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Éclairage: something is rotten

15 décembre 2021, 18:00

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Éclairage: something is rotten

Visiblement, le gouvernement de Pravind Jugnauth achève 2021 dans un climat social délétère, suscitant à la fois réprobation populaire et inquiétude sanitaire. L’éclatement au grand jour du scandale de Molnupiravir par l’opposition, impliquant au passage CPN Distributors, qui est en soi un signe que les contre-pouvoirs fonctionnent, vient démoraliser davantage le grand public dans un pays atrophié qui compte ses morts et une population médusée par l’effet économique, psychologique, voire sociétal, d’une pandémie qui n’a pas dit son dernier mot…

Alors qu’on croyait que le premier scandale d’achat d’équipements médicaux par le ministère de la Santé, sous l’Emergency Procurement, l’année dernière, qui avait entraîné du coup le départ du ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, et la révocation du DG de la State Trading Corporation, aurait mis fin à cette pratique hautement illégale, le nouveau scandale vient démontrer que «something is rotten» quelque part, au 5e étage du bâtiment Emmanuel Anquetil.

L’affaire Molnupiravir et les zones d’ombre entourant l’achat de ce médicament par le ministère de la Santé, qui fait l’objet depuis cette semaine d’une double enquête – de la police et de l’ICAC – ouvre de nouvelles brèches dans l’édifice de ce gouvernement, déjà fortement fragilisé face à une accumulation des gabegies.

Voyons de plus près. Les observateurs et autres leaders d’opinion de la société se sont déjà interrogés ces derniers jours sur les ondes sur la pertinence de certaines démarches gouvernementales. Celles d’apporter, par exemple, une série d’amendements aux lois existantes pour restreindre l’espace démocratique et limiter la liberté d’expression et le droit à l’information de la population.

À un moment où la gestion du Covid soulève une tonne d’interrogations chez la population, qui n’arrive toujours pas à comprendre l’explosion du nombre de décès à l’hôpital ENT et le fait que les services hospitaliers et le personnel soignant sont sous une pression intenable, y avait-il vraiment l’urgence d’amender l’IBA Act ?

Aujourd’hui en dépit des arguments avancés par les lieutenants du MSM, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’hémicycle, pour plaider la bonne foi du gouvernement visant à réglementer le cadre légal des radios privées, il est difficile de faire croire à la population que le gouvernement avait un agenda différent.

Sortir de sa bulle et faire preuve d’une once d’humilité pour écouter les cris sincères des spécialistes audiovisuels, et accessoirement de la population, aurait sans doute économisé au gouvernement un mécontentement populaire généralisé, comme l’organisation du rallye de samedi, qui pourrait perdurer, comme les gilets jaunes à Paris, jusqu’à ce que le gouvernement revienne à de meilleurs sentiments et révoque les amendements de l’IBA Act.

Pression populaire

Sans doute, il sera difficile de gouverner face à une pression populaire qui se fera plus rude dans les rues alors que la situation exige que l’attention soit focalisée sur le redressement économique post-pandémie. Or, il ne faut pas voir que le verre à moitié vide alors que sur le front économique, la réponse du gouvernement à la crise à hauteur de 30 % du PIB aura permis d’éviter le crash de l’économie. Et limiter les dommages collatéraux et effets d’une crise sociale avec 100 000 travailleurs qui auraient pu être jetés au bord de la route. Certes, on dira que c’est une intervention financière à laquelle tous les États ou presque dans le monde se sont livrés ces derniers mois pour s’épargner un cataclysme économique. Tant mieux…

À l’aube de 2022, rien n’est encore joué alors même que les fondamentaux économiques du pays restent pour le moins fragiles. Après une contraction économique de presque 15 % l’année dernière, le pays passera difficilement la barre des 5 % de croissance en 2021 même si les projections les plus optimistes de Statistics Mauritius et de la Banque de Maurice lui donnent un taux de 5,4 % et 5,5 % respectivement.

Or, la fermeture momentanée des frontières avec la France pendant une semaine au début du mois, avec l’inclusion du pays sur la liste «rouge écarlate» après l’apparition du variant Omicron en Afrique australe, est venue changer la donne dans ce secteur porteur de croissance. Cela a remis en cause les projections établies sur la base des arrivées touristiques après l’ouverture totale de l’aéroport le 1er octobre. Le nouveau chairman de l’AHRIM, Désiré Elliah, souligne avec raison dans sa première prise de parole lundi, que «l’incertitude permanente qui caractérise cette pandémie et les mauvaises surprises qu’elle pourrait encore nous réserver, font que l’avenir demeure flou». Le ministre du Tourisme, Steve Obeegadoo, en a rajouté une couche en révisant à 100 000 les arrivées touristiques en décembre alors que les hôteliers ambitionnaient 140 000.

Quoi qu’il en soit, l’estimation du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, de 325 000 touristes pour les trois derniers mois de l’année, ne sera pas objectivement atteinte. Il est fort à parier que l’industrie touristique, qui a subi une dette supplémentaire de Rs 15 milliards lors de ces 18 mois d’inactivité, selon le nouveau chairman de l’AHRIM, ne soit pas en mesure de tirer la croissance. Comme d’autres secteurs d’ailleurs (textile et habillement, PME, construction, etc.) qui parviennent difficilement à garder la tête hors de l’eau.

Cependant, les largesses gouvernementales à l’égard des fonctionnaires, les personnes du 3e âge éligibles à une pension de Rs 13 500 en 2023, et tout récemment une compensation salariale de Rs 400 across the board peuvent envoyer des signes contradictoires sur l’état réel des finances publiques.

Personne ne conteste les mesures sociales et financières pour protéger les économiquement faibles de la société. Mais faut-il encore qu’elles soient ciblées car, au cas contraire, elles exerceront de fortes pressions sur l’endettement public, aujourd’hui à 94,3 % du PIB et éventuellement sur le déficit budgétaire estimé à 5 % pour l’année fiscale 2021-22. Les économistes indépendants se sont fait entendre plus d’une fois sur ces paramètres économiques alors que l’État ne veut surtout pas freiner le dynamisme de la croissance. Même si, avec l’extension des mesures sanitaires jusqu’au 15 janvier, couplée à un danger inflationniste certain (6,4 % en glissement annuel en novembre), la consommation de fin d’année risque de prendre un sérieux coup.

La crise sanitaire et économique à l’échelle planétaire est venue certes rebattre les cartes de l’économie mondiale, condamnant les dirigeants à maintenir un équilibre difficile entre la protection de la santé publique et le souci d’éviter un crash économique. Maurice ne peut échapper hélas à cette réalité, voire ce rapport de force.