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Julien Hardy, le Mauricien qui vole haut au Dakar

22 décembre 2021, 21:17

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Julien Hardy, le Mauricien qui vole haut au Dakar

Parfois, le rôle principal n’est pas celui qui importe le plus. Celui de réalisateur ou producteur a autant de valeur, si ce n’est plus de valeur. Ayant volé sous les cieux sud-africains il y a quelques années de cela, le Mauricien Julien Hardy s’est fait un nom dans le domaine de la conception des voitures de rallye-raid. Il est actuellement le directeur et l’ingénieur en chef de Century Racing Ltd où il a conçu la CR6, un buggy de deux roues motrices qui participera au Dakar 2022, le 1er janvier prochain en Arabie Saoudite.

Du 1er au 14 janvier 2022, 1 065 participants vont effectivement s’affronter dans le sable de la péninsule arabique, à bord de 578 véhicules, sur les 8 375 km prévus au programme de ce 44e Dakar. Parmi ces participants, dix équipages  issus des quatre coins du monde rouleront dans cette CR6 dessinée par le Mauricien qui en sera à son 7e Dakar (un en Afrique, trois en Amérique du Sud, et un troisième en Arabie Saoudite)

Les voitures ont déjà été emballées et sont déjà en route pour l’Arabie Saoudite. Les membres de l’équipe embarqueront sur un vol charter le 26 décembre.

«À une semaine du départ (Ndlr: 26 décembre), le gros du boulot est déjà fait, les cinq voitures et les quatre palettes de pièces sont déjà à l’aéroport, et là c’est le moment de calme avant la tempête…C’est le moment de mettre sur papier la stratégie de travail pour l’équipe et commencer à travailler sur la vision globale de la course pour moi personnellement», nous dit d’emblée, Julien Hardy.

Century Racing fabrique ses voitures qu’elle vend à des particuliers. Le Français Mathieu Serradori fait partie de ceux qui ont fait confiance à la CR6 et en 2020, contre toute attente, le Serradori Racing Team remporte une étape du Dakar. Impensable ! Inimaginable quand on connaît la valeur des voitures d’usine comme Toyota, Mini et Mitsubishi.

Du coup, la CR6 intéresse de plus en plus de monde dans le giron. «Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la fiabilité et le contrôle qualité, notre faiblesse au dernier Dakar. Les CR6 ont super bien roulé en Afrique, Europe et Chine avec très peu de stoppage en spéciales, nous espérons continuer sur cette lancée en Arabie Saoudite», fait ressortir notre interlocuteur qui avoue que : «Je pense qu’on continue à prouver la valeur de notre produit. L’objectif était de vendre/produire 10 voitures cette année, et d’essayer d’en avoir 12 sur la ligne de départ à Jeddah : on peut dire mission accomplie avec 11 voitures livrées et 10 au départ. L’année a été un sprint de 11 mois pour toute l’équipe, nous n’avons pas eu une semaine tranquille pour se poser et respirer jusqu’au départ.»

Les pièces qui devront être remontées sur la voiture.

Ce départ, prévu le 26 courant sera moins mouvementé que celui de l’année dernière. L’équipe avait failli rester à quai et il avait fallu trouver un accord avec une autre équipe pour rallier la destination, non sans peine. L’équipe de Gazoo Toyota et Century Racing avaient réussi à trouver une formule gagnante en partageant les frais d’un vol charter d’Ethiopian Airlines. Les sept tonnes d’équipements avaient finalement pu être acheminées, non sans frais additionnels. Et ils avaient reçu leur matériel un jour avant le début de la course et l’assemblage avait été fait la veille et les essais aussi.

Discipline militaire

«Cette fois, notre avion charter quittera Johannesburg le 26 décembre et vu qu’on n’aura pas de quarantaine cette année, nous aurons plus de temps pour se préparer avant le départ, c’est un soulagement. En théorie c’est deux semaines en isolement avant d’entrer en Arabie Saoudite mais avec notre traitement spécial, on rentre direct avec deux tests PCR (7 jours et 72 heures avant) et tous les vaccins sont acceptés en Arabie Saoudite. Pour le plus gros Dakar des dernières années (96 voitures engagées) Century Racing arrivera le mieux préparé qu’on ne l’a jamais été et avec 10 voitures présentes nous espérons encore une fois animer la course !», espère Julien Hardy.

Sur les dix CR6 engagées, cinq seront sous la supervision de Century Racing. «Avoir cinq voitures dans notre structure est un bond en avant à tous les niveaux mais je pense qu’on est prêt pour cela. On est tous passé à un niveau supérieur cette année dans l’équipe où figure 35 personnes, mais du moment qu’on a un plan d’attaque et une discipline militaire tout se passera bien. L’exécution pendant la course de mon point de vue est la chose la plus facile. Arriver au départ de la course est bien plus dur, surtout ces derniers temps», lance-t-il. A titre d’information, huit nationalités sont présentes au volant des CR6 et si on englobe les clients des voitures, on arrive jusqu’à 17.

