet de loi, (les avocats et fonctionnaires du State Law Office, board members et directeurs des régulateurs, (ici l’IBA et l’ICTA), c’est un miracle que l’info n’ait pas fuité ; ou plutôt le parfait résultat d’une stratégie qui a exigé bien des efforts. On n’en fait pas autant pour rien, n’est-ce pas ?
3. La vitesse d’exécution
Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’IBA Act est presque déjà en vigueur. Il ne manque que la constitution de l’Independent Review Panel – conseil d’appel constitué pour que les radios puissent contester sanctions ou non-renouvellement de licence – pour que les changements soient complets. Quand on considère que la licence de Top FM expire le 12 décembre (dimanche prochain), les astres sont bien alignés pour que l’IBA assène à Top FM un coup fatal (voir plus loin «Le contenu de la loi»).
Pravind Jugnauth n’a donné aucune assurance sur le renouvellement ou non de la licence de Top FM (officiellement il ne peut pas car le board de l’IBA est officiellement indépendant et il n’est pas censé savoir), mais l’argument qu’il a avancé pour démontrer que l’IBA Amendment Act n’est pas taillé sur mesure contre l’ennemi Top FM est peu convaincant. Le Premier ministre a expliqué que la licence de Wazaa FM expire aussi en décembre. La comparaison est absurde et ne mérite pas qu’on s’y attarde.
4. Le machiavélisme passé
Ces deux dernières années, l’IBA a, à quatre reprises, sévi contre Top FM en lui infligeant une interdiction temporaire de diffuser. Trois fois, la lettre a été servie à Top FM un vendredi après-midi la sommant d’arrêter sa diffusion à 6 h 00 le lendemain matin. La radio a dû purger sa peine sans pouvoir recourir à la Cour Suprême pour demander une injonction contre ces suspensions. La seule fois où la notice de suspension a été servie en semaine, Top FM a effectivement pu obtenir une invalidation de la sanction avant midi le lendemain. Ces événements sont extrêmement pertinents pour comprendre le risque qu’encourt Top FM (lire plus loin «Le contenu de la loi»).
5. Le contenu de la loi ou l’efficacité de l’arme
Si l’IBA voulait définitivement suspendre la licence de Top FM (ou ne pas la renouveler) sous l’ancienne loi, la radio aurait pu avoir recours à un juge pour qu’il lève temporairement l’interdiction de diffuser jusqu’à ce que l’affaire soit entendue sur le fond. C’est le principe de natural justice en droit. Par exemple, quand Pravind Jugnauth a été condamné par la cour intermédiaire dans l’affaire Medpoint, il n’a pas purgé sa peine d’emprisonnement car il avait fait appel du verdict. Sous la nouvelle loi, Top FM ne pourra pas bénéficier du bon sens de ce principe car la nouvelle IBA Act a créé un comité nommé par le Premier ministre à qui la radio sanctionnée doit d’abord faire appel.
Donc si nous imaginons que cette semaine, l’IBA informe Top FM que sa licence ne sera pas renouvelée, en invoquant son track record (ce qui n’existait pas sous l’ancienne loi), la radio peut toujours se tourner vers la Cour suprême. Mais le risque – qui n’existait pas sous l’ancienne loi – qu’un juge demande à la radio de faire d’abord appel à l’IRP est bien réel. Un recours à la Cour suprême n’est sollicité, en principe, que quand tous les autres recours sont épuisés. Et la loi n’impose aucune limite de temps à l’IRP. Top FM risquerait d’attendre ad vitam aeternam.
Ce qui peut sauver Top FM des griffes de Jugnauth… pour le moment
<p>Le non-renouvellement de la licence de Top FM avant dimanche est une possibilité. Mais rien n’est joué. Quelques pistes d’espoir sont toujours permises.</p>
<p><strong>Une patate bien trop brûlante</strong></p>
<p> L’IBA osera-t-elle ? Résister à une contestation populaire sur une loi qui risque d’être dangereuse, comme vient de faire Jugnauth, est une chose. Survivre à l’indignation que provoquerait la ferme- ture de Top FM (un résultat réel et concret de la loi) en est une autre. Le PM doit prendre le soin de bien mesurer la portée et les conséquences impopulaires, d’une telle décision. Donner une bouffée d’oxygène à Top FM n’est cependant pas fatale à la stratégie de réduire la station au silence attribuée au MSM. La durée de la nouvelle licence serait uniquement d’une année. D’ici décembre 2022, les potentiels événements décrits plus haut peuvent encore se produire car on sera à encore deux ans des élections et le retour sur investissement (voir section 1 <em>«entêtement malgré la contestation populaire»)</em> de l’impopularité engrangée par la nouvelle loi en novembre-décembre 2021 sera toujours possible.</p>
<p><strong>Anomalie transitionnelle entre les deux lois </strong></p>
<p>Selon l’ancienne loi, la durée d’une licence était de trois ans, et selon la nouvelle, elle sera d’une année. Cela fait plus de trois mois que Top FM a notifié l’IBA de sa volonté de renouveler sa licence. Laquelle des deux lois s’applique dans son cas ? C’est une anomalie qui pourrait bien profiter à Top Fm. Pour nuire à Top FM, l’IBA doit surtout éviter une reconduction tacite de la licence actuelle qui est de trois ans. Il est arrivé plusieurs fois dans le passé que les radios n’aient pas encore reçu la confirmation de renouvellement de leur licence au moment de son expiration. Elles ont continué à émettre sous le principe de reconduction tacite mentionnée à la clause 21 de l’ICTA Act. (L’ICTA Act régit, entre-autres, les fréquences radio et elle est la loi-mère de l’IBA Act).</p>
<p><strong>Qu’un juge brave l’IRP</strong></p>
<p>Sur papier, comme expliqué plus haut <em>(section 5 «efficacité de l’arme»,</em> un juge accorderait difficilement une injonction à Top FM avant que l’IRP nouvellement introduite dans la loi n’intervienne. Mais l’autorité que confère la Constitution à un juge est suprême et il peut bien intervenir à l’encontre d’une loi votée à l’Assemblée nationale.</p>
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