Les CR6 seront dans quatre équipes bien dis- tinctes, soit Century Racing avec les pilotes Chris Visser, Brian Baragwanath, Ernest Roberts, Schalk Burger et Marcelo Gastaldi, puis Serradori Racing Team (Mathieu Serradori et Alexandre Leroy), SMC Motorsport Junior Team (Oscar Fuertes Aldanondo et Jesus Calleja) et le Coronel Dakar Team. Le staff de Century Racing dirigé par Julien Hardy assurera le suivi pour toutes les équipes.

Il convient de souligner que Mark Corbett, propriétaire du groupe Century et de l’équipe, devait lui aussi être sur la ligne de départ, mais il s’est fracturé trois vertèbres dans une chute vendredi dernier. «En 24 heures on a conclu un accord avec Chris Visser, le champion sud-africain 2010 pour prendre son volant. Ça va être intéressant de voir comment il s’adapte à notre voiture. Chris a pour mission d’aider Brian et Mathieu. Si jamais ils ont des problèmes, il ira même jusqu’à leur donner ses pièces et puis il attendra le camion de course en cas de besoin », précise Julien Hardy.

Coût astronomique

Qui dit équipe qui monte, dit moyen en hausse. Et cette année, pour la première fois, Century Racing aura un camion de course engagé spécialement pour porter assistance à leurs cinq voitures. «Le coût est astronomique à 130,000€ (soit Rs 6,7 millions) pour un service qu’on ne risque de peut-être même pas d’utiliser, mais ça fait partie de la croissance de l’équipe : pour essayer de faire un gros résultat il faut continuer à investir», soutient l’ingénieur.

Comment se passe le financement justement. On sait tous que l’argent est le nerf de la guerre, surtout dans une guerre pour la gagne comme celle du Dakar, car le talent ne fait pas tout. «Chaque client est responsable de ses propres sponsors mais nos deux voitures officielles ont une myriade de petits sponsors locaux. Une grosse partie du budget est couverte par Century Racing. C’est notre plus gros investissement marketing de l’année, donc justifié. J’ai pour objectif personnel d’avoir un jour un sponsor mauricien sur notre voiture, possiblement un des gros groupes locaux», avoue Julien Hardy. Quand on connaît l’exposition que cette course a, au niveau mondial, on peut espérer voir une marque nationale sur les voitures de Century Racing.

Contrainte de la FIA

Quid des chances de la CR6 pour l’édition de 2022 ? Peut-on voir une victoire d’étape, voire plus? «Je n’aime pas faire ce genre de prédictions mais bien sûr on a toujours l’ambition d’être devant et de gagner. C’est un Dakar très intriguant qui arrive, avec Audi et sa voiture hybride qui n’a jamais fait une course donc impossible à comparer, les Toyota avec leur nouvelles voitures T1+ (gros pneus, voies élargies et moteur turbo) et les nouvelles Pro Drive T1+ qui n’ont aussi pas couru en course. Il y a beaucoup de «dark horses» comme on dit en anglais», fait remarquer le Mauricien.

Julien Hardy précise que la Fédération Internationale d’Automobile (FIA) a imposé une contrainte : «nous devons rouler avec une bride moteur d’un millimètre plus petite, donc les CR6 perdront une vingtaine de chevaux. Heureusement pour nous, la limite de vitesse est tombée à 170km/h, donc l’effet s’en fera moins ressentir.»

Cependant, il n’y a pas que des aspects négatifs concernant la performance de la CR6. Au contraire, Julien Hardy souligne que la voiture a fait deux grands pas en avant cette année: soit un nouveau châssis depuis février, et un changement de marque d’amortisseurs depuis avril. «La combinaison des deux nous apporte autour de 1.5 seconde par kilomètre, ça ne semble pas beaucoup mais sur une étape classique de 400km, on parle de 10 minutes», note-t-il.

Les équipages qui rouleront en CR6 :

<p>Brian Baragwanath / Leonard Cremer (N&deg; 230- Afs/Afs)</p>

<p>Chris Visser / Rodney Burke (N&deg; 253 - Afs/Afs)</p>

<p>Mathieu Serradori / Loïc Minaudier (N&deg; 212 - Fra/Fra)</p>

<p>Ernest Roberts / Henry Köhne (N&deg; 286 - Afs/Afs)</p>

<p>Tim Coronel / Tom Coronel (N&deg; 247 - Hol/Hol)</p>

<p>Jesús Caleja / Eduardo Blanco (N&deg; 256 - Esp/Esp)</p>

<p>Alexandre Leroy / Nicolas Delangue (N&deg; 250 - Bel/Fra)</p>

<p>Oscar Fuertes Aldanondo / Diego Vallejo (N&deg; 249 - Esp/Esp)</p>

<p>Schalk Burger / Henk Janse van Vuuren (N&deg; 271 - Afs/Afs)</p>

<p>Marcelo Gastaldi / Cadu Sachs (N&deg; 253 - Bre/Bre)</p>

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